Le soutien du cardinal Zen aux manifestants pro-démocratie lui vaut des soucis avec la justice de Hong Kong | © Etan Liam/Flickr/CC BY-ND 2.0
International

Le procès du cardinal Zen a débuté à Hong Kong

Prévu dès le 19 septembre 2022, le procès du cardinal Joseph Zen a finalement débuté avec un retard d’une semaine ce 26 septembre, annoncent les agences de presse AFP et AP. L’agence I.MEDIA revient sur les principaux enjeux de cette procédure et les réactions qu’elle suscite au sein de l’Église catholique.

Le procès du cardinal Zen a commencé ce lundi et devrait se conclure d’ici le début du mois de novembre. Il doit permettre à la justice d’entendre non seulement l’évêque émérite âgé de 90 ans mais aussi les cinq autres personnes qui siègent avec lui à la tête d’une association pro-démocratie de l’enclave hong-kongaise, le ›612 Humanitarian Relief’.

Selon le site vaticaniste américain The Pillar, le procès du cardinal aurait été reporté après que la magistrate chargée de l’affaire, Ada Yim, a été testée positive au Covid-19. L’information n’a pas été confirmée par la justice de Hong Kong.

Juste une amende?

Que reproche-t-on précisément au cardinal Zen? Il a été officiellement arrêté le 11 mai dernier pour «collusion avec des forces étrangères», avant d’être immédiatement relâché sous caution avec interdiction de quitter le territoire hong-kongais. Cependant, quand il s’est présenté devant la justice du territoire administratif spécial ce lundi, il n’a finalement été inculpé que pour des irrégularités administratives observées dans l’enregistrement de ›612 Humanitarian Relief’.

Cette association gère un fonds venant en aide aux manifestants arrêtés dans des rassemblements qui s’opposaient à la prise de contrôle de l’ancienne colonie britannique par la Chine. Selon la justice hong-kongaise, l’association n’aurait pas été enregistrée comme le demande la nouvelle législation passée par Pékin en juin 2020. Si cette seule irrégularité était retenue par la justice, le cardinal Zen, adversaire acharné du parti communiste chinois depuis des années, ne risquerait qu’une amende d’environ 1’300 euros.

Mais d’autres accusations plus graves pourraient être présentées par la justice, qui a révélé ce lundi que le fonds avait permis de récolter 34 millions d’euros. Lors du procès, le procureur a affirmé qu’une «partie du fonds a été utilisée pour des activités politiques et des événements non caritatifs», citant des militants à l’étranger et des groupes politiques. La défense a rétorqué qu’il n’était pas pertinent de s’intéresser aux opinions politiques du fonds.

Corruption et liens avec les services américains?

Ce n’est pas ce que pense Tony Kwok, universitaire pro-Pékin spécialisé dans la lutte contre la corruption. Dans un article publié dans la presse hong-kongaise peu de temps après l’arrestation du cardinal Zen, il s’est dit convaincu de la culpabilité du haut prélat.

Le juriste affirme que le cardinal est actuellement sous le coup d’une enquête pour avoir touché environ 3,3 millions d’euros de la part de Jimmy Lai, l’entrepreneur catholique qui a été condamné en 2021 pour avoir organisé des manifestations illégales contre Pékin. Selon lui, la police chercherait à savoir si cet argent a été «utilisé à des fins subversives» ou pour corrompre le cardinal, et n’aurait pas encore déposé la plainte parce qu’elle aurait été prise de vitesse par la tentative de fuite d’un des suspects. 

Dans le même article, l’universitaire hong-kongais soupçonne le cardinal Zen de travailler pour les services des États-Unis – et donc contre la Chine. Il souligne le fait que le cardinal a rencontré le président George W. Bush en personne deux fois, «contre l’avis du Vatican» selon lui, et qu’il s’est rendu outre-Pacifique à cinq reprises. Si de telles accusations venaient à être prises en considération par la justice de Hong Kong, les peines de prison encourues par le cardinal feraient peser sur lui le risque d’une longue incarcération.

Pas de franc soutien de la part du pape

Dans l’avion du Kazakhstan, le pape François a préféré ne pas répondre directement à une question de la presse sur la situation de l’évêque émérite d’Hong Kong. Il a simplement affirmé que le cardinal Zen était «une personne âgée qui dit ce qu’il ressent». Il a enjoint à ne pas juger la Chine, plaidant pour un dialogue patient. Le pape a aussi renouvelé son soutien au cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin, qui a l’entière charge de la diplomatie avec Pékin et que le cardinal Zen avait largement critiqué dans le passé.

Une source haut placée au sein de la diplomatie vaticane a affirmé à La Croix que le cardinal Zen aurait demandé en personne au pape de ne pas intervenir. Depuis son arrestation, l’évêque émérite d’Hong Kong fait profil bas et ne critique plus publiquement Pékin.

Des soutiens et des critiques chez les cardinaux

Au sein de l’Église, le cardinal Zen a recueilli ces derniers jours de nombreux soutiens, notamment du cardinal allemand Gerhard Müller qui a évoqué un «procès injuste». Le cardinal birman Charles Bo, président des conférences épiscopales d’Asie, a dénoncé un «État policier». Le cardinal Marcello Semeraro, interrogé le 19 septembre, a affirmé plus timidement que son souhait était «que le cardinal Zen s’en sorte».

Plus récemment, c’est le cardinal Fernando Filoni, grand maître de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre, qui a apporté son soutien au cardinal Zen dans une lettre ouverte. Il le décrit comme un «authentique Chinois» qui «revendique la liberté que tout système politique et civil authentique devrait défendre».

Un des cardinaux proches du pontife, le cardinal Jean-Claude Hollerich, a pour sa part livré un regard plus critique sur le cardinal Zen dans un entretien avec la journaliste américaine Bree Dail. Celui qui a été missionnaire au Japon a expliqué avoir entendu pendant cette période des témoignages de réfugiés chinois sur l’archipel nippon. «Bien sûr, je le respecte, a affirmé le Luxembourgeois à propos du cardinal chinois, mais les gens [en Chine] disent que chaque fois que le cardinal Zen s’exprime, ils sont persécutés», expliquait-il. (cath.ch/imedia/cd/rz)

Le soutien du cardinal Zen aux manifestants pro-démocratie lui vaut des soucis avec la justice de Hong Kong | © Etan Liam/Flickr/CC BY-ND 2.0
26 septembre 2022 | 14:23
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 4  min.
Chine (400), démocratie (36), Hong Kong (44), Joseph Zen (23), Justice (179)
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