"Grâce à Dieu" de François Ozon raconte le combat des victimes du Père Preynat | capture d'écran
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Le film «Grâce à Dieu» sonne juste

Au-delà de son titre un peu racoleur, le film «Grâce à Dieu» sonne juste, sans fausse note. En racontant l’histoire de la Parole libérée des victimes du prêtre pédophile lyonnais Bernard Preynat, le cinéaste François Ozon décortique avec finesse les ressorts des abus sexuels dans l’Eglise. Il fait œuvre salutaire.

Mise en scène, direction et jeu d’acteur, le récit s’enchaîne très efficacement autour du portrait de trois des victimes du Père Preynat. On pardonnera assez volontiers les quelques clichés, le Noël autour du sapin avec la neige qui tombe derrière la fenêtre, la tenue liturgique du cardinal Barbarin, le rebelle sur sa moto… ou encore quelques longueurs.

François Ozon sait éviter les obstacles et les outrances. Il n’y a pas simplement les salauds et les gentils, mais des hommes et des femmes de chair et d’os avec leurs blessures et leur failles. D’aucuns craignaient un dossier strictement à charge contre l’institution. Le film raconte, sans pathos inutile, le plus souvent avec une grande pudeur, l’histoire des victimes d’abus sexuels, celles du Père Preynat, celles de tous les autres pédophiles.

Un prêtre charismatique

Face à un prêtre charismatique, largement apprécié et reconnu pour ses talents, les victimes sont sidérées, les parents et la hiérarchie restent incrédules devant l’ampleur du mal. Le déni est souvent leur refuge. La réaction, de la famille, de la hiérarchie et même de la communauté n’est clairement pas à la hauteur de la violence subie. Un prétendu pardon est accordé ou demandé, sans vérité ni justice. Il y a largement de quoi briser les personnes.

Les trois principaux protagonistes de l’histoire font chacun à leur manière preuve de résilience. Et chacun est là pour l’autre pour l’empêcher de se murer dans son rôle de victime et lui rappelant qu’il n’est pas tout seul. En face, un appareil d’Eglise qui pèche, non pas tant par orgueil ou par arrogance, mais surtout par naïveté ou négligence. Le film dénonce surtout une fausse conception du pardon et de la miséricorde. Ou comme l’expliquait Mgr Eric de Moulins-Beaufort: «L’autorité n’a pas su – et sans doute pas voulu – examiner davantage les causes profondes de ces actes. Les évêques ou les supérieurs religieux ont donc estimé que la miséricorde les obligeait à faire confiance en la bonne volonté du prêtre coupable, à l’aider à avancer sans l’enfermer dans sa faute».

Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés

A travers le regard des militants de la Parole libérée, le mérite de ce film est qu’il pousse le spectateur à regarder la vérité en face, à renoncer aux faux-fuyants. Il fait comprendre que sans vérité et sans réparation, la demande du Notre Père «pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés» ne peut être qu’une formule creuse.

Suite au tapage politico-médiatico-judiciaire, la dernière séquence du film rappelle la présomption d’innocence pour le Père Preynat et les autres protagonistes de l’affaire. Ces quelques mots du pape François à la curie romaine le 22 décembre 2018 mériteraient aussi de figurer au générique: «Je voudrais plutôt remercier vivement les professionnels des médias qui ont été honnêtes et objectifs et qui ont cherché à démasquer ces loups et à donner la parole aux victimes. Même s’il s’agissait d’un seul cas d’abus – qui représente déjà en soi une monstruosité – l’Église demanderait de ne pas le taire et de le porter objectivement à la lumière, car le plus grand scandale en cette matière, c’est de couvrir la vérité.» (cath.ch/mp)

«Grâce à Dieu» de François Ozon raconte le combat des victimes du Père Preynat | capture d'écran
20 février 2019 | 17:58
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 2  min.
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