Le pape s’est entretenu avec le métropolite Hilarion
De retour à la nonciature apostolique vers midi le 29 avril 2023, au deuxième jour de sa visite en Hongrie, le pape François s’est brièvement entretenu avec le métropolite de Hongrie Hilarion. L’ancien ›ministre des Affaires étrangères’ du patriarcat de Moscou avait été rétrogradé à Budapest en juin 2022, dans le contexte du soutien du patriarche Cyrille à l’offensive russe en Ukraine.
Le Bureau de presse du Saint-Siège a précisé que cette rencontre a duré une vingtaine de minutes et qu’elle s’est déroulée dans «un ton cordial». Il n’a pas livré d’éléments sur le contenu de cette discussion. Les photos diffusées par Vatican News laissent voir une ambiance chaleureuse entre les deux hommes, le pape François embrassant notamment la croix pectorale d’Hilarion.
Le voyage du pape en Hongrie avait suscité de nombreuses rumeurs et interrogations sur l’opportunité d’un contact entre le pontife et des responsables de l’Église orthodoxe russe, mais rien n’avait été programmé en ce sens. C’est donc de manière informelle que le pape s’est entretenu avec le métropolite de la petite communauté russe orthodoxe de Hongrie, Hilarion, nommé à ce poste à la surprise générale en juin 2022.
Hilarion mis à l’écart
Cette rétrogradation du responsable des relations extérieures du patriarcat de Moscou, interlocuteur régulier des papes Benoît XVI et François et grand artisan de la rencontre historique de Cuba en 2016 entre François et Cyrille – la première entre un pape et un patriarche de Moscou depuis le schisme de 1054 – avait fait perdre à Rome l’un de ses interlocuteurs privilégiés avec le monde orthodoxe russe.
Son successeur, le métropolite Antoine, a néanmoins rencontré le pape François au Vatican quelques semaines plus tard, puis l’a retrouvé lors du sommet interreligieux organisé au Kazakhstan en septembre 2022. Il avait alors confié à des journalistes qu’un sommet entre les deux chefs d’Église demeurait à l’étude.
Portes restées ouvertes
La mort de Benoît XVI, le 31 décembre 2022, a aussi été l’occasion pour Cyrille d’envoyer au pape François ses condoléances. De même, les dix ans du pontificat de François, le 13 mars 2023, ont été salués dans un autre communiqué du patriarche. «Dans les circonstances difficiles actuelles, vous apportez une contribution significative à la prédication de l’Évangile du Christ et prêtez attention au développement de la coopération interreligieuse», insistait le patriarche.
Concernant une rencontre prochaine entre les deux hommes, l’archevêque du diocèse de Moscou, Mgr Paolo Pezzi, confiait à l’agence I.MEDIA en février dernier être «très positif». Expliquant que certaines déclarations passées avaient pu laisser une «certaine amertume» du côté de Moscou, il soulignait que «les portes [étaient] ouvertes» et que «les ponts n’[avaient] pas été détruits».
La Hongrie, un pont vers Moscou?
Si la mutation du métropolite Hilarion a été logiquement interprétée comme le signe d’un durcissement de la ligne du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe et du patriarche Cyrille à l’égard de l’Occident, sa présence en Hongrie peut donc aussi constituer une opportunité de contacts entre Moscou et Rome.
Avant l’arrivée du pape à Budapest, une source vaticane faisait toutefois remarquer que le métropolite Hilarion «n’est plus du tout aux affaires» depuis sa démission. «Il a perdu tous ses postes et prérogatives et n’est plus membre permanent du Saint-Synode», indiquait-elle encore, soulignant par ailleurs que le patriarcat de Moscou est un monde «complexe» et divisé.
L’approche jésuite du pape et son souci d’aborder la géopolitique mondiale par la médiation des ‘périphéries’ peut néanmoins corroborer la thèse d’une volonté de s’appuyer sur la présence d’Hilarion en Hongrie pour maintenir des canaux avec l’orthodoxie russe. D’autant plus que le cardinal Péter Erdö, primat de Hongrie, est très investi dans ce dialogue œcuménique.
Absence du cardinal Koch
L’absence dans la délégation papale du cardinal suisse Kurt Koch, préfet du dicastère pour la Promotion de l’unité des chrétiens, peut ainsi être interprétée comme une volonté du pape de montrer un signal d’ouverture vis-à-vis du patriarcat de Moscou.
Le cardinal suisse, à la différence du pontife argentin, se situe en effet sur une ligne de fermeté vis-à-vis du chef de l’Église orthodoxe russe.«La justification pseudo-religieuse de la guerre par le patriarche Cyrille doit ébranler tout cœur œcuménique», avait-il lancé en juin 2022 dans un entretien au journal allemand Die Tagespost, comparant l’attitude du patriarche concernant l’invasion de l’Ukraine à une «hérésie». (cath.ch/imedia/cv/rz)