Le patriarche Cyrille de Moscou en défense du Patriarcat de Jérusalem
Les actes de groupes juifs radicaux cherchant à «évincer la communauté chrétienne de Jérusalem et de sa banlieue» suscitent l’inquiétude des milieux orthodoxes au plan mondial. Réagissant aux propos alarmistes du 141e patriarche grec orthodoxe de Jérusalem Théophile III, le patriarche de Moscou Cyrille a exprimé sa solidarité avec les chrétiens menacés de la Ville Sainte.
Le chef de l’Eglise orthodoxe russe a dénoncé le radicalisme «artificiellement alimenté d’idées religieuses, car l’humanité a souffert pendant des siècles des guerres de religion». «Nous prenons très à cœur l’inquiétude de Sa Béatitude le patriarche Théophile», a souligné le patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies.
«Nous connaissons les difficultés auxquelles est confrontée l’Eglise de Jérusalem, a déclaré le patriarche Cyrille dans l’interview qu’il donne chaque année pour la Noël orthodoxe à la chaîne de télévision «Rossia», se déclarant solidaire du primat de l’Eglise orthodoxe de Jérusalem. «Naturellement, nous interviendrons pour soutenir le Patriarcat de Jérusalem, notamment pour qu’il conserve les propriétés qui lui appartiennent».
Menaces sur le «chemin des pèlerins»
La propriété de plusieurs hôtelleries du Patriarcat de Jérusalem, situées dans le quartier chrétien, près des portes de Jaffa, est injustement contestée par des associations juives radicales, note le Patriarcat de Moscou. Si ces bâtiments leur revenaient, le fameux «chemin des pèlerins», emprunté chaque année par des millions de chrétiens venant à Jérusalem – une rue de la Vieille Ville conduisant des portes de Jaffa au Saint-Sépulcre – pourrait leur devenir inaccessible. L’Eglise orthodoxe craint que le droit d’emprunter cette voie vers le principal sanctuaire chrétien puisse être retiré aux pèlerins.
Le christianisme est une religion de paix, a rappelé le primat de l’Eglise orthodoxe russe, et l’idée chrétienne ne peut s’accompagner d’aucun radicalisme. «Nous souhaitons que notre prédication soit reçue de ceux auxquels elle est destinée sans la moindre contrainte», a souligné le patriarche.
Danger du fanatisme religieux
Ayant constaté que les manifestations de radicalisme et de fanatisme dans les relations interreligieuses sont très dangereuses, non seulement la Terre Sainte, mais d’autres régions du monde, Cyrille a ajouté que c’était la raison pour laquelle l’Eglise orthodoxe russe était toujours favorable au dialogue, y compris au dialogue avec les représentants des autres religions «pour chercher des positions communes».
En décembre dernier, les représentants des Eglises chrétiennes de Jérusalem ont rappelé la nécessité du respect du statu quo sur la Vieille Ville de Jérusalem et surtout sur le «chemin des pèlerins». Face à la menace de groupes extrémistes et des spéculateurs immobiliers qui mettent en danger la présence chrétienne à Jérusalem, les chefs des Eglises chrétiennes de la Ville Sainte demandaient la création d’une «zone culturelle et patrimoniale chrétienne spéciale» afin de sauvegarder l’intégrité du quartier chrétien de la vieille ville de Jérusalem.
Ils attiraient l’attention des autorités et de l’opinion publique sur les agressions physiques et verbales contre des membres du clergé, sur les attaques contre des églises chrétiennes, sur les actes de vandalisme commis sur les objets saints, ainsi que sur les tentatives de violer l’intégrité et l’originalité culturelle du quartier chrétien de la Vieille Ville, «dans le but final d’exclure la communauté chrétienne de Jérusalem».
Des incidents sur tout le territoire israélien
Le Patriarcat de Moscou rapporte le dernier incident: le 30 décembre 2021, un inconnu a commis un acte de vandalisme à la représentation de la Mission russe Sainte-Tabitha, à Tel-Aviv-Jaffa, profanant plusieurs tombes du cimetière chrétien situé sur le territoire de l’église russe. «Durant la journée, un jeune homme inconnu, masqué, le visage caché sous une capuche, s’est introduit sur le territoire de la représentation par l’école israélienne voisine. Il a jeté à terre et brisé plusieurs croix de marbre, installées sur les pierres tombales. Ces actes ont été fixés par les caméras de surveillance. La Mission russe de Jérusalem s’est adressée à la police, exigeant de trouver et de punir le malfaiteur».
Le Patriarcat explique sur son site internet que les attaques contre les lieux saints des chrétiens «sont de plus en plus fréquentes ces derniers temps et, suivant les statistiques, sont orchestrées par des représentants radicalisés de communautés religieuses juives».
Ce n’est pas la première fois que des agressions semblables sont commises à Tel-Aviv-Jaffa. Au métochion (territoire dépendant d’un monastère orthodoxe, ndlr) Sainte-Marie-Madeleine, sur les rives du lac de Galilée, des radicaux ont pénétré à plusieurs reprises illégalement durant l’année 2021 sur le territoire du monastère. Ils ont profané des icônes et des croix. Ces irruptions illégales s’accompagnaient non seulement de menaces verbales et d’actes de vandalisme, mais aussi de tentatives d’agressions physiques contre les sœurs du monastère. La Mission russe a porté plainte.
Montée de l’intolérance religieuse de la part de la population locale
De nombreuses profanations ont aussi été commises au métochion du Prophète-Elie de la Mission russe, à Haïfa, où des inconnus ont laissé des inscriptions insultantes pour les chrétiens et des signes ouvertement sataniques sur les murs de l’église orthodoxe. Constatant ces dernières années la montée de l’intolérance religieuse envers la communauté chrétienne de la part de la population locale, le patriarche Théophile III de Jérusalem a lancé une initiative pour attirer l’attention de l’opinion publique et des autorités israéliennes sur la présence chrétienne en Terre Sainte et sur les tentatives de remise en cause de la coexistence pacifique des chrétiens, des musulmans et des juifs. Son initiative a été soutenue par l’ensemble des chefs des Eglises chrétiennes de Terre Sainte.
Comme chaque année, le 29 décembre 2021, le président israélien Isaac Herzog a donné une réception à la résidence présidentielle de Jérusalem pour les chefs et les représentants des Eglises et des communautés chrétiennes de Terre Sainte à l’approche du Nouvel an.
Plaidoyer pour le statut multiculturel de Jérusalem
A cette occasion, au nom des chrétiens de Terre Sainte, le patriarche Théophile III a remercié le président et le chef du ministère de l’Intérieur de leurs efforts pour le maintien du statut multiculturel de Jérusalem et du pays en général. Il a aussi souligné la nécessité de nouvelles mesures de l’Etat israélien «contre les groupes juifs religieux d’extrême-droite, qui portent atteinte aux droits des chrétiens et cherchent à détruire l’équilibre interreligieux et le statu quo en place». Affirmant qu’aujourd’hui «personne, à Jérusalem, n’est autant poursuivi que les chrétiens», il a demandé que les autorités veillent au respect de la dimension multireligieuse, multinationale et multiculturelle de la ville». Pour le patriarche Théophile, Jérusalem reste aujourd’hui encore un symbole de paix pour les représentants des trois religions abrahamiques, au milieu des épreuves secouant la société humaine. (cath.ch/mospat/be)