Le roi Charles III et le catholicisme: l’héritage du cardinal Newman

«God save the King«, a écrit le cardinal Vincent Nichols, archevêque de Westminster, dans son message publié quelques minutes après l’annonce du décès de la reine Elizabeth. Le début immédiat du règne du roi Charles III met un terme à des décennies d’attente pour le prince héritier, qui dès l’âge de 3 ans a vécu pour se préparer à l’exercice de la charge de roi.

Très sensible aux thèmes religieux et spirituels, le nouveau roi a montré à plusieurs reprises sa sympathie pour l’Église catholique et pour les papes, notamment à l’occasion de la canonisation du cardinal Newman, en octobre 2019.

Le 29 avril 1985, le prince Charles et la princesse Diana furent reçus par Jean Paul II. S’avouant «extrêmement nerveuse», la jeune princesse, vêtue de noire et couverte d’une mantille, ne cacha pas son émotion face à la stature du pape polonais, qui les reçut en audience privée durant une trentaine de minute, avant qu’ils ne visitent la basilique saint-Pierre et la tombe de l’apôtre. 

Vingt ans plus tard, comme c’était généralement le cas pour les obsèques de chefs d’État, le prince Charles est envoyé à Rome pour représenter la famille royale britannique aux obsèques de Jean Paul II, le 8 avril 2005. Ce déplacement le contraint à reporter d’une journée son mariage avec Camilla Parker Bowles.

Durant la messe d’obsèques présidée par le cardinal Ratzinger sur le parvis de la basilique Saint-Pierre devant des dirigeants de pays parfois hostiles entre eux, la poignée de mains de l’héritier de la Couronne avec le président du Zimbabwe Robert Mugabe, lors du signe de paix avant la communion, fit scandale dans les médias britanniques. Interdit de séjour dans l’Union européenne en raison des exactions de son régime envers l’opposition et la minorité blanche, le président zimbabwéen, de confession catholique, avait bénéficié d’une dérogation pour se rendre au Vatican.

Le prince Charles sera par la suite reçu par Benoît XVI le 27 avril 2009, avec Camilla, devenue la duchesse de Cornouailles. À quelques mois du sommet de Copenhague sur le climat, la défense de l’environnement fut au centre de la discussion, ainsi que la promotion du dialogue interculturel et interreligieux.

L’héritier de la Couronne britannique a par la suite rencontré le pape François à deux reprises. Le 4 avril 2017, avec Camilla, le prince Charles eut un premier entretien avec le pape argentin, lui offrant des produits de sa ferme biologique. Le pape lui offrira une statue en bronze représentant un rameau d’olivier, en lui disant : «Où que vous alliez, que vous soyez perçu comme un homme de paix». «Je ferai de mon mieux», aurait alors répondu le futur roi, heureux de ses convergences avec le pape sur la lutte contre le réchauffement climatique. La visite de la Bibliothèque vaticane, des Archives secrètes et de la Chapelle Sixtine fut aussi à l’agenda du couple princier.

Une proximité avec le catholicisme nourrie par la mémoire du cardinal Newman

Enfin, le prince Charles reviendra au Vatican le 13 octobre 2019 à l’occasion de la canonisation du cardinal John Henry Newman (1801-1890) lors d’une messe présidée par le pape François. Cet événement donnera à l’héritier de la Couronne britannique l’occasion de signer un texte d’une haute tenue spirituelle, publié par les médias du Vatican. 

Le futur roi souligne alors que cette proclamation du premier nouveau saint britannique depuis plus de quarante ans constitue «un motif de célébration non seulement pour le Royaume-Uni, et non seulement pour les catholiques, mais aussi pour tous ceux qui chérissent les valeurs par lesquelles il a été inspiré».

Saluant le courage spirituel et «l’amitié intime avec Dieu» de ce prêtre anglican devenu catholique, le prince Charles remarque que «à l’époque où il vivait, Newman défendait la vie de l’esprit contre les forces qui avilissent la dignité humaine et la destinée humaine».

«Sa foi était vraiment catholique en ce sens qu’elle embrassait tous les aspects de la vie», écrit le futur roi, offrant une réflexion sur la liberté de conscience face aux persécutions et au scepticisme. «Ceux qui recherchent le divin dans ce qui peut sembler être un environnement intellectuel de plus en plus hostile trouvent en Newman un allié puissant qui a défendu la conscience individuelle contre un relativisme écrasant», écrit alors le prince héritier de la Couronne.

Il souligne aussi que le cardinal Newman «a redonné confiance à l’Église catholique alors qu’elle se rétablissait sur une terre d’où elle avait été autrefois déracinée. La communauté catholique de Grande-Bretagne doit aujourd’hui une dette incalculable à son travail inlassable, de même que la société britannique a des raisons de remercier cette communauté pour sa contribution incommensurablement précieuse à la vie de notre pays», souligne le prince Charles.

Désormais chef de l’Église anglicane en tant que roi, il est possible que Charles III donne une tonalité œcuménique à son règne, dont les premiers instants ont été marqués par un télégramme du pape François. «J’assure Votre Majesté de mes prières pour que le Dieu Tout-Puissant vous soutienne de sa grâce indéfectible, alors que vous assumez maintenant vos hautes responsabilités en tant que Roi», a écrit le pape dans ce message publié quelques heures après la mort de la reine. 

Selon certains spécialistes de la Couronne britannique, le prince Charles concevait sa future mission de roi comme celle d’un ›protecteur des religions’ au sens large plutôt que de l’anglicanisme en tant que tel. Il a montré sa bienveillance à l’égard des catholiques à différentes reprises, notamment en accompagnant l’abbé Pierre dans l’implantation d’une communauté Emmaüs au sud de l’Angleterre.

Le règne de Charles III, même s’il sera forcément plus court que celui de sa mère, pourrait donc entrer dans l’Histoire en scellant la pleine intégration du catholicisme dans la société britannique. (cath.ch/imedia/cv/mp)