«L'Eglise catholique ne soutient pas le suicide assisté», rappelle Mgr Lovey
Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, a rappelé, lors d’une rencontre avec la presse le 28 février 2019, l’opposition de l’Eglise au suicide assisté et le risque de sa banalisation. L’évêque «qui a fait le pari de la vie», évoquait avec des acteurs de la santé l’accompagnement en fin de vie.
«Comme chrétien, je suis disciple d’un Dieu qui a fait, une fois pour toute, le pari de la vie. Disciple de ce Dieu-là, je ne peux que prendre parti de défendre la vie humaine dans son intégralité et jusqu’au bout», lance Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, à la vingtaine de journalistes présents à l’évêché.
Un phénomène en expansion
Alors que l’Etat du Valais pourrait légiférer sur le droit d’avoir recours au suicide assisté dans les EMS, il était question de l’accompagnement en fin de vie. Dans ce domaine Mgr Lovey a logiquement et fermement rappelé l’opposition de l’Eglise au suicide assisté et au suicide en général. Le phénomène est en forte expansion en Suisse, passant de 187 passages à l’acte en 2003 à 965 en 2015. Une statistique qui met le suicide assisté quasiment au niveau du suicide «ordinaire»: 1008 en 2015.
«Je combattrai le principe du suicide assisté, mais pas la personne qui le demande, confie-t-il à cath.ch. Il faut prendre l’option d’accompagner ces personnes». Il a ouvert la conférence de presse en évoquant les réalités «qui nous collent à la peau»: parmi lesquelles la peur de perdre sa dignité dans la souffrance, de la solitude, d’être un fardeau pour les proches et la société. Et la peur face à la mort que l’on pense maîtriser en demandant l’assistance au suicide.
Le suicide assisté, que Mgr Lovey redoute de voir «devenir une prestation de service normal et socialement reconnue», ne peut pas être soutenu par le message chrétien. Il est au contraire une atteinte grave à la vie de la personne humaine. L’évêque de Sion rappelle les différentes options qui existent pour l’accompagnement en fin de vie.
La présence d’un prêtre
La présence d’un prêtre pour accompagner les personnes qui ont fait la demande d’assistance au suicide est tout à fait envisageable. «Il ne faut pas les exclure. Cette attitude serait inacceptable. Il faut bien distinguer la réalité du suicide assisté de celui qui en fait la demande». Mais l’évêque pose clairement la limite de l’accompagnement. Le refus éventuel du prêtre, «que je peux comprendre». Il est également impossible que le prêtre soit présent au moment de l’acte. Ce qui signifierait que l’Eglise cautionne le geste.
Mgr Lovey reconnaît que la demande de suicide assisté pose un problème. La pastorale de la santé actuelle peut répondre aux différentes demandes exprimées par les malades en termes de sacrement et d’accompagnement. «Mais il est vrai que les agents pastoraux ne sont pas spécifiquement formés dans les cas de suicides assistés. Il y a sans doute dans ce domaine un créneau à occuper».
L’évêque a également évoqué les accompagnements existant en dehors des aumôneries d’hôpitaux: à commencer par la cellule familiale que complètent les soins palliatifs en milieu hospitalier et à domicile ainsi que les associations bénévoles. Autant de structures qui permettent à chacun, dans un contexte paisible, de «prendre congé consciemment des siens». Le but de toute vie qui irait jusqu’à son terme.
Formés pour accompagner la vie
Une mission qui est au cœur des préoccupations des Etablissements médico-sociaux (EMS) indique Philippe Genoud, directeur de l’Association valaisanne des EMS. Il souligne les problèmes que pose la demande de suicide assisté et sa concrétisation dans l’institution. Notamment l’impact qu’aurait un tel geste sur le personnel, les autres résidents et les bénévoles.
Il pose la question du libre arbitre. Nombre de pensionnaires souffrent en effet de troubles cognitifs altérant leur discernement. La question de la pression financière revient dans les esprits avec le sentiment d’être un poids financier pour les proches et la société. In fine les collaborateurs, rappelle Philippe Genoud, ont été formés pour accompagner la vie et non pour assister la mort. Il se défend néanmoins d’aborder la problématique d’une manière manichéenne. Difficile de dire «c’est juste ou c’est faux» quand on touche l’intime de chaque être.
Geneviève Delèze, Secrétaire générale d’Alzheimer Valais, une association qui prend en charge les personnes atteintes de démence, parle des progrès des conditions de fin de vie qu’a permis le développement des soins palliatifs. Elle aussi retrouve chez la plupart des patients le sentiment d’inutilité et la peur face à la mort et surtout à la pression financière de la société.
Le risque de la banalisation
Ce que déplore également Steve Bobilier, philosophe, éthicien et membre de la commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses. Il met en garde contre la banalisation du suicide assisté, dont les critères à l’admission n’ont cessé de s’élargir au cours des dix dernières années. Selon lui, en parler en termes positifs et le médiatiser encourage et augmente le suicide en général, par effet de mimétisme, en référence à «l’effet Werther». «En 2005, un tiers des personnes ayant eu recours au suicide assisté étaient atteintes de maladie incurables».
Il s’agit d’un acte violent et un suicide, qu’il soit assisté ou non, reste un suicide, souligne-t-il. Et d’insister sur le fait que le suicide assisté n’est pas moins traumatisant que le suicide «ordinaire». Au contraire, appuie-t-il, le deuil est plus difficile à faire lors d’un suicide assisté, surtout lorsque les proches ont respecté la volonté du défunt et le regrettent. (cath.ch/bh)
Des critères élargis
Les critères d’entrée en matière pour le suicide assisté se sont élargis depuis une dizaine d’années. Steve Bobilier a détaillé cette évolution durant la conférence de presse. Si avant 2006, les associations d’aide au suicide acceptaient les personnes en fin de vie atteintes d’une maladie incurable, elles sont entrées en matière pour les malades psychiques dès cette année-là. En 2014, Exit Suisse romande a pris en compte les personnes souffrant de polypathologies invalidantes liées à l’âge. Une proposition a été faite aux personnes «fatiguées de vivre» par Exit suisse allemande en 2017.
L’année passée, les personnes atteintes de souffrances insupportables, désireuses de mourir et les détenus ne désirant pas purger leur peine ont accès au suicide assisté. En 2019 il est ouvert à tous. (bh)