Le foyer des Dents-du-Midi est depuis 45 ans un «poumon spirituel»
Bex, 25.08.2015 (cath.ch-apic) Le Foyer de Charité des Dents-du-Midi, dans le canton de Vaud, va fêter, le 6 septembre 2015, ses 45 ans d’existence. Le Père Jean-René Fracheboud, animateur spirituel du foyer confie à cath.ch sa vision de l’évangélisation. Cet «éveilleur de vie dans l’Esprit» revient sur 27 ans passés au foyer de Bex. Il évoque aussi l’avenir de ce «poumon spirituel» comme l’appelait Mgr Henri Schwery.
Un hôtel devenu Foyer de Charité
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Quelle est la mission du foyer?
L’évangélisation. Nous sommes en consonance avec l’Eglise d’aujourd’hui qui parle beaucoup d’évangélisation. Marthe Robin (la fondatrice des Foyers de Charité, ndlr) disait que nous sommes tous appelés à quelque chose d’immense, à la radicalité de l’amour, qui que nous soyons. Il n’y a pas d’un côté les religieux qui seraient les élus et de l’autre, ceux qui restent dans le monde. Une vision bien minimaliste. Pour être un baptisé crédible, il faut former et renouveler sa foi. Et nous sommes au service de cette vitalité chrétienne.
Comment définissez-vous votre mission?
J’aime bien le mot «éveilleur». Je suis un éveilleur de vie spirituelle, de vie dans l’Esprit en lien avec le Christ.
Vous dites que vous évangélisez ceux qui viennent effectuer une retraite. Vous vous trouvez aux «périphéries existentielles» évoquées par le pape François?
Oui, «allez vers les périphéries» a enseigné le pape. Nous ne nous rendons pas concrètement aux périphéries mais j’ai le sentiment d’accueillir beaucoup de périphéries. Nous ne recevons pas que des pratiquants réguliers. Parmi les retraitants se trouvent des hommes et des femmes de tous horizons sociaux, professionnels, culturels, des gens blessés par la vie ou qui s’étaient éloignés de l’Eglise. Nous essayons de former des missionnaires de l’Evangile, en espérant que ceux qui partent du foyer iront à leur tour porter cette bonne nouvelle.
Au bout de 45 ans, le foyer a-t-il atteint son but?
Je ne sais pas si nous avons atteint notre but mais je trouve qu’il s’est passé de belles choses dans cette maison depuis 45 ans. Notre mission ne s’arrête jamais. Mgr Schwery, évêque émérite de Sion, disait que le foyer est un poumon spirituel du diocèse qui aide à respirer en profondeur. La fréquentation n’a cessé d’augmenter depuis l’ouverture du foyer. On suit une pente ascendante, lente mais continuelle. Chaque année, il y a plus de monde.
Justement, n’est-ce pas paradoxal, alors que les fidèles désertent les églises ?
Non, cela correspond à une recherche de spiritualité. D’un côté, il y a l’Eglise institution qui ne fait plus tellement signe, et de l’autre des gens qui sont en demande forte de spiritualité. Les gens trouvent au Foyer une source. Nous recevons beaucoup de gens secoués par l’existence: divorces, chômage, drames personnels.
L’Eglise propose aussi une spiritualité et l’Evangile. En quoi la spiritualité des foyer est-elle différente?
Les paroisses ne sont plus senties comme des lieux source. On est pris dans un christianisme un peu ronronnant. Les paroisses ont peut-être de la peine à offrir un approfondissement spirituel que l’on trouve d’avantage dans des lieux source tels que les monastères, les couvents ou les foyers. Nous proposons un retour à l’Evangile. On trouve dans les foyers la parole de Dieu comme une parole qui éclaire et qui fait vivre. On a été très ritualisés, très moralisés mais pas assez évangélisés. C’est la chance de nos maisons de pouvoir offrir l’Evangile. Pour cette rencontre personnelle avec le Christ, il faut pouvoir prendre du recul et disposer d’un lieu de paix, des conditions que l’on ne trouve sans doute pas dans les paroisses.
Les personnes qui viennent en retraite ont-elles un profil type?
On trouve deux grandes catégories: Les gens engagés en Eglise, laïcs ou consacrés et les pratiquants engagés qui viennent se ressourcer. Ce premier groupe a diminué. La deuxième catégorie est constituée des gens qui reviennent du désert spirituel, qui avaient pris leurs distances avec l’Eglise ainsi que des personnes qui se situent en dehors des cercles de l’Eglise. Ils cherchent une source, une force. Nous les appelons les «recommençants». Cette catégorie augmente. Un tiers des retraitants revient et deux tiers viennent pour la première fois. Il y a une force de renouvellement. Nous recevons également beaucoup de couples et des familles, car c’est une spécificité de la maison.
Pour quelles raisons viennent-ils?
Il sont avant tout en quête de sens à donner à leur vie. Ils ont soif de spiritualité, et cherchent à approfondir leur vie, loin du le métro-boulot-dodo.
Votre mission est-elle difficile?
