Le Père Olivier de la Brosse, porte-parole de la Conférence des évêques de France a rédigé une note explicative, présentant le contenu de l’encyclique «Fides et Ratio». Chapitre par chapitre il fait la synthèse et présente les articulations de la pensée d

Paris: Note de presse de la Conférence des évêques

La foi ne craint pas la raison

Paris, 15 octobre 1998 (APIC) La treizième lettre encyclique du pape Jean Paul II «Fides et Ratio» (Foi et Raison) a été présentée le 15 octobre, à la veille du 20e anniversaire du pontificat de Jean Paul II. Elle est adressée aux évêques de l’Eglise catholique, et à travers eux à toutes les personnes qui s’intéressent à la relation entre ces deux modes de connaissance de l’esprit humain, relève le Père Olivier de la Brosse, porte-parole de la Conférence des évêques de France.

Le texte comprenant 170 pages, est divisé en sept chapitres, formant deux parties de trois chapitres, articulés, au chapitre quatre, par une réflexion entre la foi et la raison.

Les trois premiers chapitres présentent une réflexion de type historique sur le développement de la philosophie comme désir de connaissance de la vérité contenue dans la Révélation et la Sagesse de Dieu. Ce «parcours de recherche» est commun au monde grec, à la culture biblique, aux écrits orientaux (Védas, Avesta, les œuvres de Confucius et de Lao Tseu et la prédication des Tirthankaras et de Bouddha) et à la littérature occidentale (Homère, Euripide, Sophocle) et trouve ses meilleures formulations chez Platon et Aristote.

Le pape veut, par ces énumérations, signifier le caractère universel de la recherche de la vérité par l’homme de toutes les époques. «Le désir de vérité fait partie de la nature même de l’homme» (n° 3). Et toute l’introduction de l’Encyclique retrace les voies de «l’émerveillement», cette capacité d’étonner qui ouvre les démarches de la recherche philosophique et construit progressivement les systèmes de pensée. Le pape met en garde contre l’agnosticisme, le relativisme et le scepticisme, qui dénaturent cette capacité fondamentale de l’esprit humain: découvrir et posséder la vérité.

La sagesse de Dieu révélée dans le Christ

Trois chapitres sont alors consacrés à la sagesse de Dieu, qui est révélée par le Christ. La distinction classique entre les deux ordres de connaissance: la raison naturelle et la foi inspirée par Dieu est vigoureusement réaffirmée (n° 8-9). L’auteur rappelle que la foi permet de mieux comprendre les vérités de la raison (chap. 2) et que réciproquement la recherche intellectuelle facilite l’accès à la foi (chap.3).

Articulation entre les deux courants de réflexion de ce texte, le chapitre 4 étudie les rapports entre la foi et la raison. L’analyse est fortement appuyée sur l’histoire des premiers siècles chrétiens: saint Paul, saint Irénée, Tertullien, les philosophes saint Justin et Clément d’Alexandrie, Origène, Denys l’Aréopagite et surtout saint Augustin y sont évoqués comme des esprits ayant trouvé dans le christianisme «la seule philosophie sûre et profitable» (n° 38, citant Clément d’Alexandrie).

Les personnalités de saint Anselme (n° 42) et surtout de saint Thomas d’Aquin (n° 43-44) et celle de saint Albert le Grand (n° 45) sont largement décrites pour situer, dans la philosophie et la théologie médiévale, la synthèse réalisée par ses grands esprits entre la foi et la raison.

La foi ne craint pas la raison

«La foi ne craint pas la raison, mais elle la recherche et elle s’y fie» (n° 43, p. 69). Le drame de l’époque moderne, affirme alors Jean Paul II, est celui de la séparation entre ces deux réalités fondamentales: «La raison, privée de l’apport de la Révélation, a pris des sentiers latéraux qui risquent de lui faire perdre de vue sont but final (n° 48, p. 77).

Après ce chapitre de transition, les ch. 5 à 7 réfléchissent au rôle que doit exercer la magistère de l’Eglise dans le domaine philosophique.

Si ce n’est «ni la tâche ni la compétence du Magistère d’intervenir pour combler les lacunes d’un discours philosophique déficient, il est de son devoir au contraire de réagir (…) avec son propre discernement critique sur les philosophies et les affirmations qui sont en opposition avec la doctrine chrétienne» (n° 49 et 50, p. 80). Ces interventions de l’Eglise ne sont pas négatives: «elles sont destinées en premier lieu à stimuler, à promouvoir et à encourager la pensée philosophique» (n° 51,p. 81).

Le pape observe que «la multiplication des systèmes, des méthodes, des concepts et des argumentations philosophiques (…) imposent avec une plus grande urgence un discernement critique à la lumière de la foi (n° 51, p. 82). Il rappelle à titre d’exemple les théories sur la préexistence des âmes, (…) les formes d’idolâtrie et d’ésotérisme superstitieux contenues dans les thèses d’astrologie» et les déviations que firent, au XIXe siècle le fidéisme et le traditionalisme radical, le rationalisme et l’ontologisme, qui se défient des capacités naturelles de la raison, ou au contraire lui attribuent ce qui ne peut être connu qu’à la lumière de la foi.

