Le président brésilien Lula reçu par le pape François

Le pape François a reçu le 21 juin 2023 au Vatican le président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, revenu au pouvoir après l’élection présidentielle de 2022. Le leader de gauche s’est ensuite entretenu avec Mgr Edgar Peña Parra, substitut pour les Affaires générales de la secrétairerie d’État.

L’entretien avec le pape a duré environ 45 minutes en début d’après-midi, et s’est tenu dans son bureau de la Salle de Paul VI, et non au Palais apostolique, où ont lieu habituellement les audiences du matin avec les chefs d’État. Le président lui a offert une gravure d’un artiste du Pernambouc et son épouse une statue de Notre-Dame-de-Nazareth, vénérée à Belém.

Comme il le fait avec tous les chefs d’État en visite, le pape lui a offert le Message pour la paix du 1er janvier 2023, le Document sur la fraternité humaine, le livre sur la Statio Orbis du 27 mars 2020 et un bas-relief en bronze intitulé La paix est une fleur fragile. Le communiqué du Saint-Siège précise que ces entretiens ont donné l’occasion de souligner la «bonne collaboration entre l’Église et l’État en vue de la promotion des valeurs morales et du bien commun».

Le président qui a fait sortir 30 millions de Brésiliens de la pauvreté

La situation politique et sociale de l’Amérique latine a également été abordée, ainsi que «certains thèmes d’intérêt commun, comme la promotion de la paix et de la réconciliation, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, le respect des populations indigènes, ou encore la protection de l’environnement».

La protection de l’Amazonie est ainsi devenue une préoccupation prioritaire du pape et du Saint-Siège, principalement depuis le Synode dédié à cette région qui avait été organisé à Rome en octobre 2019. Les questions sociales sont également centrales, le président Lula étant crédité d’avoir fait sortir 30 millions de Brésiliens de la pauvreté durant ses deux premiers mandats, alors marqués par de bons résultats économiques.

Le communiqué ne mentionne pas la guerre entre la Russie et l’Ukraine, sur laquelle le Brésil et le Saint-Siège ont pourtant semblé converger ces derniers mois, notamment sur le maintien des canaux diplomatiques avec Moscou et le refus d’un soutien armé direct à l’Ukraine.

Climat «de sympathie et d’amitié»

«Nous sommes en temps de guerre, et la paix est très fragile», lui a confié le pape François, dans une séquence vidéo diffusée par la présidence brésilienne. Il lui a exprimé son soulagement d’être «encore vivant» après son opération, et il lui a souhaité bon courage en le quittant.

Le pape a assuré que cet entretien s’était déroulé dans un climat «de sympathie et d’amitié». L’épouse du chef de l’État brésilien est demeurée à ses côtés durant son entretien privé avec le pontife, un signe inhabituel de familiarité et de proximité.

Avant cet entretien, le président brésilien avait confié à un média local vouloir parler au pape de «la guerre et de l’inégalité dans le monde», soulignant la nécessité d’une «conscience mondiale pour s’indigner de la faim dans le monde».

Le 19 juin, avant son voyage en Europe, le président Lula s’était entretenu avec le président de la Conférence des évêques du Brésil, Mgr Jaime Spengler, et avec le nonce apostolique dans le pays, Mgr Giambattista Diquattro. Cette réunion d’environ une heure avait porté sur «l’action sociale de l’Église catholique au Brésil et sur les relations du pays avec le Vatican», a fait savoir le portail officiel de la présidence brésilienne.

Une amitié ancienne entre les deux hommes

L’homme politique de 77 ans, emprisonné durant 580 jours (avril 2018-novembre 2019) avait reçu le soutien du pape durant sa captivité et ses poursuites judiciaires pour des accusations de corruption, qui ne l’ont pas empêché de s’affirmer comme le principal opposant au président nationaliste Jair Bolsonaro (2019-2023).

Une lettre du pape François adressée à Lula le 3 mai 2019 avait fuité dans la presse brésilienne. «La vérité vaincra le mensonge, le salut vaincra la condamnation», écrivait le pontife, exprimant au leader du Parti des travailleurs sa compassion face aux dures épreuves traversées sur le plan politique mais aussi familial.

François avait ensuite discrètement reçu Lula à la maison Sainte-Marthe le 13 février 2020, sans que les médias officiels du Saint-Siège n’en fassent écho. Dans un entretien diffusé par la chaîne argentine CN5 le 31 mars dernier, le pape avait exprimé son inquiétude face à la force des mouvements d’extrême-droite et révélé avoir participé à deux réunions avec la commission Lula Libre, mobilisée pour la libération de l’homme politique brésilien.

En porte-à-faux avec Jair Bolsonaro

Le Brésil avait été la première destination internationale du pape François en juillet 2013, à l’occasion des Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ) organisées à Rio de Janeiro. Il avait été accueilli par Dilma Rousseff, issue du même parti que Lula, et qui lui avait succédé à la présidence deux ans auparavant.

Le pontife argentin s’était alors rendu au sanctuaire marial d’Aparecida et avait promis d’y revenir, mais la situation politique du Brésil semble l’en avoir empêché. Après l’intérim mouvementé du libéral Michel Temer, qui avait renversé Dilma Rousseff en 2016, le pays a traversé une période de polarisation politique sous la présidence de son successeur populiste Jair Bolsonaro, catholique proche des milieux évangéliques. Soutenu par une partie des catholiques brésiliens en raison de ses positions fermes sur la défense de la famille traditionnelle et sur la sécurité, Jair Bolsonaro s’est situé en opposition frontale au pontife sur les questions sociales et écologiques, notamment concernant l’Amazonie.

Venu à Rome en 2021 pour le sommet du G20, Jair Bolsonaro ne s’était pas rendu au Vatican pour y rencontrer le pontife, contrairement à d’autres leaders internationaux présents à ce sommet, comme le président américain Joe Biden ou le Premier ministre indien Narendra Modi.

Vers une deuxième visite du pape au Brésil?

Les relations chaleureuses du pape avec son successeur pourraient ouvrir la voie à une nouvelle visite apostolique au Brésil. Certains médias latino-américains évoquent la possibilité d’une grande tournée continentale l’an prochain, incluant, en plus du pays lusophone, son Argentine natale, l’Uruguay et l’Équateur, pour la clôture du Congrès eucharistique international organisé à Quito en septembre 2024. La concrétisation d’un tel projet dépendra de la santé du pontife, qui aura 87 ans le 17 décembre prochain. Il n’est pas revenu en Amérique latine depuis les JMJ de Panama, en janvier 2019.

Le président Lula a profité de sa visite pour inviter le pape dès ce mois d’octobre 2023 à Belém, capitale de l’État amazonien du Para, pour la fête de Notre-Dame-de-Nazareth. Une réponse positive à cette invitation semble toutefois improbable en raison de l’agenda très chargé du pape, qui sera retenu à Rome par le Synode. (cath.ch/imedia/cv/rz)