Le pape enjoint les artistes à être «des consciences critiques»

«L’art ne peut jamais être un anesthésiant ; il donne la paix, mais il n’endort pas les consciences, il les tient éveillées», a affirmé le pape François devant 200 artistes d’une trentaine de pays venus au Vatican pour le 50e anniversaire de l’inauguration de la collection d’art religieux contemporain des Musées du Vatican, le 23 juin 2023.

Lors de cette audience qui a eu lieu dans la chapelle Sixtine, le pape leur a recommandé de développer « le sens de l’humour » et en particulier l’ironie, « une vertu magnifique ». 

Devant ces écrivains, peintres, sculpteurs, cinéastes, photographes, designers ou éditeurs du monde entier, le pape a souligné que l’artiste était « un enfant » qui « se meut dans l’espace de l’invention, de la nouveauté, de la création ». Par sa « créativité » et son « originalité », il apporte « la nouveauté » et participe « à la passion générative de Dieu », et en cela l’artiste « dément l’idée que l’homme soit un être pour la mort », a estimé le pontife de 86 ans. « Vous êtes des alliés du rêve de Dieu ! », a-t-il alors lancé, leur souhaitant « des yeux qui regardent et qui rêvent », afin de « rêver de nouvelles versions du monde ». 

Le pape a engagé ces « voyants » à faire de leur art une « conscience critique de la société ». Il s’agit notamment, a-t-il expliqué, de chercher « la vraie beauté », en se libérant du « pouvoir suggestif de cette prétendue beauté artificielle et superficielle répandue aujourd’hui ». Une beauté qui « n’attire pas, parce que c’est une beauté qui naît morte, […] une beauté fausse, cosmétique […], un maquillage qui cache au lieu de révéler ». 

La mission de l’artiste est également de montrer « la réalité aussi dans ses contradictions, dans ses aspects qu’il est plus confortable ou plus pratique de garder cachés », a poursuivi le pontife, évoquant « les enfers de la condition humaine, les abysses, les parties obscures » exprimées dans les œuvres d’art. « Vous nous mettez face à des choses qui parfois dérangent, en critiquant les faux mythes d’aujourd’hui, les nouvelles idoles, les discours banals, les pièges de la consommation, les astuces du pouvoir », les a-t-il félicités.

«L’artiste est une sentinelle du vrai»

Pour le pape, l’artiste peut même être « une sentinelle du vrai sentiment religieux, parfois banalisé et commercialisé ». Ainsi au fil de son discours, il les a désignés comme des « alliés » des thématiques qui lui sont chères comme « la défense de la vie humaine, la justice sociale, les plus défavorisés », l’environnement, la fraternité. 

« J’ai à cœur l’humanité de l’humanité, la dimension humaine de l’humanité », a confié le pontife, estimant que l’art et la foi ont ceci en commun qu’ils « ne peuvent pas laisser les choses comme elles sont : ils les changent, les transforment, les convertissent, les font bouger ». 

Enfin, en ultime recommandation, le pape leur a demandé de « ne pas oublier les pauvres » qui « ont plus besoin » d’art et de beauté. « D’ordinaire il n’ont pas de voix pour se faire entendre. Vous pouvez vous faire interprètes de leur cri silencieux », a-t-il conclu. 

Parmi les personnalités qui ont participé à cette rencontre, on retrouve le cinéaste britannique Ken Loach, le violoniste néerlandais André Rieu, l’écrivain belge Amélie Nothomb ou encore le sculpteur britannique Anish Kapoor. La scène artistique française était représentée par les écrivains Éric-Emmanuel Schmitt, Valérie Perrin et Alexandra Lapierre, le compositeur Bruno Coulais et l’architecte Jean Nouvel. Autres personnalités connues : le cinéaste italien Roberto Bellochio, qui vient de faire paraître un film – Rapito, 2023 – sur l’Affaire Mortara, scandale qui a éclaboussé l’Église en Italie au XIXe siècle, ou encore son compatriote l’écrivain Roberto Saviano, connu pour ses ouvrages sur la mafia. (cath.ch/imedia/ak/mp)