Romuald Babey, représentant de l'évêque pour la région diocésaine de Neuchâtel | © Maurice Page
Dossier

Le représentant de l'évêque, Romuald Babey, veut 'avancer au large'

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En mars 2021, Mgr Morerod m’a sollicité pour être son représentant dans le canton de Neuchâtel, en me disant: «Voulez-vous faire ce saut dans la foi avec moi?». J’ai répondu: «Laissez-moi d’abord m’asseoir et en discuter avec mon épouse.» Mais finalement cela m’a beaucoup plu, explique Romuald Babey, dans le bureau de la paroisse de Fleurier (NE).

Maurice Page

En choisissant de remplacer les vicaires épiscopaux par des «représentants de l’évêque» non-prêtres, Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne Genève et Fribourg (LGF), fait oeuvre de pionnier. Romuald Babey, représentant désigné de l’évêque pour la région diocésaine de Neuchâtel, se présente et livre à cath.ch sa vision de sa charge.

«Tout n’est pas écrit, tout n’est pas établi, laissons la place à l’Esprit-Saint»

«Tout n’est pas écrit, tout n’est pas établi, laissons la place à l’Esprit-Saint. Faire ce saut dans la foi, si on réfléchit uniquement avec son intellect, peut paraître effrayant. Mais en y regardant de plus près, le saut dans la confiance n’est-il pas précisément la caractéristique première de la foi chrétienne?, s’interroge le diacre permanent. Depuis que je suis né, la foi m’a conduit à des endroits où je ne pensais pas aller. J’ai choisi comme devise d’ordination ‘Avance au large, n’aie pas peur’. Elle ressort assez fréquemment ces temps-ci.»

«Le collège St-Charles m’a ancré dans la foi»

A 51 ans, Marié, père de quatre enfants, Romuald Babey a déjà un riche parcours personnel, professionnel et ecclésial.

Le passage au Collège St-Charles à Porrentruy, entre l’âge de 12 et 20 ans, a été une première étape importante pour le jeune Jurassien. «Ces années m’ont ancré dans la foi, en côtoyant des enseignants et des prêtres qui ont posé des balises sur mon chemin». Vers 18 ans, le collégien songe au séminaire et à la théologie, mais finalement le désir de fonder une famille prévaut. Après une tentative en médecine, il s’oriente vers des études de lettres classiques à Berne et à Neuchâtel.

Enseignant et directeur d’école

En 1995, encore étudiant, il commence à donner des cours à l’école secondaire du Val-de-Travers. Il complète sa formation pédagogique et devient enseignant titulaire. Il s’installe avec sa famille à la Chaux-de-Fonds.

En 2003, il déménage à Fleurier. En 2011, il devient directeur-adjoint, puis en 2015, directeur général des écoles du Val-de-Travers qui comptent 1’500 élèves et 150 professeurs. Un poste qu’il occupera jusqu’en 2019.

«En 2019, j’ai souhaité m’investir davantage dans l’Eglise en y travaillant de manière professionnelle. Cela a été un grand saut.»

Au plan ecclésial, son itinéraire passe d’abord par la paroisse du Sacré-Coeur, à la Chaux-de-Fonds. «J’ai été nommé délégué pour AD2000, une grande démarche diocésaine lancée par Mgr Bernard Genoud. J’ai mieux découvert l’Eglise diocésaine et le ministère de diacre. J’ai alors été sollicité pour ce parcours, mais cela n’était pas encore mûr. Nous avions prévu avec ma femme d’avoir encore d’autres enfants. J’ai donc attendu 2009 pour me lancer dans la formation en vue du diaconat.»

Premier diacre permanent à Neuchâtel

Une formation qui aboutit en 2013 à son ordination comme premier diacre permanent catholique pour le canton de Neuchâtel, tout en conservant son activité de directeur d’école.

«En 2019, j’ai souhaité m’investir davantage dans l’Eglise en y travaillant de manière professionnelle. J’ai proposé mes services au vicaire épiscopal. J’ai, depuis septembre 2019, deux mandats comme responsable de la pastorale de la santé au plan cantonal et comme agent pastoral à la paroisse de Fleurier. Cela a été un grand saut.»

Un diacre permanent ne peut pas s’engager sans l’accord de sa femme

Sa famille qui avait déjà accepté de le suivre dans l’aventure du diaconat permanent a également été d’accord de faire ce saut. Il n’est en effet pas concevable qu’un diacre marié s’engage sans l’accord de son épouse. Comme le salaire d’un agent pastoral dans le canton de Neuchâtel n’est clairement pas celui d’un directeur des écoles, sa femme a accepté de reprendre une activité professionnelle dans un EMS.

Romuald Babeyest agent pastoral à Fleurier | © Maurice Page

Leurs quatre enfants, aujourd’hui âgés entre 15 et 22 ans, ont eu des réactions différentes. «Mon fils aîné m’a dit d’attendre la retraite; ma fille m’a interrogé sur la nature de ce travail; la troisième m’a dit: ‘Le plus important c’est que tu sois heureux dans ce que tu fais’; la dernière a été touchée mais n’a pas dit grand chose. Ma femme s’est fait une philosophie: ‘si c’est Dieu qui l’appelle, je ne peux pas aller contre.’»

