L'Eglise vénézuélienne propose ses «bons offices» au pouvoir en place
L’assemblée de la Conférence épiscopale du Venezuela (CEV) s’est ouverte le 7 juillet 2016 sur fond de crise économique, sociale et politique. Mgr Diego Rafael Padron Sanchez, archevêque de Cumana, très critique envers le pouvoir, a offert «ses bons offices» pour le dialogue avec une population qui manque de tout.
«Le système qui nous gouverne est épuisé. Les gouvernants actuels manifestent leur incapacité à résoudre les problèmes urgents du pays… Il est clair que les intérêts du gouvernement ne coïncident pas avec ceux du pays, de sa population et de ses institutions», lance Mgr Diego Rafael Padron Sanchez, président de la CEV. Il poursuit en fustigeant «l’instabilité politique, la répression brutale et l’absence de réponses sérieuses qui génèrent «l’incertitude, le désespoir, la colère et la violence sociale». Il propose, à la fin de son discours d’ouverture de redonner la parole aux citoyens.
Le prélat estime qu’»un gouvernement(…) qui a refusé de permettre aux institutions religieuses ou sociales d’apporter leur contribution pour soulager les difficultés et les maladies de la population n’a pas l’autorité morale pour appeler au dialogue et à la paix…».
L’Archevêque a enfin demandé une nouvelle fois, «en tant que devoir urgent, de permettre l’entrée (sur le territoire, ndlr) des médicaments nécessaires à de nombreux vénézuéliens qui ont besoin d’assistance sanitaire».
Se basant sur l’expérience de la Caritas Venezuela, l’archevêque de Cumana propose enfin de prendre en charge la distribution de l’aide d’urgence qui afflue du monde entier. «Il ne s’agit pas de la solution définitive mais d’un palliatif qui ne devrait plus être reporté», relève-t-il.
Crise économique
Au Venezuela, la crise économique due à la chute des cours du pétrole frappe de plein fouet les habitants, confrontés à d’importantes pénuries alimentaires. Une situation qui a empiré depuis août 2015 et la fermeture de la frontière commune avec la Colombie. Cette frontière est notamment prisée par les trafiquants de drogue et les contrebandiers.
Le 5 juillet, 500 Vénézuéliennes ont décidé de franchir de force cette frontière avec la Colombie, afin d’y acheter des vivres. Selon l’institut de sondages Datanalisis, 80% des produits de première nécessité tels que le riz ou le papier hygiénique sont quasiment introuvables sur le territoire vénézuélien.
Une crise économique à laquelle s’ajoute une crise politique, l’opposition menant un processus pour obtenir un référendum révocatoire contre le président Nicolas Maduro. Face à cette situation, ce dernier s’accroche au pouvoir et est d’ailleurs tenté de répondre par la force. Il a estimé, le 6 juillet, qu’il fallait renforcer le pouvoir militaire.
Corruption
Les structures étatiques de distribution mises en place par le pouvoir, détournent les denrées alimentaires sensées être distribuées à la population. Les salaires ne suffisent plus à se procurer ces produits de base, seulement disponibles au marché noir. «Il en va de même pour les produits pharmaceutiques et les médicaments. Il est impossible aujourd’hui de se soigner au Venezuela», confie à Radio Vatican le Père Georges Engel, curé de la paroisse Notre Dame de l’Assomption à Caracas. «Le Venezuela est en état de décomposition complète», lâche-t-il.
Pénurie et famine
«La farine de maïs, l’huile, le poulet, etc… on ne trouve plus dans les magasins les produits de base nécessaires à l’alimentation des vénézuéliens, si non au marché noir à 20 ou 30 fois le prix habituel». Il explique que le pays, en proie au chaos économique, ne produit plus rien.
Les citoyens reçoivent chaque mois une ration alimentaire composée de farine, de pâtes, de beurre et de sucre. «Les enfants, surtout, souffrent de sous-alimentation», explique pour sa part Mgr Jaime Villarroel, évêque du diocèse de Carúpano au nord du pays, à l’Aide à l’Eglise en détresse (AED). Les denrées alimentaires rationnées sont censées suffire pour un mois, «mais elles ne suffisent même pas pour une semaine», poursuit-il. La crise a commencé par une crise économique, mais depuis, elle s’est muée en une véritable catastrophe humanitaire. « Les gens s’évanouissent de faim. La famine règne, ce qui, jadis, était impensable au Venezuela».
L’Eglise attaquée
Bien que la foi catholique soit pratiquée dans la majeure partie des régions du pays, le nord-ouest du Venezuela aurait besoin d’être réévangélisé. Dans le diocèse de Carúpano, 70 % de la population sont, certes, baptisés, mais seulement 2 % sont des catholiques pratiquants. Le siège épiscopal est assez récent: le diocèse a été fondé il y a seize ans. Il travaille pour «semer l’Évangile», bien qu’ici comme dans tout le pays, les prêtres et séminaristes soient souvent attaqués et humiliés en public. La vague de violence ne s’arrête ni aux églises ni à la cathédrale de Carupano. Les lieux de culte ont été plusieurs fois pillés et profanés. « Plus rien n’est respecté », déplore l’évêque.
«Les gens ont peur!», ajoute Mgr Jaime Villarroel. La drogue, les assassinats et les tortures font aujourd’hui partie intégrante du quotidien de l’ancienne «Perle des Caraïbes». «Les camions sont continuellement pillés, parce que les gens ont faim et ne respectent plus rien». (cath.ch-apic/rv/fides/aed/bh)