Le pape s'alarme du «bulletin de guerre» des accidents du travail

«L’être humain passe avant l’intérêt économique», a martelé le pape François, le 11 septembre 2023. Il recevait les membres de l’association nationale italienne des travailleurs mutilés et des invalides du travail (ANMIL), à l’occasion du 80e anniversaire de sa fondation (1943-2023).

Malgré la technologie actuelle, «trop de morts et de malheurs surviennent encore» sur les lieux de travail, a dénoncé le 266e pape, constatant qu’on a parfois l’impression d’entendre «un bulletin de guerre». «La sécurité au travail est comme l’air que l’on respire: nous réalisons son importance quand il vient tragiquement à manquer, et c’est toujours trop tard.» Le pape a fait mémoire des cinq ouvriers récemment tués par un train alors qu’ils travaillaient sur une voie ferrée à Brandizzo, dans le nord de l’Italie.

«Nous ne sommes pas des machines»

Pour le pontife argentin, la tragédie commence «quand le travail se déshumanise» et devient «une course exacerbée au profit». «La vie ne se vend pour aucune raison, d’autant plus si elle est pauvre, précaire et fragile (…) Nous sommes des êtres humains et non pas des machines, des personnes uniques et pas des pièces détachées».

Pas «de gaspillage, de transactions et de troc sur la vie humaine», a martelé le pontife. Il a considéré la sécurité au travail comme le premier devoir d’un employeur. «On ne peut pas, au nom d’un plus grand profit, demander trop d’heures de travail, en faisant baisser la concentration», ni considérer les assurances et la sécurité comme «des dépenses inutiles et des pertes de gain», a-t-il averti.

Le pape s’est élevé contre le ‘carewashing’, qui consiste pour une entreprise à démontrer son souci de ses employés par une stratégie de communication, masquant ses réels manquements. Une façon de «laver sa conscience», a souligné le pape, égratignant en particulier les entrepreneurs qui jouent les «bienfaiteurs dans la culture ou dans le sport», blanchissant leur «image publique» au lieu «d’investir dans la sécurité.»

Les accidents, un «appauvrissement social tragique»

Le pape a aussi particulièrement déploré l’indifférence à l’égard des victimes d’accidents du travail. «On continue comme si rien ne s’était passé, dévots de l’idolâtrie du marché», a-t-il dénoncé. Il a exhorté à ne pas s’habituer car «les morts et les accidents sont un appauvrissement social tragique.»

Évoquant par ailleurs les débuts de cette association en pleine Seconde Guerre mondiale en 1943, le pape a souligné que «tout conflit armé porte avec lui des rangs de mutilés». Au sortir de «cette folie qu’est la guerre», s’est-il attristé, «ne restent que les décombres, y compris dans les corps et dans les cœurs, et la paix doit être reconstruite jour après jour, année après année». (cath.ch/imedia/ak/rz)