Renouveau de saint Thomas d’Aquin

Citant son prédécesseur Pie XII, qui mit en garde, dans l’encyclique «Humani generis» (1950) contre l’évolutionnisme, l’existentialisme et l’historisme, le pape rappelle le rôle de discernement que le Magistère a exercé jadis dans le domaine philosophique, et qu’il doit continuer d’exercer. Il l’applique notamment au domaine de la recherche biblique, car les diverses méthodologies herméneutiques ont toutes, à leur base, une conception philosophique: il convient de l’examiner avec discernement avant de l’appliquer au texte sacré.

Toute la fin du chapitre 5 est consacré à la nécessité de l’enseignement de la philosophie, et notamment à celle de saint Thomas d’Aquin et du renouveau thomiste et néo-thomiste.

Rapport entre philosophie et théologie

Le chapitre 6 envisage les interactions entre la théologie et la philosophie. Cette dernière, en préparant à accueillir la foi (»Auditus fidei») met en place les concepts et les termes de systèmes cohérents qui permettront le développement de la théologie. Réciproquement, la vérité divine, «qui nous est proposée dans les Ecritures sainement comprises selon l’enseignement de l’Eglise» (saint Thomas d’Aquin, cité p. 103) jouit d’une intelligibilité propre, avec une cohérence logique telle qu’elle se propose comme un authentique savoir.

L’»intellectus fidei» explicite cette vérité, et à partir de l’ensemble de ces propositions, le croyant parvient à la connaissance de l’histoire du salut, à celle de la personne du Christ et à son mystère pascal. «Il participe à ce mystère par son assentiment de foi» (n°66,p. 103.

Le pape situe alors successivement l’importance et la place de la théologie dogmatique, de la théologie fondamentale, de la théologie morale et de leurs relations avec la philosophie et avec les cultures. Dans ces échanges se créent de nouvelles réalités. «Lorsqu’elles sont profondément enracinées dans l’humain, les cultures portent en elles la témoignage de l’ouverture spécifique de l’homme à l’universel et à la transcendance» (n° 70, p. 109). On peut aller jusqu’à dire que «la culture a en elle la possibilité d’accueillir la révélation divine» (n° 71, p. 111), sans toutefois pouvoir «jamais devenir le critère de jugement et encore moins le critère ultime de la vérité en ce qui concerne la révélation de Dieu» (n° 71, p. 112).

L’auteur situe et définit la philosophie chrétienne, qui est une démarche spéculative conçue en union étroite avec la foi, puis rappelle que la théologie elle-même fait appel à la philosophie, qui lui rend de nombreux services comme «ancilla theologiae» (Servante de la théologie). La révélation, toutefois «ne pourra jamais rabaisser la raison dans ses découvertes et dans sa légitime autonomie; pour sa part toutefois, la raison ne devra jamais perdre sa capacité de s’interroger et de poser des questions, en ayant conscience de ne pas pouvoir s’ériger en valeur absolue et exclusive» (n° 79, p. 123).

L’écoute de la parole de Dieu

Le chapitre 7 et dernier fait office de conclusion. Actuellement plus que jamais, la parole de Dieu doit être entendue, parce qu’elle est l’Absolu. Toute la Bible nous présente l’homme comme une image de Dieu, et la philosophie qu’elle contient oriente l’histoire du monde vers Jésus-Christ, Verbe incarné, Dieu et homme.

Si l’un des aspects de la civilisation contemporaine est «la crise du sens», la philosophie doit y remédier en retrouvant sa dimension sapientielle de recherche du sens ultime et global de la vie.

Rappelant que l’homme peut parvenir à la connaissance de la vérité objective, en réalisant «l’adéquation de l’objet et de l’esprit» (adequatio rei et intellectus, vielle et célèbre formule de philosophie médiévale) le pape demande aussi que toute philosophie contemporaine soit authentiquement métaphysique, c’est-à-dire apte à transcender les données empiriques pour parvenir à l’absolu (n° 83, p. 130).

Une telle dimension métaphysique permettra aux penseurs contemporains d’échapper à l’éclectisme (n° 88), au pragmatisme (n°89) et au nihilisme (n°90), toutes ces déformations risquant de faire perdre à l’homme le contact avec la vérité objective.

L’encyclique se termine, après un dernier éloge de la théologie comme le mode de connaissance «qui présente l’intelligence de la Révélation et le contenu de la foi (n°93, p.146) par un appel à reconnaître l’universalité de la Parole de Dieu, qui ne s’adresse pas qu’à un seul peuple ou à une époque (n°95,p.148) et une exhortation aux théologiens «à reprendre et à remettre en valeur le mieux possible la dimension métaphysique de la vérité» (n°105, p. 160), comme aussi aux philosophes, afin qu’ils redécouvrent la Sagesse (n°106,p. 161-162). (apic/cef/Père Olivier de la Brosse/ab)

27 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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