Les prêtres britanniques pourraient se voir forcés de révéler des abus entendus en confession | © Michael Gaida/Pixabay
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Le secret de la confession menacé au Royaume-Uni

Un nouveau rapport publié au Royaume-Uni recommande de rendre obligatoire le signalement d’abus sexuels sur mineurs, même dans le cadre de la confession sacramentelle. Un appel qui risque fort d’être entendu par le législateur britannique.

Le rapport de la Commission d’enquête indépendante sur les abus sexuels sur enfants (IICSA) mandatée par le gouvernement britannique, a été publié le 21 octobre 2022. Le groupe d’experts a examiné pendant sept ans, en Angleterre et au pays de Galles, les témoignages de 6’200 victimes.

Le document note que les abus sexuels sur les enfants sont une «épidémie» en Grande-Bretagne, qui touche des millions de victimes, avec «des actes vils et horribles cachés pendant des décennies, les institutions et les politiciens privilégiant la réputation au détriment du bien-être des jeunes», rapporte Vatican News. Le rapport affirme en outre que le phénomène n’est «pas seulement une aberration historique survenue il y a plusieurs décennies, mais un problème en constante augmentation».

Obligation de signalement

Il a également mis au jour des abus au sein des deux principales institutions religieuses d’Angleterre et du pays de Galles: l’Église catholique romaine et l’Église d’Angleterre. Cette dernière s’est d’ores et déjà excusée pour avoir «échoué à protéger» les victimes. Selon le document, les politiciens, les chefs religieux et les organismes locaux d’aide sociale ont ignoré et couvert activement les allégations afin de protéger les auteurs et leur réputation, tandis que la police a fait preuve d’une déférence excessive à l’égard des personnes de la vie publique.

L’IICSA a formulé vingt recommandations, dont trois mesures clés: une nouvelle loi obligeant à signaler les abus, la création d’une autorité de protection de l’enfance, et un programme d’indemnisation visant à apporter une aide financière aux victimes. Selon le texte, le signalement «devrait être une obligation absolue, non soumise à des exceptions fondées sur des relations de confidentialité, religieuses ou autres.» Un prêtre qui ne signalerait pas aux autorités un cas d’abus sexuel sur mineur évoqué lors d’une confession sacramentelle risquerait ainsi des poursuites pénales.

En contradiction avec la loi de l’Eglise

Une disposition, qui, si elle était suivie par le législateur britannique, entrerait en totale contradiction avec la loi de l’Eglise. Selon le droit canonique, le secret de la confession est en effet inviolable et sa divulgation est un délit passible de l’excommunication.

Bien que le rapport de l’IICSA ne soit qu’une recommandation, le gouvernement a promis d’y répondre dans les six mois. Il était attendu que le document présente ce point, et c’est sans doute pour l’anticiper que l’Eglise d’Angleterre (Eglise anglicane officiellement établie en Angleterre) a récemment envisagé de lever le secret de la confession.

Un rapport similaire a fait la même recommandation en 2017 en Australie. Il en a résulté que la plupart des États australiens ont adopté des lois sur la déclaration obligatoire qui n’exemptent pas les confessions sacramentelles. L’Église anglicane dans ce pays a fait le pas de se conformer à la loi, en déclarant que les crimes graves tels que les abus sur les enfants ne seraient plus protégés par le secret de la confession.

La position de l’Eglise fragilisée

Une telle décision n’est pas sur la table dans l’Eglise catholique. En tant que tel, le conflit entre l’Etat et l’Eglise sur le secret de la confession n’est pas une nouveauté, il est apparu dans divers contextes depuis des siècles. Le développement actuel possède toutefois un certain nombre d’aspects nouveaux, qui fragilisent la position de l’Eglise, analyse le média américain Crux.

Tout d’abord, les attaques contre la confession étaient jusque-là le fait de régimes autoritaires et dictatoriaux, et non de démocraties dans des pays historiquement chrétiens. Le bilan désastreux de la lutte interne de l’Eglise contre les abus fait en sorte que tout effort pour défendre le secret de la confession apparaît comme une autre tentative de protéger les abuseurs.

Selon de derniers sondages, plus de 50% des catholiques n’iraient jamais se confesser. Les fidèles seraient donc peu enclins à se battre pour une pratique qui ne touche pas vraiment leur vie quotidienne. De plus, les politiciens se soucient moins des électeurs catholiques lorsqu’ils adoptent des lois qui affectent l’Église, sachant que de nombreux catholiques sont mécontents de leurs évêques à cause de la crise des abus et d’autres scandales.

En Angleterre, le problème est aggravé par les vestiges de l’anticatholicisme institutionnel qui touche la classe dirigeante depuis la Réforme, affirme Crux. Une accumulation de facteurs qui rendent très élevés les risques que l’Etat britannique endosse finalement la recommandation du rapport. (cath.ch/vaticannews/crux/arch/rz)

Les prêtres britanniques pourraient se voir forcés de révéler des abus entendus en confession | © Michael Gaida/Pixabay
24 octobre 2022 | 16:35
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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