Le pape invite à être attentif aux «christs invisibles, abandonnés»
«Les souffrances du corps» et les souffrances de l’âme» ont été au cœur de l’homélie du pape François lors de la messe du dimanche des Rameaux. Le pontife a ainsi effectué, ce 2 avril 2023, sa première apparition publique dans une liturgie depuis son hospitalisation à la polyclinique Gemelli, du 29 mars au 1er avril, pour une bronchite infectieuse.
Le pape est arrivé en papamobile vers 10h sur la place Saint-Pierre, dans une atmosphère de grand recueillement. Il s’est ensuite installé devant l’obélisque de la place Saint-Pierre pour le rite d’ouverture de cette messe marquant l’ouverture de la Semaine Sainte. Debout et revêtu d’une étole rouge, le pape a prononcé la prière initiale sans montrer de signe de fatigue perceptible.
30’000 fidèles place Saint-Pierre
C’est également en papamobile qu’il a suivi la procession jusqu’au parvis pour la suite de cette messe, célébrée en présence de plus de 30’000 fidèles, et concélébrée par de nombreux cardinaux et évêques, parmi lesquels le cardinal Becciu et Mgr Georg Gänswein, toujours préfet de la Maison pontificale en titre, bien qu’il ait perdu les prérogatives théoriquement liées à cette charge.
Après la liturgie de la Parole, et notamment le long récit de la Passion chanté par trois diacres, le pape a articulé son homélie autour des paroles du Christ sur la croix: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?». Il a expliqué que les souffrances du Christ ont été nombreuses et concrètes, et le relient aux situations de détresse d’aujourd’hui.
Il est revenu sur «les souffrances du corps: des gifles aux coups, de la flagellation à la couronne d’épines, jusqu’à la torture de la croix», mais aussi «les souffrances de l’âme: la trahison de Judas, les reniements de Pierre, les condamnations religieuses et civiles, les railleries des gardes, les insultes sous la croix, le rejet de beaucoup de gens, l’échec de tout, l’abandon des disciples».
Les déchirures du lien, une expérience vécue par Jésus
Cette expérience d’abandon se répète aujourd’hui, dans de nombreuses situations de douleur listées par le pape François: «dans les amours manquées, rejetées et trahies; dans les enfants rejetés et avortés; dans les situations de répudiation, de veuvage et d’orphelinat; dans les mariages épuisés, dans les exclusions qui privent des liens sociaux, dans l’oppression de l’injustice et dans la solitude de la maladie».
Jésus connaît et comprend ces «lacérations les plus implacables des liens», car sur la croix, il a fait «l’expérience de la situation qui Lui était la plus étrangère: l’éloignement de Dieu», a insisté le pontife.
Jésus «a payé le prix pour moi», a rappelé François, invitant chacun à en prendre pleinement conscience, y compris dans les expériences de chutes, de désolation, d’abandon. Jésus montre la voie: «dans l’abandon, il continue à aimer les siens qui l’avaient laissé seul et il pardonne à ceux qui l’ont crucifié», a rappelé François.
«Le Christ abandonné nous pousse à le chercher et à l’aimer dans les personnes abandonnées», a expliqué le pape, évoquant notamment un SDF allemand récemment décédé «seul, abandonné, sous les colonnades» de la place Saint-Pierre.
Voir les personnes abandonnées comme «des icônes vivantes du Christ»
«Des peuples entiers sont exploités et abandonnés à eux-mêmes; des pauvres dont nous n’avons pas le courage de croiser le regard vivent aux carrefours de nos rues; des migrants n’ont plus de visages mais sont des numéros; des prisonniers sont rejetés, des personnes sont cataloguées comme des problèmes», a rappelé le pontife.
Le pape a aussi présenté comme des «christs invisibles, cachés, abandonnés» rejetés avec «des gants blancs», notamment «des enfants à naître», des «personnes âgées laissées seules», ou encore « des jeunes qui ressentent un grande vide intérieur sans que personne n’écoute vraiment leur cri de souffrance», et qui peuvent glisser vers la tentation du suicide.
Le pape a présenté ces personnes abandonnées comme «des icônes vivantes du Christ», dont la voix «ne doit pas se perdre dans le silence assourdissant de l’indifférence». «Dieu ne nous a pas laissés seuls; prenons soin de ceux qui sont laissés seuls», a exhorté François, qui s’est exprimé de façon relativement fluide, sortant de son texte à de nombreuses reprises.
Bien que le pape soit présenté dans le livret liturgique comme présidant cette liturgie des Rameaux, c’est le cardinal argentin Leonardo Sandri, vice-doyen du Sacré-Collège, qui a présidé la prière eucharistique à l’autel. Cette délégation de la prière eucharistique à un cardinal est un protocole habituel depuis le printemps 2022, compte tenu des difficultés du pape à se tenir debout. (cath.ch/imedia/cv/bh)