Le politicien qui a insulté le pape pourrait gouverner l’Argentine
Le politicien argentin Javier Milei a traité, il y a quelques années, le pape François de «fils de p* de gauche». Le «Trump argentin» est aujourd’hui le favori à l’élection présidentielle d’octobre prochain.
Javier Milei a été le grand vainqueur des primaires du 13 août 2023. Il a obtenu 30 % des voix, devant les principales coalitions de droite et de gauche. Le système électoral argentin a la particularité d’organiser une élection primaire préalablement au premier tour, au cours de laquelle l’ensemble des différents candidats au sein de chacun des partis s’affrontent pour devenir le candidat de leurs partis respectifs. Celui qui remporte le vote fait automatiquement figure de favori pour la présidentielle. Les médias argentins ont présenté ces résultats comme «un séisme politique».
Ouvert au commerce des enfants
Car Javier Milei est un politicien hors-norme. Ce membre de la Chambre des députés, qui a exprimé son admiration pour l’ancien président américain Donald Trump, semble suivre les méthodes et le destin de son «mentor». Il promeut une politique qualifiée de radicalement libertaire, voire, pour utiliser son propre terme, «d’anarcho-capitaliste».
Ces idées ne suivent toutefois pas forcément les lignes de la politique ultra-conservatrice «classique». Il milite certes pour l’assouplissement des lois sur le contrôle des armes à feu, affirme que le changement climatique est un mensonge, que l’éducation sexuelle dans les écoles vise à détruire la famille, et entend durcir l’accès à l’avortement. Mais au-delà, il soutient des idées libertaires telles que le mariage homosexuel, la légalisation des drogues, le droit de l’individu à choisir son propre sexe, ou encore l’autorisation de vendre ses organes. Il est également apparu ouvert sur la possibilité de faire commerce de ses enfants.
«L’imbécile qui est à Rome»
Si les attaques de Javier Milei concernent surtout les forces de gauche, elles ont également visé assez durement le pape François. Le qualifiant à plusieurs reprises de «communiste», il est même allé jusqu’à le traiter de «fils de p* gauchiste», rapporte le média américain Crux. Le politicien, qui s’identifie comme catholique mais est très proche du judaïsme, a également insinué que le pontife était «le représentant du mal dans la maison de Dieu».
Dans un tweet en 2022, Javier Milei a critiqué François après que ce dernier ait déclaré que les citoyens devraient payer des impôts pour protéger la dignité des pauvres. Critiquant son concept de justice sociale, il a parlé du pape argentin comme de «l’imbécile qui est à Rome».
La montée en puissance du populiste n’est apparemment pas passée inaperçue du Saint-Père. Lors d’une interview début 2023 à un journal argentin, François a semblé indirectement comparer Javier Milei à Adolf Hitler. Il a rappelé que ce dernier s’était d’abord présenté comme «un nouveau type de politicien, qui parlait bien, qui séduisait le peuple». «Tout le monde a voté pour le petit Adolf, et nous savons tous comment cela a fini, n’est-ce pas?» Il s’est dit ainsi préoccupé par la progression de l’extrême droite dans le monde.
«Pas de vote religieux» en Argentine
Pour beaucoup d’observateurs, l’essor de Javier Milei est à relier au mécontentement général dans la société argentine. Celle-ci est notamment confrontée à une inflation incontrôlée qui paupérise une grande partie de la population. Le style «agressif» et extravagant de l’économiste le démarque et lui permet de se placer au-dessus d’une «classe politique» prétendument passive et corrompue.
D’une manière générale, les observateurs argentins estiment que la réaction des catholiques aux agressions verbales de Milei à l’encontre du pape s’écarte largement des clivages politiques, les progressistes exprimant leur indignation et les conservateurs restant largement silencieux. Il est ainsi peu probable que ses attaques pays lui coûte de la popularité, remarque à Crux le politologue argentin Pablo Semán. Il n’y a pas de «vote religieux» en Argentine, assure l’expert. «Les personnes ayant des valeurs religieuses peuvent être en conflit avec les propos de Javier Milei, mais elles vont plutôt chercher à minimiser ce conflit et continuer à le soutenir.» (cath.ch/crux/ag/rz)