Le Père Ibrahim Alsabagh, curé d'Alep, a reçu à Cracovie le Prix Jan Karski 2017
Le religieux franciscain Ibrahim Alsabagh, 44 ans, curé de la paroisse latine d’Alep, en Syrie, a reçu à Cracovie le Prix Jan Karski 2017.
Ce prix a été fondé en mémoire du jeune résistant catholique polonais Jan Karski, envoyé à Londres en 1942, puis à Washington en 1943, chargé d’informer les dirigeants des pays alliés de la situation de son pays sous la botte nazie, notamment sur le sort des juifs.
Le Père Ibrahim Alsabagh est curé depuis deux et demi de la paroisse latine St-François d’Assise dans la ville dévastée d’Alep, l’ancienne capitale économique de la Syrie, qui, avant le conflit, fournissait le 60% de la production industrielle du pays. Il a passé deux ans années à quelques dizaines de mètres du front, avant que la ville ne soit finalement réunifiée en décembre dernier, après l’évacuation des groupes islamistes. Le religieux été récompensé pour son «service humanitaire» en faveur de ses frères humains.
Apporter l’espérance aux personnes oubliées
Le Prix lui a été décerné le 26 juin 2017 dans la ville polonaise à Cracovie, en présence du cardinal Stanisław Dziwisz, archevêque émérite de l’ancienne capitale de la Pologne, «pour avoir apporté l’espérance dans un monde sans espérance et aux personnes oubliées», comme l’explique le communiqué officiel.
Dans son discours, le récipiendaire a souligné que la réception du prix constituait pour lui un encouragement à poursuivre sa mission d’apporter aide, consolation et espérance aux personnes oubliées de la ville martyre. Faire connaître au monde la réalité vécue par le peuple syrien représente pour lui un «devoir moral».
L’histoire des Syriens semblable à celle des Polonais
«L’histoire du peuple syrien est très semblable à celle du peuple polonais qui a souffert durant un certain temps. (…) Tant de personnes, de familles chrétiennes, à l’exemple de Job dans les Ecritures, ont tout perdu l’espace d’un instant, le fruit de toute une vie: maison, famille, santé. 70% des familles sont sans toit, sans abri. La guerre continue autour de la ville. La nuit, nous entendons les bombardements et le bruit des tirs. De temps en temps, la principale route, – et aussi la seule -, pour rejoindre Alep est fermée en raison de combats», a témoigné le Père Alsabagh.
Si les chrétiens étaient 30% il y a quelques décennies à Alep, ils sont désormais moins de 4%, confiait-il à cath.ch lors de son passage à l’Université de Fribourg fin avril dernier. Deux familles sur trois ont quitté la ville, un exode qui n’a pas seulement touché les chrétiens.
Le public n’a pas toujours été informé de manière objective par les grands médias occidentaux sur la situation de cette ville qui compte 1,4 million d’habitants restés dans la ville, dont 200’000 vivaient dans la partie orientale évacuée par les rebelles en décembre dernier. La métropole du nord de la Syrie abritait quelque 4 millions d’habitants avant le début de la guerre.
Reconstruire Alep
Les grands médias ont longtemps donné une image biaisée de la réalité d’Alep, tandis que les missiles tombaient à cadence régulière sur la partie occidentale de la ville, dans la zone gouvernementale, détruisant écoles, hôpitaux, églises et mosquées. Plus de 60% des églises ont été tellement endommagées qu’on ne peut plus y dire la messe.
Depuis le 22 décembre, date de l’évacuation des rebelles de la partie orientale d’Alep, «nous avons relevé, avec des collaborateurs, des ingénieurs, le défi de la reconstruction des maisons endommagées, sans attendre l’aide du gouvernement, en restaurant 40 à 50 maisons par mois». (cath.ch/be)