Le succès des «messes à distance» interroge la théologie
Pendant la période de confinement, les messes diffusées sur le web ou à la télévision ont été très regardées. Pour René Roux, recteur de la Faculté de théologie de Lugano, ce constat questionne un certain nombre de «stratégies pastorales» répandues dans l’Eglise.
La retransmission des cérémonies du Vendredi Saint, présidées par le pape François au Vatican, a dépassé les 17 millions de téléspectateurs. De telles audiences jusque là impensables pour des célébrations religieuses ont été enregistrées dans de nombreuses parties du monde, également en Suisse.
Le christianisme, pas si marginal?
Dans un article d’opinion paru le 5 mai 2020 sur catt.ch, René Roux estime qu’un tel phénomène «questionne la théologie universitaire». Selon le recteur de la Faculté de théologie de Lugano, le monde académique catholique «ne peut se soustraire à l’analyse approfondie de ces données, qui contraste largement avec l’opinion dominante d’une marginalisation croissante du christianisme dans la société». Un constat qui remettrait également en cause «certaines des stratégies pastorales les plus répandues dans l’Eglise, ces dernières années».
René Roux rappelle les «voix critiques» qui se sont élevées face à l’essor des messes à distance. Des voix qui ont déploré la célébration de l’Eucharistie sans le peuple, arguant que de faire du prêtre le «seul acteur» de la cérémonie relevait d’un «cléricalisme» en contradiction avec le Concile Vatican II. D’autres ont souligné que le phénomène des messes à distance avait rappelé qu’il s’agit d’un «sacrement ayant une valeur objective, qui ne dépend pas de l’assemblée». Il est donc «logique de la célébrer, même dans ces circonstances, pour le bénéfice de tous».
Une messe trop intellectuelle?
Le théologien du Tessin note également que l’intérêt exceptionnel porté à ces célébrations à distance fait resurgir l’objectif premier de l’acte cultuel public de l’Eglise, qui est «la relation avec Dieu». Pour lui, cela fait grandir le doute sur la «ligne dominante» au sein de la théologie académique. «Pendant des années, elle a été l’alliée de l’épiscopat mondial dans le travail de réforme de l’Eglise, engagée dans le renouvellement de la liturgie pour la rendre toujours plus proche des personnes». Selon René Roux, cette «ligne dominante» a fini par «mettre en avant de façon déséquilibrée la dimension communautaire et intellectuelle de la liturgie, jusqu’à détourner l’attention de la réalité sacrée du mystère». Le professeur de théologie estime ainsi que «cela a pu favoriser l’absentéisme dans nos églises au profit des formes alternatives de religiosité en dehors de la tradition chrétienne». Un débat intra-ecclésial qui, selon René Roux, «continuera à nous occuper même après que le virus ait été vaincu». (cath.ch/catt/rz)