Il est parfois difficile d’être à la hauteur des attentes de personnes qui espèrent beaucoup de la retraite qu’ils viennent effectuer au foyer, parfois trop. Le défi de la variété est difficile à relever. Comment avoir une parole qui puisse rejoindre les réalités de vies de cinquante personnes, qui ont entre vingt et quatre-vingt cinq ans ? Comme des couples, des célibataires, des veufs ou veuves. Cela peut me crisper parfois. En même temps, je constate que l’animateur d’une retraite n’est pas le prédicateur, c’est le Christ qui tient ce rôle. Je suis au service d’un projet qui me dépasse. Le Seigneur touche les cœurs. A chaque retraite, je touche du doigt l’œuvre de Dieu dans les cœurs. Des gens quittent le foyer avec la certitude que le chemin est ouvert. Plus en paix, ils ont un regard nouveau sur la vie. Je vois des visages épanouis.
Dans quel état d’esprit sortez-vous d’une semaine de retraite?
Fatigué et heureux. Souvent ébloui par l’action du Seigneur dans les cœurs. Il est très émouvant de toucher du doigt cette capacité du Seigneur à toucher des cœurs. Je suis privilégié de pouvoir toucher du doigt la transformation intérieure au cours d’une retraite. Nous ne faisons rien d’exceptionnel, mais par ce temps consacré, la célébration, et la qualité du dialogue, il se passe parfois des miracles. Je le constate très souvent lors des discussions de fin de retraite, je suis souvent ému par le témoignage des gens qui se sont ouverts. Les visages ne trompent pas.
Vous avez vu des gens renaître à la vie?
Oui, vraiment. J’ai vu des gens arriver à demi morts, quitter le foyer complètement renouvelés. Mais sans euphorie, ils repartent habités, simplement. Je les rencontre plusieurs fois au cours d’une retraite. Ils témoignent de leur évolution, il se confient et expriment volontiers ce qu’ils vivent.
Vous considérez-vous comme un disciple de Marthe Robin?
J’ai toujours un peu peur de la martholâtrie. Elle a été un témoin privilégié du Christ. J’éprouve la grâce de l’intuition qu’elle a eu pour l’Eglise d’aujourd’hui. Elle a été visionnaire. L’idée, en 1936, de créer des Foyers de Charité animés par des laïcs avec un prêtre était visionnaire.
Y a-t-il un réseau des foyers?
Oui. Nous nous rencontrons lors de réunions ou à l’occasion de prédications dans d’autres foyers. Une rencontre est une véritable Pentecôte. Marthe parlait volontiers d’une nouvelle Pentecôt d’amour sur le monde. Un terme qui lui était cher.
Ces réunions sont l’occasion d’un bel aperçu de l’Eglise universelle, cette demande de spiritualité est-elle la même à travers le monde?
L’intuition de base est partout la même. Et puis il y a une adaptation aux réalités qui sont très différentes d’un continent à l’autre, mais la soif spirituelle est universelle même si elle s’exprime différemment. Le dénominateur commun de l’œuvre des Foyers est la prédication des retraites, mais il faut préciser que souvent s’ajoutent aux foyers des oeuvres plus concrète telles que des écoles, comme celle de Châteauneuf-de-Galaure (Rhône-Alpes) qui compte 1’500 élèves. En Afrique, on trouve à côté des foyers des dispensaires. Des œuvres de développement, d’éducation, de soins médicaux et de formation sont très souvent liées aux foyers dans les pays pauvres ou en développement.
D’un point de vue matériel, un foyer est-il difficile à gérer?
Oui, on ne compte pas nos heures. Il y a un investissement important. Financièrement, le foyer tourne grâce aux bénévoles qui s’y investissent beaucoup et à la générosité des gens. Nous recevons des dons qui nous permettent d’entreprendre des gros travaux lorsque c’est nécessaire. Nous arrivons à nous en sortir grâce à une bonne gestion et à un fonctionnement familial dont nous atteignons aujourd’hui peut-être les limites.
Des rumeurs annonçant la fermeture du Foyer ont couru. Qu’en est-il?
Quelques personnes se sont inquiétées de savoir si le foyer allait fermer. Pour l’instant on continue, il n’est pas question de fermer. Anne-Marie (Anne-Marie Gavray, laïque, responsable du Foyer, ndlr) et moi ne serons pas éternels, aussi nous pensons à l’avenir. Nous en discutons, nous devrons trouver un prêtre qui ait la vocation de prédication et des laïcs qui soient prêts à s’engager pour cette mission. Ce n’est pas évident. Nous portons l’avenir du foyer dans la prière.
Encadré
Située à Châteauneuf-de-Galaure (France), l’Oeuvre des Foyers de Charité regroupe et préserve l’unité de communion entre les 75 foyers répartis à travers le monde. Elle dépend du Conseil pontifical pour les laïcs. Un Père responsable, actuellement le Père Bernard Michon, aidé par un conseil composé de laïcs et de prêtres mène la destinée de l’Oeuvre.
Chaque foyer s’attache à suivre le concept de retraite inspiré par Marthe Robin, il fonctionne indépendamment dans son organisation et dans sa gestion et dépend du diocèse où il se trouve. Conformément à l’idée de Marthe Robin, des laïcs consacrés gèrent les foyers avec un prêtre à leur côté.
Tous les quatre ou cinq ans, l’assemblée de l›Oeuvre des Foyers de Charité se réunit pour nommer un successeur au Père responsable et renouveler le conseil. Agendée en juin 2016, la prochaine assemblée coïncidera avec les 80 ans des Foyers et la possible béatification de Marthe Robin, déclarée vénérable par le Vatican en novembre 2014. (apic/bh)