Le vicaire général Bernard Sonney sort de son silence
Le vicaire général Bernard Sonney reprend ses fonctions à l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). Il s’était volontairement mis en retrait de ses fonctions en septembre 2023, suite aux accusations d’abus sexuels qui visaient plusieurs prélats et évêques suisses. Interviewé par la Liberté, il revient sur cette «année d’épreuve».
Patrick Chuard, «La Liberté«
Pressé de questions des médias suite à l’annonce de sa présidence de la Conférence des évêques suisses (CES) en 2025, l’évêque du diocèse LGF, Mgr Charles Morerod, a publié le 6 décembre 2024 la lettre de Rome concernant l’enquête préliminaire menée l’an dernier par l’évêque de Coire, Joseph Bonnemain. Son contenu confirme pour l’essentiel ce que l’évêché LGF annonçait en octobre. A savoir que le Vatican reproche des «erreurs de forme canonique» (liées au droit interne de l’Église, ndlr) à Charles Morerod. Mais «aucun délit punissable, dissimulation, négligence ou erreur qui nécessiterait l’ouverture d’une procédure pénale.»
Dans son communiqué, l’évêché indique que Mgr Bernard Sonney (68 ans) «continue son ministère de prêtre» et «qu’aucun délit ne lui est reproché.» Le vicaire général a accueilli cette nouvelle avec soulagement et a accepté de répondre aux questions de La Liberté.
Le Vatican ne vous reproche aucun délit et l’évêque du diocèse vous confirme dans votre ministère. Pourquoi vous étiez-vous mis en retrait de vos fonctions en septembre 2023?
La situation était difficile car l’évêque, Charles Morerod, était malade et des accusations visaient des évêques et des prêtres. Dans ce contexte je ne voulais pas que ma présence soit un problème ou rajoute à la confusion. La direction de l’évêché avait alors été provisoirement confiée à une équipe de quatre laïcs. Je précise que je n’ai jamais été suspendu ni interdit de célébrer la messe. J’ai librement choisi de garder le silence jusqu’à ce jour.
De quoi étiez-vous accusé?
Je n’en savais rien au moment de mon retrait. J’ai appris par la suite, lors de l’enquête de Mgr Bonnemain, qu’une personne me reprochait de lui avoir dit: «J’aimerais bien t’embrasser.» J’aurais dit ces paroles à un adulte alors que j’étais curé en paroisse à Pully il y a plusieurs décennies. Je n’en ai aucun souvenir et je ne sais pas ce que cela signifie. Ai-je dit cela à cette personne pour signifier que je lui étais reconnaissant pour un travail ou pour un service rendu à la paroisse? Était-ce une marque de gentillesse de ma part? La même personne me reproche d’avoir parlé de sous-vêtements lors d’une visite pastorale à sa famille. Je n’en ai vraiment aucun souvenir.
Comment avez-vous vécu cette année en retrait de vos fonctions?
Cela a été une année d’épreuve. J’ai vécu ces accusations comme une profonde injustice à mon égard. Je n’ai plus été appelé à célébrer des messes, car le contenu des accusations n’était pas public et l’ouverture d’une enquête préalable laisser imaginer des éléments graves. Je précise que je n’en veux à personne, car je comprends que l’évêché ne pouvait pas donner davantage d’explications.
La lettre écrite au Vatican par l’ancien vicaire général Nicolas Betticher laisse entendre que la personne qui vous a accusé de harcèlement (sans vous nommer) serait la même qui a accusé Jean Scarcella, le père-abbé de Saint-Maurice, d’agression sexuelle. Quel est le lien entre les deux «affaires»?
Je n’en sais rien et je ne comprends pas.
Avez-vous contesté la réprimande que le Vatican a demandé à l’évêque de vous faire?
Le préfet du Dicastère pour les évêques n’a pas analysé l’affaire sur le fond: il a simplement pris acte du signalement. Mais les faits n’étant pas clairs ni avérés, et puisqu’il n’y a pas de sanction, je ne peux rien invoquer pour ma défense.
Dans un contexte d’accusations graves et nombreuses contre l’Église pour des abus sexuels ou spirituels commis dans le passé, diriez-vous que vous êtes une victime collatérale?
Oui. Je comprends que des victimes souffrent, mais il est important de faire la part des choses à l’heure où les rumeurs s’ajoutent à des faits plus ou moins anciens. J’attends beaucoup d’un futur tribunal pénal ecclésiastique sur le plan suisse, que les évêques ont l’intention de créer. Il permettrait d’instruire des affaires et de donner des moyens de défense, tant aux victimes qu’aux auteurs présumés.
Reprenez-vous vos fonctions de vicaire général?
Je le souhaite. Je ne peux évidemment assumer qu’une partie du ministère puisque je travaille à 40%. Jean-Claude Dunand, le vicaire général nommé cette année, est à 100%. Pour ma part, j’aimerais continuer à travailler jusqu’à l’âge de ma retraite officielle. (cath.ch/la liberté/lb)