Le pape exhorte les juges à défendre les plus pauvres
Alors que le droit connaît un important développement dans les pays américains, les juges doivent s’engager pour la «jouissance effective» des droits, à commencer par ceux des plus pauvres, a considéré le pape François le 4 juin 2019. Il intervenait au cours d’un colloque rassemblant une centaine de juges du continent américain sur les droits sociaux organisé au Vatican par l’Académie pontificale des sciences sociales.
La mission des juges, a salué le pape en introduction de son discours, est noble: il s’agit de servir la justice et le bien commun. Ainsi, il est de leur devoir de veiller à ce que les droits de chacun, en particulier des plus pauvres, soient respectés. Pour que cela soit le cas dans les sociétés américaines, a-t-il indiqué, les juges de différents pays doivent travailler ensemble et refuser toute attitude passive, comme si l’histoire était déjà écrite.
Détérioration des droits sociaux
Pour l’évêque de Rome, ces sociétés vivent en effet une étape historique de changements qui met en jeu l’âme des peuples. Ainsi, alors qu’existe un phénoménal développement du droit, il y a une détérioration de la jouissance effective des droits consacrés, en particulier des droits sociaux. Le successeur de Pierre s’est particulièrement inquiété de l’émergence de doctrinaires qui considèrent ces droits comme vieux et sans apports. Une telle attitude, a-t-il condamné, crée une violence silencieuse et ne fait que bénéficier à des politiques justifiant l’inégalité et l’indignité.
Ainsi, a-t-il poursuivi, l’injustice sociale est acceptée et ceux qui s’élèvent contre elle sont vus comme dangereux ou gênants. La réponse n’est ensuite souvent que des reports ou des oublis, ce qui constitue un des grands obstacles au pacte social et fragilise la démocratie. Tant de fois, s’est indigné le pape, l’égalité proclamée par les déclarations ne fait que cacher une inégalité réelle. «Il n’y a pas de démocratie avec la faim, pas de développement avec la pauvreté, pas de justice dans l’inégalité», a-t-il asséné.
Le pape a donc demandé aux juges présents de réduire la distance entre la reconnaissance juridique et la pratique. De même, a-t-il demandé, il faut lutter contre les trous juridiques qui permettent des cercles vicieux privant les familles du bien-être minimal tout en générant de la corruption. Le droit, a-t-il insisté, n’est pas seulement la loi et les normes mais aussi une pratique. Les juges doivent donc mobiliser leur imagination juridique pour assurer le plein respect de chacun.
Une dénonciation du lawfare
Dans son intervention, le pape François s’est également élevé contre une nouvelle forme d’intervention exogène dans les pays: le lawfare ou guerre par le droit. Cette utilisation indue des procédures juridiques met en péril les démocraties, mine les processus politiques et tend à la violation systématique des droits sociaux. Ces pratiques doivent être détectées et neutralisées pour mettre fin ces activités juridiques impropres, même s’il s’agit d’une bataille asymétrique contre un puissant système de communication.
En ce sens, le chef de l’Eglise catholique s’est réjoui de la décision des participants à ce congrès d’instituer un comité permanent panaméricain des juges des droits sociaux. Cet organisme, a-t-il espéré, pourra dépasser la solitude des magistrats dans leurs fonctions, leur apporter assistance et «revitaliser» l’exercice de leur mission». (cath.ch/imedia/xln/bh)