L'Amérique actuelle est marquée par la personnalité de Donald Trump (Photo: M.H. sur Pixabay)
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Le pape dénonce la 'loi du plus fort' de Donald Trump

Dans une lettre ouverte aux évêques américains, le pape François dénonce une idéologie qui «impose la volonté des plus forts comme critère de vérité». Visant le président Trump, sans le nommer, le pontife assure suivre «de près la grande crise qui se déroule aux États-Unis avec le lancement d’un programme de déportations massives».

Sortant de la réserve qu’il garde habituellement vis-à-vis des responsables politiques, le pape François a décidé de prendre la plume en «ce moment délicat» de l’histoire des États-Unis, en adressant une lettre aux évêques américains rendue publique ce 11 février 2025. Le pape y adopte une prise de position forte contre l’administration Trump – sans toutefois nommer directement le président – et son plan d’expulsion des migrants sans papier.

Dans cette missive de deux pages, le chef de l’Église catholique assure suivre «de près la grande crise qui se déroule aux États-Unis avec le lancement d’un programme de déportations massives». À peine arrivé au pouvoir, le président Donald Trump, investi le 20 janvier dernier, a enclenché son plan d’arrestation et d’expulsion des migrants en situation irrégulière sur le sol américain – estimés à 11 millions –, qu’il avait présenté pendant sa campagne électorale. D’après CNN, la Maison Blanche prévoit la poursuite en justice des fonctionnaires des États et des collectivités locales qui résisteraient à la répression fédérale de l’immigration.

«Le jugement critique d’une conscience bien formée»

Face à ces mesures, le pape François appelle à «un jugement critique», estimant qu’une conscience «bien formée» ne peut qu’ «exprimer son désaccord avec toute mesure qui identifie tacitement ou explicitement le statut illégal de certains migrants à la criminalité». Le pontife distingue en ce sens le droit d’une nation à défendre sa sécurité et «l’acte de déporter des personnes qui […] ont quitté leur pays pour des raisons de pauvreté extrême, d’insécurité, d’exploitation, de persécution ou de dégradation grave de l’environnement».

Vent debout contre l’identitarisme, François pointe du doigt dans le programme présidentiel «un critère idéologique qui déforme la vie sociale». Le développement «d’une migration ordonnée et légale» ne peut se réaliser à travers «le privilège de certains et le sacrifice des autres», souligne-t-il. Et d’avertir : «Ce qui est construit sur la base de la force, et non sur la vérité de la dignité égale de chaque être humain, commence mal et finira mal».

La dignité de la personne pour guider les politiques

Le pape défend dans sa lettre «la dignité infinie et transcendante» de chaque personne humaine «sans exception». La valeur de cette dignité doit dépasser «toute autre considération juridique», insiste-t-il en incitant à «examiner la légitimité des normes et des politiques publiques à la lumière de la dignité de la personne et de ses droits fondamentaux, et non l’inverse».

Au fil du texte, le pontife défend une anthropologie où la personne humaine «n’est pas un simple individu, relativement expansif, avec quelques sentiments philanthropiques» mais «un sujet avec une dignité qui, à travers la relation constitutive avec tous, surtout avec les plus pauvres, peut progressivement mûrir dans son identité et sa vocation».

S’adressant aux évêques des États-Unis, le pontife les exhorte à continuer à défendre «ceux qui sont considérés comme moins précieux, moins importants ou moins humains». Il engage les fidèles catholiques «à ne pas céder aux récits qui discriminent et causent des souffrances inutiles» aux migrants et réfugiés.

Climat tendu entre les évêques et Trump

La lettre du pape intervient alors que les tensions s’accentuent entre les évêques américains et le gouvernement. Dès le surlendemain de l’investiture de Donald Trump, le 22 janvier, la Conférence des évêques catholiques des États-Unis avait déclaré dans un communiqué que ses décrets sur l’immigration étaient «profondément troublants» et «auraient des conséquences négatives».

Outre les mesures répressives, la Maison Blanche a également opéré des coupes budgétaires dans les fonds alloués à l’aide aux immigrants et réfugiés, avec de graves répercussions sur les services de la Conférence épiscopale, qui a dû déjà licencier une cinquantaine d’employés. Le cardinal Robert McElroy, nouvel archevêque de Washington, a qualifié ces mesures de «guerre de la peur et de la terreur».

Le vice-président JD Vance a accusé les évêques de soutenir les migrants illégaux pour obtenir des fonds fédéraux. Ce à quoi le cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York, a réagi en qualifiant ces propos de «calomnieux» et «méchants».

Ce n’est pas la première fois que le pape François sort de sa réserve habituelle pour tacler la politique de Donald Trump. Il l’avait ainsi invité à «construire une société […] où il n’y a pas de place pour la haine, la discrimination ou l’exclusion», dans un message à l’occasion de son investiture. La veille, le 19 janvier, lors d’une»«‚émission de télévision italienne, le pontife avait qualifié en public son programme de politique migratoire de «honte». «Cela fera payer la facture du déséquilibre aux pauvres malheureux qui n’ont rien», avait-il regretté. (cath.ch/imedia/ak/mp)

L'Amérique actuelle est marquée par la personnalité de Donald Trump
11 février 2025 | 15:44
par I.MEDIA
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