Le nouveau préfet du DDF ne s'estime pas compétent pour les cas d'abus

Le nouveau préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi (DDF), l’Argentin Víctor Manuel Fernández, nommé le 1er juillet 2023, n’aura pas pour priorité la lutte contre les abus, dont son dicastère est le garant.

Dans un post publié sur Facebook, celui qui est conseiller et théologien de confiance du pape explique lui-même avoir fait part à François de ses réticences à traiter ce sujet de grand enjeu. À l’annonce de sa nomination, un organisme de défense des victimes a exprimé sa perplexité, alléguant que l’archevêque a mal géré un cas d’abus dans son diocèse de La Plata.

Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, intitulé «Ce que François me demande», Mgr Víctor Manuel Fernández révèle avoir déjà refusé ce poste par le passé. Parmi les raisons avancées pour décliner: «La tâche inclut la question des abus de mineurs, je ne me sens pas préparé et n’ai pas été formé pour de telles questions», confie-t-il.

Un poste «sur mesure»

Mais, rapporte l’archevêque, le pape a réitéré sa proposition «lorsqu’il était à l’hôpital». Le pontife de 86 ans était hospitalisé du 7 au 16 juin pour une opération chirurgicale à l’abdomen. «Vous pouvez imaginer qu’il était impossible de lui dire non», affirme son compatriote. Et de préciser que le pape avait écarté ses réticences sur le sujet des abus, en allégeant sa charge pour lui faire un poste sur mesure: «Il m’a expliqué que la question des abus relevait désormais d’une section tout à fait autonome, avec des professionnels qui en savent long sur le sujet et qui travaillent très sérieusement». 

Dans sa lettre de mission publiée avec la nomination, le pontife demande en effet au nouveau préfet de consacrer son «engagement personnel plus directement à l’objectif principal du dicastère qui est de ‘garder la foi’». Il explique que l’autre section du dicastère, consacrée aux questions disciplinaires et liées en particulier à l’abus de mineurs, est conduite par des «professionnels très compétents».

Encourager une pensée chrétienne libre

Mgr Fernández explique qu’il se concentrera sur un domaine qui «préoccupe beaucoup» le pape François: «Promouvoir une pensée qui sache dialoguer avec ce que vivent les gens, encourager une pensée chrétienne libre, créative et profonde». Il y voit «un merveilleux défi», s’attendant toutefois à trouver des oppositions car «il y a des gens qui préfèrent une pensée plus rigide, plus structurée, en guerre avec le monde».

Évoquant l’histoire de son dicastère héritier du Saint-Office, le nouveau préfet, qui prendra ses fonctions mi-septembre, assure qu’on ne corrige pas les erreurs «en persécutant ou en contrôlant, mais en faisant grandir la foi et la sagesse». «C’est la meilleure façon de préserver la doctrine», écrit-il encore, en écho aux paroles du pape dans sa lettre. Il fait notamment référence à la torture utilisée durant l’Inquisition, qualifiée de méthode «immorale» par le pontife.

Une mauvaise gestion d’un cas d’abus à La Plata?

Dès la nomination de Mgr Fernández, l’organisation américaine BishopAccountability.org, qui gère des archives sur les abus commis dans l’Église catholique, a qualifié le choix du pape François de «déconcertant et troublant». D’après BishopAccountability, le prélat a refusé en 2019 de croire des victimes qui accusaient un prêtre de La Plata d’avoir abusé sexuellement de garçons. Après avoir pris sa défense publiquement, l’archevêque a fini par le renvoyer, affirmant que le prêtre avait demandé à partir pour des «raisons de santé».

«Rien ne suggère qu’il est apte à mener la bataille du pape contre les abus et les dissimulations», estime BishopAccountability. Pour l’organisme, Mgr Fernández «aurait dû faire l’objet d’une enquête, et non être promu à l’un des postes les plus élevés de l’Église». (cath.ch/imedia/ak/rz)