Le pape François prêche pour l’unité de la Centrafrique
Venu en République centrafricaine «en pèlerin de la paix» et en «apôtre de l’espérance», le pape François a lancé dès son arrivée à Bangui, le 29 novembre 2015, un appel à l’unité de ce pays en proie à de violents conflits intercommunautaires. Au début de cette visite d’à peine plus de 24 heures, le pape a souhaité que les prochaines élections offrent au pays «une nouvelle étape de son histoire». La présidente de transition, pour sa part, a présenté cette visite comme «une victoire de la foi sur la peur», demandant pardon pour toute la violence commise dans le pays.
Reçu au palais présidentiel de Bangui par la chef de l’Etat de transition, Catherine Samba-Panza, le pape a pour la première fois de son pontificat prononcé son discours en français, s’appliquant à bien prononcer son texte. «C’est en pèlerin de la paix que je viens, et c’est en apôtre de l’espérance que je me présente», a affirmé le chef de l’Eglise catholique, assurant que «la République Centrafricaine s’achemine progressivement, malgré les difficultés, vers la normalisation de sa vie socio-politique».
Depuis l’apparition des violences entre milices armées, fin 2012, les combats ont fait quelque 6’000 morts. Les Nations unies ont déployé 12’000 hommes dans le pays, et la force française Sangaris compte à elle seule 900 soldats. Mais ces missions de paix ne parviennent pas à désarmer les milices anti-balaka et les Seleka, acteurs d’un conflit qui a fait fuir 400’000 personnes sur les 4 millions d’habitants que compte la République centrafricaine, et déplacé quelque 460’000 autres à l’intérieur du pays.
Une nouvelle étape
A l’approche des élections législatives et présidentielles prévues fin décembre, le pape a fait part de son «souhait le plus ardent» que ces consultations «permettent au pays d’entamer sereinement une nouvelle étape de son histoire». Le pape François a aussi développé la devise de la République Centrafricaine: unité, dignité, travail. «Aujourd’hui plus encore qu’hier, a t-il soutenu, cette trilogie exprime les aspirations de chaque Centrafricain et, par conséquent, constitue une boussole sûre pour les autorités, chargées de conduire les destinées du pays. Unité, dignité, travail! Trois mots lourds de sens, dont chacun représente autant un chantier qu’un programme jamais achevé, une tâche à remettre sans cesse sur le métier».
L’unité, a particulièrement soutenu le pape dans un pays déchiré par les combats entre milices, est «une valeur cardinale pour l’harmonie des peuples». L’unité, a-t-il encore précisé, «est à vivre et à construire à partir de la merveilleuse diversité du monde ambiant, en évitant la tentation de la peur de l’autre, de ce qui ne nous est pas familier, de ce qui n’appartient pas à notre ethnie, à nos options politiques ou à notre confession religieuse».
Au terme de son discours, le pape s’est adressé à la communauté internationale, dans un pays où les Nations unies et la France en particulier, assurent la sécurité, tant bien que mal. Et le pape de souhaiter que l’engagement de la communauté des nations «aide le pays à progresser notamment dans la réconciliation, le désarmement, le maintien de la paix, l’assistance sanitaire et la culture d’une saine gestion à tous les niveaux».
«Je demande pardon du fond de mon cœur»
Pour sa part, la présidente de transition a prononcé un discours d’accueil d’une très grande force, empreint de foi. Elle a notamment présenté la visite du pape comme «une victoire de la foi sur la peur», une visite pour «consoler un peuple meurtri».
«Le contexte politique du moment, les menaces sécuritaires réelles ou amplifiées qui ont émaillé les préparatifs de votre visite, la résurgence ces derniers jours des mouvements extrémistes et du terrorisme avec une violence omniprésente, auraient pu vous décourager à prendre le risque de faire le déplacement de Bangui», a affirmé Catherine Samba-Panza à l’intention du pape. «La leçon de courage et de détermination est ici exemplaire», a-t-elle soutenu.
Après avoir déploré avec gravité que «des Centrafricains (aient) infligé des souffrances inqualifiables à d’autres Centrafricains», la présidente de transition a prononcé une demande de pardon forte et émouvante: «Au nom de toute la classe dirigeante de ce pays mais aussi au nom de tous ceux qui ont contribué de quelque manière que ce soit à sa descente aux enfers, je confesse tout le mal qui a été fait ici au cours de l’histoire et demande pardon du fond de mon cœur».
Ce pardon est indispensable, a affirmé l’ancien maire de Bangui, en raison «des abominations commises au nom de la religion par des gens qui se disent des croyants». Catherine Samba-Panza s’est dit convaincue que la visite du pape pouvait permettre «que les démons de la division, de la haine et de l’autodestruction soient exorcisés et chassés définitivement de (ces) terres». La présidente de transition a enfin souhaité «une Centrafrique sans armes» et des «élections libres, transparentes et démocratiques».
Avec les déplacés
Après l’accueil officiel au palais présidentiel, le pape s’est rendu en papamobile jusqu’au camp de déplacés de Saint-Sauveur, où il a longtemps salué des Centrafricains ayant fui les violences intercommunautaires, dont de très nombreux enfants. Ce camp du HCR abrite quelque 3’700 déplacés. Le pape a salué plusieurs centaines d’enfants.
«Nous devons travailler et tout faire pour la paix», a ensuite dit le pape en italien, traduit en sango, la langue du pays. Il n’y a pas de paix sans tolérance et sans pardon, a-t-il expliqué, assurant que tous étaient frères, quelle que soit leur ethnie, leur religion, leur statut social. (cath.ch-apic/imedia/ami/rz)