Québec: Dans la province du Québec, le recyclage du patrimoine religieux se poursuit
Le monastère des Dominicains de la Grande Allée rasé fin mars
Québec, 3 mars 2011 (Apic) La démolition du monastère des Dominicains de la Grande Allée, à proximité des Plaines d’Abraham à Québec, débutera le 21 mars prochain. Il fera place au futur pavillon du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). De l’imposant ensemble architectural existant ne subsisteront que l’église Saint-Dominique et le presbytère. Ce sont les seuls bâtiments qui présentent une valeur patrimoniale, estime John R. Porter, président de la Fondation du MNBAQ. La Commission d’urbanisme et de conservation de Québec vient en effet de donner son aval à la disparition du monastère des Dominicains.
Le MNBAQ a acquis le monastère des Dominicains, adjacent à l’église Saint-Dominique, grâce à l’aide du mécène Pierre Lassonde. Le gros bâtiment de briques brunes du monastère est désert depuis le 30 juin 2008, jour où les 15 derniers dominicains sont partis pour une résidence de la route de l’Eglise à Sainte-Foy. Le couvent a été acheté par le Musée des beaux-arts en prévision de son agrandissement.
Les Dominicains arrivent à Québec en 1906
Rappelons qu’à la suite de longues démarches auprès des autorités diocésaines, les Dominicains arrivent à Québec en 1906. Ils s’installent sur la Grande-Allée en 1908 et deviennent propriétaires du terrain occupé depuis lors par le monastère et l’église Saint-Dominique. La fréquentation croissante de la chapelle des Frères Prêcheurs fait ressortir le besoin d’associer les Dominicains à une paroisse de la ville de Québec, note la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec sur son site internet www.patrimoine-religieux.com.
La nouvelle église, de style néo-gothique anglais, est ouverte au culte pour Noël 1930. Dans les années suivantes, la chapelle-monastère est reconvertie en monastère régulier et le couvent dominicain de Québec est érigé formellement le 8 août 1934. L’église a une valeur artistique et patrimoniale exceptionnelle, souligne la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec: «L’architecte J. Albert LaRue de Montréal y exploite le style néo-gothique anglais de façon saisissante».
«Les verrières de la Maison Chigot, de Limoges, évoquent les mystères du Rosaire. Les sculptures (près de cinq cents) de Lauréat Vallière, maître-sculpteur de l’école de Sculpture de Saint-Romuald, nous mettent en contact avec la Parole de Dieu puisée dans les Ecritures, évoquée par la nature, balbutiée par l’être humain. Tous ces artistes ont grandement contribué à faire de ce temple un ensemble harmonieusement réussi. L’église a d’ailleurs été primée à l’exposition mondiale d’art religieux à Rome en 1950».
Les moniales bénédictines de Mont-Laurier partent en avril
Ailleurs au Québec les moniales bénédictines de Mont-Laurier, dans la région administrative des Laurentides, ont récemment vendu leur propriété, incluant le monastère, évaluée à 2,7 millions de dollars canadiens.
La quinzaine de religieuses résidant encore aujourd’hui au monastère quitteront les lieux au mois d’avril. Elles habitaient ce monastère depuis 1950. Leur présence à Mont-Laurier remonte à 1934. Le vieillissement de la communauté et le manque de relève sont à l’origine de cette décision. Le recyclage du patrimoine religieux gagne autant les régions que les grandes villes. «Sur les 95 églises du territoire de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, 11 d’entre elles ont été vendues ou sont à vendre», relève ainsi l’abbé Jacques Bouchard, responsable des communications à l’évêché de Chicoutimi.
Forte diminution de la pratique religieuse ces dernières décennies
La forte diminution de la pratique religieuse ces dernières décennies au Québec (80 % de pratiquants catholiques en 1960, entre 5 % et 10 % aujourd’hui), la fusion des paroisses et la diminution du nombre de prêtres (et la quasi-absence de vocations religieuses), ainsi que les coûts d’entretien et de chauffage des édifices religieux, sont autant de motifs qui obligent les fabriques d’église à les mettre en vente.
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le phénomène a pris de l’ampleur à la fin des années 90. Bon nombre de ces édifices ont été achetés par des particuliers qui ont choisi de les transformer en auberges, restaurants, gîtes du passant. «La vente d’une église ne se fait jamais de gaieté de coeur, affirme Jacques Bouchard. La communauté vit toujours de gros déchirements lorsque la fabrique en vient à cette décision».
Place prépondérante de l’Eglise catholique dans l’histoire du Québec
Le patrimoine religieux du Québec, riche et diversifié, témoigne de la place prépondérante que l’Eglise a occupée dans l’histoire du Québec depuis le début de la colonie jusqu’à l’époque contemporaine. Depuis la «Révolution tranquille» dans la décennie des années 60, caractérisée par une réorientation de l’Etat québécois qui adopte les principes de l’Etat-providence (reprenant une bonne partie des multiples fonctions qu’exerçait traditionnellement l’Eglise au Québec, notamment dans le secteur de l’éducation, de la santé, des affaires sociales), s’est opérée graduellement une forte laïcisation de la société. On a assisté à la mise en place d’une véritable séparation entre l’Eglise catholique et l’Etat.
Le Québec compte encore aujourd’hui quelque 4’000 bâtiments cultuels et ensembles institutionnels à vocation religieuse et sociale. Parmi ceux-ci, environ 2’800 lieux de culte, toutes traditions religieuses confondues. A ce patrimoine bâti s’ajoute une quantité impressionnante de biens mobiliers et d’œuvres d’art: tableaux, sculptures, pièces d’orfèvrerie, orgues, vitraux, vêtements liturgiques, sans parler d’importantes archives religieuses. La valeur exceptionnelle de cet héritage et la place particulière qu’il occupe dans l’histoire du Québec sont avérées. Il suffit de voir le nombre de biens à caractère religieux protégés en vertu de la Loi sur les biens culturels.
Inventaire de lieux de culte sur internet
La survie du patrimoine bâti religieux au Québec est un sujet d’actualité qui implique des enjeux de financement pour la protection, la réfection ou la reconversion des lieux de culte de plus en plus désertés. Le site internet www.lieuxdeculte.qc.ca est une riche source de référence pour les personnes intéressées à ce patrimoine. Conçu sous la direction de la Fondation du patrimoine religieux du Québec en collaboration avec le ministère de la Culture et des Communications et le Fonds Jeunesse Québec, le site présente les fiches descriptives et photos de lieux de culte (églises, chapelles, oratoire, sanctuaires…) de différentes traditions religieuses partout au Québec, érigés avant 1975. Un inventaire de 2’751 édifices cultuels a été réalisé dans le cadre de ce projet qui détaille les spécificités des lieux de culte québécois. (apic/rvm/com/be)