"Je n'ai jamais perdu le sommeil", a assuré le pape François au journal Il Fatto Quotidiano | © Antoine Mekary/IMEDIA
Vatican

Le pape réaffirme sa fermeté contre les abus sexuels

À la veille du dixième anniversaire de son pontificat, le pape François a accordé un nouvel entretien – le 4e diffusé en 3 jours – au média italien Il Fatto Quotidiano, le 12 mars 2023. Le pape revient notamment sur le combat mené contre les abus sexuels dans l’Église, un chantier initié par Benoît XVI.

C’est bien à son prédécesseur que doit revenir le «grand mérite» de la prise de conscience de l’Église sur la crise des abus. Pour François, Benoît XVI a su «dénoncer publiquement ce scandale énorme», et ce alors qu’il était encore cardinal – Joseph Ratzinger a été préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi de 1982 à 2005. Il salue cet homme qui a lutté «de toutes ses forces» contre l’omerta et la dissimulation dans l’Église.

Le temps de l’omerta est révolu

Alors que Rome est régulièrement accusé de ne pas en faire assez sur le dossier des abus, le pape François se veut catégorique: «Si dans l’Église est révélé ne serait-ce qu’un seul cas d’abus, qui est déjà une monstruosité en soi, ce cas sera toujours traité avec le plus grand sérieux». Et d’ajouter: «Il n’y a pas de place dans l’Église pour ceux qui se souillent avec ce péché abominable contre Dieu et contre l’homme».

«L’Église n’est ni une entreprise, ni une ONG et le pape n’est pas un administrateur délégué»

Dans l’entretien, il explique de nouveau que le temps de l’omerta est révolu dans l’Église depuis le scandale de Boston en 2002; mais qu’il perdurerait dans d’autres institutions. Citant le cas des familles où se déroulent selon lui «40% des cas d’abus», le pape explique que le fait de couvrir les abus est aussi une habitude présente dans les quartiers ou bien le monde du sport.

Revenant sur le sommet mondial sur les abus convoqué au Vatican en 2019, le pape souligne que des responsables d’Église y ont pour la première fois rencontré des victimes. «Je crois que cela a été le changement le plus important et radical de la mentalité dans l’Église pour affronter les abus: partir de l’écoute des victimes», confesse-t-il.

Pas de bilan à faire au bout de 10 ans

«L’Église n’est ni une entreprise, ni une ONG et le pape n’est pas un administrateur délégué» qui devrait rendre des comptes à la fin de l’année, explique encore François dans cet entretien. Interrogé sur un programme qu’il aurait eu à appliquer, il raconte avoir pensé au début de son pontificat aux paroles de Benoît XVI. En inaugurant son pontificat, son prédécesseur avait dit: «Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Église, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du Seigneur».

Évoquant les congrégations générales auxquelles il a participé en 2005 et 2013 avant d’entrer en conclave, le pape François confie qu’elles furent «deux occasions importantes pour nous confronter sur l’état de santé de l’Église, en particulier sur les problèmes à affronter». Selon lui, «deux scénarios très différents ont été décrits».

«Il est très difficile pour une personne corrompue de revenir en arrière»

En 2013, le pape raconte que tous les cardinaux, y compris lui-même, ont élaboré des demandes «très concrètes» à celui qui serait élu. Le 266e successeur de Pierre explique avoir concrétisé en 10 ans les requêtes élaborées durant ces réunions pré-conclaves. Il cite en exemple la création d’un conseil des cardinaux restreints censés épauler le pape dans son gouvernement et qui vient d’être renouvelé. Il évoque aussi le chantier synodal en cours dans l’Église. «Quand je parle de l’Église, je n’entends pas seulement nous, les prêtres, qui sommes 1%, mais les laïcs, qui forment 99% de l’Église», précise-t-il.

«Je n’ai jamais perdu le sommeil»

Interrogé sur les difficultés à conduire la barque de saint Pierre, le pape répond qu’il n’a «jamais perdu le sommeil». Il déplore au passage les «reconstructions totalement inventées» qu’il peut lire ici et là. «Les choses sont beaucoup plus simples que ce qu’elles peuvent apparaître à l’extérieur», insiste-t-il.

Selon lui, il est bon que certains dans l’Église aient le courage de dire les choses en face, «sans alimenter le bavardage qui tue». Il rappelle en ce sens que l’unité ne veut pas dire l’uniformité.

Quand le journaliste italien l’interroge sur ce qui le fait souffrir le plus, le pontife argentin répond d’emblée qu’il s’agit de la corruption. «Je ne parle pas seulement de la corruption économique, à l’intérieur et à l’extérieur du Vatican, je parle de la corruption du cœur», avance-t-il. Et de prévenir: «Il est très difficile pour une personne corrompue de revenir en arrière: un pot-de-vin aujourd’hui et un autre demain. C’est pourquoi les mafiosi sont excommuniés: ils ont l’argent du sang sur les mains. Ils font du commerce d’armes et de drogues. Ils tuent les jeunes et la société. Ils tuent l’avenir. Il faut être clair: il n’y a pas de place dans l’Église pour les mafiosi!»

Pas d’études pour devenir pape

Dans cet entretien où le pape rappelle aussi l’horreur de la guerre en Ukraine ou bien sa condamnation du cléricalisme dans l’Église, il confesse enfin qu’être pape «n’est pas un travail facile». «Personne n’a étudié avant pour faire ce travail», argue-t-il. Il se rassure en se rappelant que Jésus a demandé à Pierre, un simple pêcheur qui l’a même renié, de conduire son Église. «C’est la miséricorde de Dieu pour nous», se réjouit le pape. (cath.ch/imedia/hl/rz)

«Je n'ai jamais perdu le sommeil», a assuré le pape François au journal Il Fatto Quotidiano | © Antoine Mekary/IMEDIA
12 mars 2023 | 17:15
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 4  min.
Abus sexuels (1287), Benoît XVI (483), Corruption (91), Interview (26), pontificat (32)
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