Le pape s’agace d’un Conseil de Sécurité «impuissant et paralysé»

«Les yeux pleins de larmes» des enfants victimes de la guerre «nous jugent», avertit le pape François dans un message adressé au Conseil de Sécurité des Nations unies, diffusé le 14 juin 2023. Le texte a été lu par Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les Relations avec les États, dans le cadre d’une réunion organisée à l’initiative des Émirats arabes unis.

Dans le message, le pontife argentin, qui avait visité le siège des Nations unies à New York en septembre 2015, émet une critique frontale contre l’inefficacité du Conseil de Sécurité. Il lui reproche notamment d’être resté passif face à la guerre en Ukraine en raison des droits de veto de la Chine et de la Russie. «Le Conseil, qui a pour mandat de veiller sur la sécurité et sur la paix dans le monde, paraît parfois impuissant et paralysé aux yeux des peuples».

Le pontife argentin demande donc à ses membres de prendre leurs «distances vis-à-vis des idéologies et des particularismes», et d’œuvrer pour «le bien de l’humanité entière». François dénonce une «famine de fraternité» et la multiplication des conflits qui dressent des peuples entiers les uns contre les autres, et dont les conséquences se font sentir «de générations en générations».

Le rêve de la paix transformé en cauchemar

Alors que la création de l’Organisation des Nations unies, en 1945, laissait espérer que le monde se dirigerait vers «une paix plus stable» élaborée par « une famille des nations», le pape constate que «nous semblons revenir en arrière, avec la montée de nationalismes fermés, exagérés, rancuniers et agressifs, qui ont déclenché des conflits non seulement anachroniques et dépassés, mais encore plus violents».

Sans mentionner de pays spécifiquement, le pape explique que «le rêve de Dieu pour l’humanité», c’est-à-dire la paix, se transforme en «cauchemar» avec la multiplication des guerres qui ont souvent une finalité économique.

Obsolescence de la notion de ‘guerre juste›

Le pape demande de «sortir de la logique de légitimité de la guerre». Faisant allusion à la notion de ‘guerre juste’, François explique qu’elle pouvait être valable «dans les temps passés, dans lesquels les conflits armés avaient une portée plus limitée». Mais aujourd’hui, «avec les armes nucléaires et de destruction de masse, le champ de bataille est devenu pratiquement illimité et les effets potentiellement catastrophiques».

Face aux «nuages des nationalismes», le pape appelle à construire une «paix juste et durable», élaboré «non pas sur le périlleux équilibre de la dissuasion, mais sur la fraternité qui nous unit». Appelant à écouter «le cri» des enfants victimes de la guerre, le pape avertit que «leurs yeux pleins de larmes nous jugent». «L’avenir que nous leur préparons sera le tribunal de nos choix actuels», martèle François. Il avait pleuré le 8 décembre dernier, lors d’une prière à Marie en la fête de l’Immaculée Conception. Le pape semblait alors reconnaître son impuissance face aux massacres perpétrés en Ukraine, alors que sa position médiane entre la Russie et l’Ukraine suscite de nombreuses incompréhensions.

Les Nations unies doivent se mobiliser pour la paix

Pour le pape, il est néanmoins «encore temps d’écrire un nouveau chapitre de paix dans l’histoire. Les discussions au sein du Conseil de Sécurité y sont ordonnées et servent à cela», rappelle-t-il avec fermeté.

Il demande à l’ensemble des nations et des personnes impliquées au sein de l’Organisation des Nations unies de «rendre un service efficace à l’humanité, en assumant la responsabilité de prendre soin non seulement de leur propre avenir, mais celui de tous, avec l’audace de renouveler maintenant, sans peur, ce qu’il faut pour promouvoir la fraternité et la paix de la planète entière».

Les Emirats arabes unis assument en ce mois de juin 2023 la présidence tournante du Conseil de Sécurité. Ahmed al-Tayyeb, grand-imam d’Al-Azhar, au Caire, avait également été invité à intervenir. (cath.ch/imedia/cv/rz)