Pour couronner l’ensemble, Romuald Babey s’est lancé dans une licence en théologie, en ligne, auprès de Domuni Universtas des dominicains de Toulouse. «C’est fantastique, car avec cette formation toutes les pièces du puzzle de ma vie se mettent ensemble pour former un magnifique paysage de la foi.»

Observer d’abord

Même s’il connaît de l’intérieur l’Eglise de Neuchâtel, Romulad Babey veut commencer par observer selon le principe ‘voir-juger-agir’. «Je ne veux pas arriver avec de gros souliers en prétendant transformer le canton.»

«Être une Église pauvre avec peu de ressources peut être vécu comme une chance»

A ses yeux, le premier aspect concerne les relations entre la vingtaine d’agents pastoraux laïcs et la quinzaine de prêtres, répartis en quatre unités pastorales (UP). «Mon premier projet est de créer des liens plus forts entre nous. Nous sommes tous des baptisés qui devons porter ensemble la responsabilité de l’Eglise. Cela me paraît essentiel, d’autant plus que plusieurs départs laissent des trous qu’il faudra combler en faisant appel à des compétences diverses des prêtres des agents pastoraux laïcs et des paroissiens.»

Pour le nouveau représentant de l’évêque, le fait d’être une Eglise pauvre avec peu de ressources peut être vécu comme une chance par tous pour devenir plus acteur de sa communauté. La démarche synodale diocésaine, qui va se mettre en place, doit permettre d’aller dans cette direction.

Commander aux prêtres

Concrètement le vicaire épiscopal, l’abbé Pietro Guérini, va retourner dans son diocèse de Bergame, en Italie. Certaines de ses tâches liées à son ministère sacerdotal ne pourront pas être reprise par un diacre ou un laïc, constate Romuald Babey. Elles seront redistribuées au doyen et aux curés modérateurs. .

Le diacre est bien conscient que le fait de commander à des prêtres et des curés peut poser des difficultés, puisqu’ils préféreraient généralement avoir un pair en face d’eux. Mais «on doit se parler et dialoguer. J’ai aussi l’avantage que le vicaire épiscopal m’a déjà invité à la réunion des prêtres. Nous nous connaissons donc assez bien.» En outre dans la nouvelle organisation, l’évêque auxiliaire, Mgr Alain de Raemy, s’occupera plus spécifiquement des prêtres pour le diocèse. Lorsque cela sera nécessaire, une rencontre à trois pourra se faire.

Travailler en équipe

«Les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas clérical et que je n’attire pas tout le pouvoir à moi, mais que j’essaye de le partager. L’image qui me parle le plus du diacre est celle du Christ lavant les pieds de ses apôtres, le soir du Jeudi-Saint», insiste Romuald Babey.

«A ma demande, j’occuperai le poste de représentant de l’évêque à 50% (avec François Perroset comme adjoint à 50%) et je garderai l’autre 50% en pastorale. Je ne veux pas quitter le terrain, j’en ai besoin. Je ne veux pas rester enfermé dans un bureau à inventer je ne sais quoi. Je souhaite travailler en équipe.»

Lien avec la Fédération catholique-romaine
Le deuxième rôle du représentant de l’évêque est de faire le lien avec la Fédération catholique romaine de Neuchâtel (FCRN) l’organe administratif et financier de l’Eglise dans le canton, selon le concordat avec l’Etat. Là encore, la chose lui semble sur de bons rails «Nous devons faire beaucoup d’efforts pour trouver les fonds nécessaires à notre fonctionnement. Le fait que nous partageons nos locaux du vicariat à Neuchâtel avec la FCRN facilitera cette collaboration.» Son activité de responsable des aumôneries de la santé l’a en outre déjà mis en contact avec des nombreuses instances et institutions cantonales.

Vitrail en dalle de verre de Yoki, à l’église catholique de Fleurier (NE) | © Maurice Page

Transversalité au plan diocésain

A la veille de son entrée en fonction, Romuald Babey insiste encore sur la dimension diocésaine. «Nous sommes un diocèse avec quatre cantons et non pas quatre évêchés (ou cinq en comptant le Deutschfreiburg). J’entends travailler main dans la main et de manière transparente avec l’évêque. En tant que représentants de l’évêque, nous sommes intégrés au Conseil épiscopal.» Pour lui, «le fait que nous soyons pères et mères de famille apportera à cet organe quelque chose de nouveau. Nous sommes en prise directe avec la société.»

«Très honnêtement, je n’ai pas entendu de réactions critiques à l’annonce de ma nomination»

Romuald Babey a pu fait l’expérience de la transversalité voulue par Mgr Charles Morerod, évêque de LGF, lors de la pandémie de coronavirus. «Nous avons établi des échanges entre responsables de la pastorale de la santé des divers cantons. Ce que nous ne faisions pas auparavant. Nous avons pu discuter sur nos pratiques et se donner mutuellement des impulsions.» Une démarche qu’il entend poursuivre et élargir à d’autres domaines. (cath.ch/mp)

Félicitations des protestants
«Très honnêtement, je n’ai pas entendu de réactions critiques à l’annonce de ma nomination», répond Romuald Babey. Peut-être ne m’ont-elles pas été dites directement? J’ai même reçu de la paroisse réformée du Val-de-Travers, avec qui nous travaillons beaucoup, une belle lettre de félicitations. Cette histoire oecuménique doit se poursuivre. Il ne faut pas oublier non plus l’Eglise catholique-chrétienne qui a son siège à la Chaux-de-Fonds.» MP

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