Le pape François encourage la «Théologie de la sagesse» africaine
Le pape François encourage l’élaboration d’une «Théologie de la sagesse» africaine. Une telle théologie peut se baser sur des éléments de la culture africaine comme l’Ubuntu, qui rassemble des valeurs aussi importantes que le respect, la dignité humaine, la compassion, la solidarité et le consensus, qui exige conformité et fidélité au groupe.
Dans un message adressé aux 120 participants du deuxième Congrès Panafricain sur la Théologie, la société et la vie pastorale, qui s’est tenu à Université catholique d’Afrique de l’Est (CUEA) à Nairobi, au Kenya, en juillet 2022, le pontife argentin a lui-même plaidé pour une théologie inspirée de l’héritage ancestral du continent noir.
Une théologie inspirée de l’héritage ancestral du continent noir
Originaire de la République démocratique du Congo (RDC), professeur des relations internationales à l’Institut jésuite Hekima Peace Studies, affilié à l’Université catholique d’Afrique de l’Est (CUEA), le Père jésuite Emmanuel Bueya estime que la «Théologie de la sagesse» peut être comprise comme «un retour aux traditions qui nous offrent une manière d’être dans le monde».
A l’instar du professeur congolais Bénézet Bujo, qui fut, de 1989 à 2010, professeur ordinaire à la Faculté de théologie de Fribourg, le Père Bueya mise, pour élaborer une telle Théologie africaine, sur des éléments de la culture africaine comme l’Ubuntu.
Cette philosophie, proche des concepts d’humanité et de fraternité, articule des valeurs aussi importantes que le respect, la dignité humaine, la compassion, la solidarité et le consensus, qui exige conformité et fidélité au groupe. Tout le contraire de l’idéologie capitaliste amenée en Afrique par le néolibéralisme occidental, insiste le Père Bueya, qui vient d’un pays «où les richesses naturelles sont pillées par les multinationales, au détriment de la population et de l’environnement ».
L’Ubuntu, une «arme» dans les mains de Nelson Mandela et Desmond Tutu
En Afrique du Sud, l’Ubuntu a été employé, notamment par les prix Nobel de la paix Nelson Mandela et Desmond Tutu, pour dépeindre un idéal de société opposé à la ségrégation durant l’apartheid, puis pour promouvoir la réconciliation nationale.
Le Père Bueya suggère également l’utilisation du concept négro-africain de la Maât (de la déesse Maât, dans de l’Égypte antique), qui est l’incarnation de la justice et de la vérité. Dans une interview accordée à Vatican News, le jésuite congolais estime que la «Théologie de la sagesse» peut être comprise comme «un retour aux traditions qui nous offrent une manière d’être dans le monde». La sagesse, a-t-il expliqué, nait souvent d’une réflexion sur l’expérience. «L’Afrique et son histoire comportent une expérience de bonheur et de malheur, qui ont pu engranger une certaine sagesse qui peut être éclairante pour les populations qui avancent».
La «Théologie de la sagesse», une théologie du peuple
Pour Emmanuel Bueya, cette «Théologie de la sagesse» n’est pas à mettre en opposition avec la «Théologie académique». C’est plutôt «une théologie du peuple», qui cherche à revenir vers la population. Pour le jésuite congolais, une telle théologie«comprend l’expérience quotidienne de la survie et de la foi. La patience dans les épreuves et la confiance en Dieu sont toujours présentes au cœur de l’histoire; car quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finira par apparaitre…».
Cette théologie dite de la sagesse implique que l’Africain ne doit pas être considéré comme «une personne à qui venir en aide», car il a en lui un potentiel qui bien souvent est minimisé. La «Théologie de la sagesse» a pour effet, comme dans la démarche du synode, la rencontre et la reconnaissance de l’autre, comme étant un être humain, capable d’initiatives et de réflexion, avec qui on peut construire ensemble une communauté conviviale et heureuse.
Construire ensemble une communauté conviviale et heureuse
Pour l’Africain, la «Théologie de la sagesse» implique également le respect de ses traditions et la pratique de ses valeurs éthiques, une démarche où l’Ubuntu est considéré comme la racine cardinale; ou comme dans la sagesse de l’Egypte pharaonique avec la Maât où la justice est harmonieuse. Dans cette dynamique, l’Africain sera capable de «sortir des sociétés post-coloniales, déstructurées, avec des économies gangrenées par une injustice et des violences de tout genre… pour entrer dans une dynamique où le royaume de Dieu cesse d’être une utopie, mais devient un projet de vie au quotidien parce qu’en tant que chrétiens, c’est cela notre vocation», conclut le Père Bueya. Car à«l’église on parle souvent de l’agapè [amour inconditionnel, ndlr]; et c’est au sein de cette agapè que cette théologie peut s’épanouir car les hommes vont main dans la main, comme dit le psalmiste». (cath.ch/vaticannews/be)