Le pape ne veut pas que le Synode se transforme en «guerre ecclésiale»
Ce n’est pas dans la tension d’un «parlement» mais dans la dynamique d’une «théologie du chemin» que le pape François veut guider l’Église catholique dans le processus du Synode sur la synodalité, explique-t-il dans le second volet de son entretien à la télévision portugaise TVI, enregistré le 11 août 2022 et diffusé dans la soirée du 5 septembre.
Il s’exprime aussi sur sa volonté de promouvoir la place des femmes dans l’Église et sur sa propre vie spirituelle.
Le pape François explique qu’à la fin du Concile Vatican II, Paul VI avait constaté que «l’Église avait perdu la dimension synodale», contrairement aux Églises orientales, et qu’il avait donc voulu relancer cette tradition. En 2015, pour le 50e anniversaire de la fondation du Secrétariat général du Synode, le pape François a fait un important discours sur «les fondements théologiques de la synodalité», ouvrant un processus qui se cristallise actuellement dans le chemin synodal vécu au niveau mondial.
L’évêque de Rome, inspiré par la pensée jésuite, insiste sur le principe d’une «attitude synodale de discernement», qui doit se situer dans une quête d’harmonie, inspirée par l’Esprit Saint, et non pas dans une illusion d’uniformité. «Dans tous les processus il y a ceux qui se sentent bien avec le processus, ceux qui veulent aller plus loin, et ceux qui restent plus en arrière», reconnaît-il dans cette interview à la télévision portugaise.
Pas de guerre ecclésiale
Voulant éviter une «guerre ecclésiale», le pape assure que l’Esprit Saint «donne les moyens de faire mûrir l’Église». En remarquant que «certains avancent en courant» et que «d’autres reculent», le pape invite les évêques et prêtres à vivre une «théologie du chemin». Il explique que chaque pasteur doit accepter les différences de rythmes de chacun, afin de rester «universel», et ne pas se contenter de rester à «un seul endroit».
«Le cléricalisme, qui est une perversion, enlève cette universalité au pasteur et en fait le pasteur d’un secteur ou d’une modalité pastorale», avertit François, en pointant la rigidité de ceux qui se contentent de dire : «Ici, je commande et vous obéissez». En marchant au rythme de tous, y compris en allant avec «ceux qui sont plus réticents au changement», le bon pasteur doit au contraire «respecter le peuple saint et fidèle de Dieu», insiste le pape François.
Laisser une place centrale à l’Esprit Saint
Le pape invite toute l’Église à se mettre en mouvement selon l’Esprit Saint, qui «parle toutes les langues», et qui «fait l’harmonie, qui est quelque chose de différent de l’ordre». François remarque que «l’ordre se trouve dans un cimetière ; tout est en ordre, mais il n’y a pas de vie. Dans l’harmonie, il y a la vie et c’est ce que fait le Saint-Esprit», insiste le pape argentin.
«Parfois, il y a des gens qui disent : ›Je suis très religieux, très croyant, je défends les valeurs chrétiennes’, mais ils sont incapables de vivre en harmonie avec l’Église et il leur manque l’Esprit Saint», avertit le pontife, qui souligne la différence entre une réelle vie de foi inspirée par l’Esprit Saint et la défense d’une «idéologie religieuse», qui se cristallise parfois dans la liturgie.
«Une Église qui ne célèbre pas bien la liturgie est une Église qui ne sait pas louer Dieu, qui ne sait pas vivre profondément», avertit toutefois François, pour qui «il est important de bien discipliner la liturgie». Il situe dans cette perspective sa récente Lettre apostolique Desiderio desideravi et son motu proprio Traditionis custodes sur l’encadrement du «rite ancien».
La mise en valeur du rôle des femmes
«L’Église est une femme, elle est féminine, pas masculine. Elle est une femme, elle est l’épouse du Christ», souligne par ailleurs le pape dans cet entretien. Pointant le manque de présence féminine dans des postes de direction au Vatican, il relève certains progrès. «Maintenant il y a les secrétaires des dicastères, le vice-gouverneur du Vatican est une femme», remarque-t-il.
Il précise avoir intégré des femmes au sein du dicastère pour les Évêques afin d’apporter un nouveau regard. «Placer des femmes à ce poste n’est pas une tendance féministe, c’est un acte de justice qui a été culturellement négligé», tout en reconnaissant une lente évolution depuis 20 ou 30 ans, impulsée par ses prédécesseurs.
«Les rapports les plus mûrs que j’ai reçus lorsque j’ai donné l’ordination sacerdotale à des séminaristes étaient ceux écrits par les femmes des quartiers où ces prêtres allaient travailler dans la paroisse», se souvient le pape François, qui fut l’archevêque de Buenos Aires pendant 15 ans, de 1998 à 2013.
Le pontife estime par ailleurs que le Conseil pour l’Économie, qu’il avait institué en 2014, «a commencé à mieux fonctionner», après la nomination de cinq femmes. Il remarque que l’expérience de la maternité et de l’éducation des enfants contribue aussi à une meilleure capacité de résolution des conflits, notamment pour les femmes engagées dans la vie politique, ainsi que dans le secteur de l’entreprise. Il donne l’exemple de la «nouvelle économie» numérique, où les femmes ouvrent des voies «plus créatives et plus fructueuses».
Le pape remarque aussi qu’en cas de veuvage précoce, les femmes sont généralement plus aptes que les hommes à subvenir aux besoins de leur famille. Il se souvient aussi de son observation des prisons en Argentine, où il voyait «la queue des mères des détenus attendant de voir leurs enfants». «Les femmes ont défendu leurs fils, elles n’ont pas renié leurs enfants», alors que «les pères étaient à peine présents», se souvient le pontife argentin.
«La femme est capable de porter en avant cette qualité de Dieu qu’est la tendresse», insiste le pape, qui répète une nouvelle fois son attachement à la figure de la Vierge Marie. «En Marie, on trouve la force, le service, la féminité», souligne le pape, qui exprime notamment sa dévotion à la Vierge de Fatima. «Fatima m’a laissé sans voix», raconte celui qui s’était rendu dans le sanctuaire portugais en mai 2017, pour le centenaire des apparitions de 1917. «Pour moi, le Portugal, c’est Fatima», explique François, qui dit son profond attachement pour «la Vierge du silence» et se confie sur sa vie de prière.
«Je prie le chapelet. Je le fais comme je le faisais quand j’étais enfant», explique François, qui prie aussi quotidiennement avec la Bible et la Liturgie des heures, de son réveil chaque jour à 4h du matin jusqu’à son coucher à 22h. «Je me tiens devant Dieu et parfois je suis distrait, mais Dieu ne se laisse pas distraire et cela me réconforte», confie le pape, qui estime que «c’est une grâce de s’endormir devant le Seigneur». (cath.ch/imedia/cv/mp)