Le pape François témoigne de sa propre conversion écologique
Le pape François a partagé aux membres d’une délégation de Français venus le rencontrer le 3 septembre 2020 le cheminement personnel qui l’a mené à une « conversion écologique ». Ce témoignage, rapporté par plusieurs personnes, dont le Père jésuite Gaël Giraud lors d’une conférence de presse à Rome après l’audience, fait état d’une rencontre très marquante avec les habitants d’un peuple d’Amazonie effectuée par l’alors cardinal Bergoglio en amont de la Conférence d’Aparecida (Brésil) en 2007.
Plusieurs participants de la délégation française, emmenée par le président de la Conférence des évêque de France Mgr Éric de Moulins-Beaufort et Raphaël Cornu-Thénard, organisateur du voyage, ont rapporté, pour certains avec émotion, « leur expérience personnelle », après avoir pu discuter avec le chef de l’Église catholique pendant une heure. Ils ont cité la « simplicité » et « l’humilité » du pape François lors de ce temps pendant lequel il a préféré échanger avec ses hôtes plutôt que de leur lire le discours prévu.
Le Père Giraud, économiste jésuite présent lors de la rencontre, a rapporté dans le détail ce que le pontife leur a présenté comme le point de départ de sa propre « conversion écologique » : en 2007, pour préparer la Conférence générale des évêques d’Aparecida, il est allé rencontrer les habitants d’une tribu de l’Amazonie, apparemment sans grand enthousiasme. Celui qui était alors archevêque de Buenos Aires s’est présenté devant des indigènes vêtus de leurs coiffes en plumes et habits traditionnels, et leur a demandé qu’elles étaient leurs professions.
Un premier lui a répondu qu’il était « président d’université », une autre qu’elle était « étudiante en sciences politiques ». Le pontife à réalisé qu’il s’agissait de personnes qui auraient pu travailler dans la société occidentale, mais « qui avaient beaucoup plus à apporter ». « C’est le moment où [le pape François] s’est rendu compte de l’extraordinaire richesse » portée par ces peuples, notamment leur « sagesse », a rapporté le prêtre jésuite. Cette sagesse, c’est ce qui manque à l’Occident, qui possède l’intelligence, parce qu’elle permet de « faire le lien » entre l’intellect et le cœur, leur a expliqué le pontife.
Réconciliation avec l’Église catholique
L’essayiste et activiste Pablo Servigne, d’origine colombienne, a affirmé avoir été particulièrement « touché au cœur » par l’attention portée par le 266e pape aux indigènes. Selon lui, ces populations « ont déjà connu une catastrophe » et voient mieux que les Occidentaux celle qui arrive aujourd’hui.
Plusieurs intervenants non-croyants ont raconté le rôle important qu’avait joué pour eux la lecture de Laudato Si’. Le «collapsologue» Pablo Servigne et l’activiste et fondateur des «Fermes d’avenir» Maxime de Rostolan ont affirmé que la lecture de ce texte avait même été pour eux un vecteur d’une certaine réconciliation avec l’Église catholique, dont ils s’étaient nettement éloigné dans leur jeunesse.
Le lien entre évangélisation et écologie
Mgr Éric de Moulins-Beaufort a expliqué que si cette rencontre s’inscrivait dans la large réflexion sur l’encyclique Laudato Si’ (2015) menée depuis plusieurs mois par la Conférence des évêques de France, elle était avant tout le fruit de rencontres qui les avaient amenés à aller « voir l’auteur du texte ». C’est un voyage de « gens de nombreux horizons » mais qui se trouvent rassemblés par l’idée que l’humanité a besoin d’une « transition ou transformation écologique », a-t-il souligné. Cette conversion écologique, l’archevêque de Reims a affirmé qu’elle est un devoir envers les pauvres, les êtres vivants et le « cosmos ».
Raphaël Cornu-Thénard a souligné le lien fait par le chef de l’Église catholique entre évangélisation et écologie. « Évangéliser n’est pas une activité, de la même façon que l’écologie n’est pas une activité », mais c’est un « chemin qu’on fait ensemble, avec des personnes ». Le fondateur du Congrès Mission a souligné combien le déplacement fait par la délégation à Rome, en train et en bus, était « un vrai voyage », pendant lequel les personnes avaient « pris le temps de se connaître ».
Une rencontre source d’espoir
Valérie Cabanes, juriste internationale, a pour sa part demandé au pontife de soutenir l’adoption de l’écocide comme crime contre l’humanité, mesure qu’il avait déjà soutenue 2009. Hélène Le Teno, économiste, a apprécié l’importance accordée par le pontife à une « éducation à la tendresse » qu’elle cherche à promouvoir en entreprise.
Enfin, l’éleveur et agriculteur dans le Loiret Aurélien Gonthier a vu dans cette rencontre avec le pape François un signe d’espoir. « Tout est possible ! » a-t-il raconté avec émotion, rappelant que deux jours auparavant, il était « avec ses vaches » et loin d’imaginer une telle confrontation. (cath.ch/imedia/cd/mp)