Le président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdogan | kremlin.ru CC BY 4.0
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«L'Église catholique n'a jamais été en difficulté avec Erdogan»

En Turquie, la victoire du président sortant Recep Tayyip Erdogan met en évidence «l’inadéquation des instruments des médias occidentaux pour représenter la situation turque», estime Mgr Paolo Bizzeti, vicaire apostolique d’Anatolie, pour qui «l’Église catholique n’a jamais été en difficulté avec le gouvernement d’Erdogan».

Lors du second tour des élections présidentielles qui s’est tenu dimanche 28 mai 2023, le président Erdogan a obtenu 52,16% des voix. Son rival Kemal Kılıçdaroğlu s’est arrêté à 47,84%. Ce résultat intervient après des mois au cours desquels les sondages et les analyses des médias occidentaux avaient crédité la possible fin de la longue saison d’Erdogan à la tête de la Turquie, rappelle l’Agence Fides.

«La victoire était prévisible»

«La méconnaissance du pays réel, conduit à une certaine superficialité dans la façon de comprendre la Turquie, et ensuite on est surpris…», remarque le jésuite Paolo Bizzeti dans un entretien avec l’Agence Fides. «La victoire d’Erdogan était prévisible, et il n’y a pas eu le renversement de situation que certains avaient prédit. C’est parce que nous sommes obnubilés par certains aspects qui nous semblent si importants, alors qu’il y en a d’autres qui sont manifestement plus importants pour le peuple turc et que nous sous-estimons».

Parmi les facteurs à prendre en compte, le vicaire apostolique d’Anatolie souligne l’importance que la Turquie a prise sur la scène internationale avec le gouvernement d’Erdogan, un fait important pour les Turcs.

«Le gouvernement d’Erdogan est reconnu comme un acteur géopolitique par l’Europe et les Etats-Unis, par Poutine et les monarchies du Golfe, pour des raisons différentes, voire parfois opposées. Il s’agit donc d’un dirigeant aux commandes qui peut compter sur la reconnaissance internationale. Ceux qui le présentent comme un dictateur isolé, qui fait cavalier seul, proposent une lecture erronée de la réalité. Erdogan est un homme élu et soutenu par la communauté internationale. Et il faut en tenir compte, car l’opinion publique turque en tient compte».

«L’opposition ne s’est pas démarquée»


Erdogan l’a emporté sur son rival par une différence d’environ 2 millions de voix. Cette victoire lui garantit de rester à la tête du pays pour cinq années supplémentaires. Ces dernières semaines, rappelle l’Agence Fides, pour tenter de rallier des soutiens, Kemal Kılıçdaroğlu avait pris un tournant nationaliste et anti-immigrés dans sa campagne, promettant l’expulsion et le rapatriement forcé des millions de réfugiés syriens qui ont trouvé refuge en Turquie.

«Le candidat de l’opposition, note Mgr Bizzeti, voulait rivaliser avec Erdogan sur le terrain d’Erdogan, et ce n’était pas un choix très crédible. L’opposition n’a pas eu le courage de défendre quelque chose de vraiment différent. Cela explique aussi en partie le résultat: si les arguments sont plus ou moins les mêmes des deux côtés, les gens choisissent de maintenir au pouvoir l’homme qu’ils connaissent déjà».

Le sentiment des communautés chrétiennes en Turquie

En ce qui concerne les sentiments que le résultat des élections peut susciter parmi les communautés chrétiennes en Turquie, Mgr Bizzeti souligne que «l’Église catholique n’a jamais été en difficulté avec le gouvernement d’Erdogan. Il y a des questions qui ont toujours été en suspens, comme la personnalité juridique de l’Église catholique. Mais ce sont des problèmes qui découlent du traité de Lausanne, et certainement pas du gouvernement de l’Akp, le parti d’Erdogan».

«De plus, ajoute l’évêque jésuite, une certaine laïcité kémaliste qui relègue la religion à la sphère privée n’est pas très souhaitable pour nous. Sur ce point aussi, il faut sortir de certaines banalisations. En Europe, la laïcité totale de l’État est considérée comme une valeur, mais il y a des situations controversées et des aspects discutables. Un gouvernement qui prend en compte les sentiments religieux des citoyens est cependant souhaitable pour nous. Nous ne pouvons accepter une religion simplement reléguée à la conscience». (cath.ch/fides/gr)

Le président de la République de Turquie Recep Tayyip Erdogan | kremlin.ru CC BY 4.0
29 mai 2023 | 17:36
par Grégory Roth
Temps de lecture : env. 3  min.
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