L'Eglise réformée vaudoise en pleine crise
La démission surprise du conseiller synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) John Christin, le 15 juin 2018, serait le symptôme d’un problème plus vaste qui touche toute l’institution protestante. La crise se manifeste principalement au niveau de la direction de l’EERV.
John Christin avait provoqué la stupeur en annonçant son départ séance tenante du Conseil synodal (organe exécutif), en pleine assemblée du Synode (organe législatif), réuni le 15 juin à Pully (VD). Il avait expliqué ne pas pouvoir «cautionner» des décisions récentes de l’exécutif, déplorant dans le même temps des divergences en termes de gouvernance.
Les ressources humaines au centre des disputes
Au cœur de la tempête, l’Office des ressources humaines (ORH) de l’EERV. John Christin n’a pas apprécié que ce dicastère lui soit retiré, début juin 2018, par Xavier Paillard, président du Conseil synodal. «Je l’ai senti comme un désaveu», explique le démissionnaire dans le quotidien vaudois 24 Heures du 29 juin 2018. Les deux hommes étaient en désaccord concernant le rôle de Nicolas Besson, le chef de l’ORH, dans la série de licenciements de pasteurs qui avait déjà ébranlé l’Eglise entre 2014 et 2017. «A un moment donné, le Conseil synodal a voulu se dégager de ses responsabilités en les mettant sur les seules épaules du responsable des ressources humaines», avait dénoncé John Christin lors de la séance de Pully. Selon le laïc réformé, on reprocherait à Nicolas Besson «des détails», alors que le responsable RH «passe beaucoup de temps à écouter le personnel de manière très humaine». Et le Conseil synodal mettrait sur le chef de service une pression qui constituerait «l’engrenage d’un mobbing possible».
Quasi-dictature?
Mais le conseiller synodal avait détaillé, le 15 juin, d’autres motifs de fâcherie. Il avait notamment critiqué le fait que Xavier Paillard tiendrait les directeurs de l’office à l’écart des décisions. Certains débats au Conseil portant sur des divergences internes seraient en outre tenus secrets. «C’est un procédé pervers à l’égard des tenants d’un avis minoritaire», a commenté John Christin.
Il a souligné que «les rumeurs faisant état d’une quasi-dictature au sein du Conseil synodal ont un fondement de vérité». John Christin admet ainsi que les tensions avec Xavier Paillard ont «rendu l’air irrespirable» au sein de l’exécutif de l’EERV.
«La machine grince de partout»
Suite à ce «grand déballage», le Synode a décrété un huis clos pour la suite des débats. Après une séance de deux heures, le Conseil synodal s’est engagé à ne procéder à aucun licenciement jusqu’aux élections de 2019. Il a également été décidé que la Commission de gestion du Synode (Cogest) exercerait une surveillance du secteur RH.
Dans son rapport, la Cogest constate deux visions qui s’opposent au sein du Conseil synodal: l’une qui «met en avant l’humain» et l’autre qui «respecte les procédures». La Commission s’inquiète des «très vives tensions» susceptibles de «provoquer un éclatement du fonctionnement et des relations internes (risques de démissions, départ du personnel, burnout, etc.)». Elle souligne que ces tensions au sommet sont le résultat d’un problème plus vaste qui affecte toute l’EERV. «La machine grince de partout», peut-on lire dans le rapport annuel. La Cogest constate ainsi sur le terrain «une méfiance envers les dirigeants de l’Eglise», le sentiment du Conseil synodal de ne pas être reconnu dans son mandat, ainsi qu’une «démotivation dans les paroisses».
«Tout est ouvert» pour les élections de 2019
Le rapport du Conseil synodal confirme cette vision en évoquant une «communauté ecclésiale en plein désarroi». Un employé de l’EERV relève anonymement à 24 Heures que «le Conseil synodal fonctionne à coups de directives au lieu d’écouter les collaborateurs et les régions. Il ne conduit pas vraiment l’Eglise mais interfère dans l’opérationnel». Le collaborateur estime toutefois que «tout est ouvert» pour les élections de 2019. «Xavier Paillard a fédéré des forces contre lui, mais il a aussi ses partisans», explique-t-il.
Le président du Conseil réfute les accusations: «Nous travaillons à des réformes conformément à notre programme de législature, explique-t-il dans 24 Heures. Le simple fait de poser des exigences apparaît contraire à l’Evangile pour certains». Le pasteur Paillard estime que «l’EERV entame une profonde mutation: être dans une Eglise par conviction et non plus par conformisme, cela change tout. Et cela provoque et des inquiétudes et des tensions, c’est normal». (cath.ch/24h/arch/rz)