Le Festival des soupes, un incontournable des nuits fribourgeoises
Dans le froid brouillard d’une nuit fribourgeoise de décembre, une lueur tremblote et des flons-flons s’égayent du kiosque à musique de la place Georges Python. Comme chaque année depuis 18 ans, l’édifice, enturbanné de grandes bâches en plastique, abrite le Festival des soupes.
En franchissant la porte, on pénètre dans une ambiance surchauffée par les effluves de soupe et de vin chaud, les conversations animées, et la musique qu’un groupe de jeunes débite d’une minuscule estrade.
Redonner de la chaleur humaine
«Lorsque nous avons créé la manifestation il y a 18 ans, nous ne voulions pas faire une simple soupe populaire pour donner à manger aux plus démunis», explique Eric Müllener. Le directeur de La Tuile (centre d’accueil de nuit et de réinsertion fribourgeois NDLR) «Nous avons voulu une fête populaire pour mélanger les populations. Et cela tient depuis.» La soupe est servie ainsi tous les soirs dans le kiosque à musique du 8 au 25 décembre, accompagnée de petits concerts de groupes locaux. «Durant la période de l’Avent propice aux illuminations, aux fêtes et à la surconsommation, les sentiments des plus fragiles sont exacerbés. Le Festival veut leur redonner cette chaleur humaine qui leur manque.»
Un incontournable de décembre
«Le Festival des soupes, un incontournable de décembre pour tous», a écrit Alain, à la date du 8 décembre, dans le grand livre d’or. Cet Alain n’est pas si anonyme puisqu’il s’agit du président de la Confédération Alain Berset. Le Fribourgeois, qui fut pianiste de bar dans une autre vie, est venu en voisin de Belfaux.
«En été, on est à la buvette de la Motta, (la piscine en plein air de Fribourg NDLR), en hiver, on vient au Festival des soupes!» rigolent Coco et Chantal. «Nous venons pour la convivialité et le mélange. On peut manger la soupe et rester à sa guise, c’est sympa.» «Après les années covid, c’est chouette. Je mettrai aussi quelque chose dans la cagnotte pour La Tuile, c’est un geste social», complète Chantal. ” Je ne veux rien dire» bougonne leur voisin de gauche un homme âgé qui dit ne pas trop aimer les journalistes. A droite, avec un accent alémanique, Thomas se présente: «J’ai 45 ans et je vis seul. Le soir, je m’ennuie alors je viens au Festival pour retrouver des gens.» C’est un habitué qui a vécu pratiquement toutes les éditions.
Lentilles jaunes et carottes
Hélène autrefois très engagée dans le social, ancienne coopérante au Tchad, aujourd’hui âgée, vient aussi pour la compagnie. «Suite à un malaise, j’ai eu un grave accident de voiture et je ne conduis plus. Je ne peux plus me déplacer aussi facilement, mais j’aime voir du monde.»
Dans le chaudron de cuivre suspendu à une potence, la soupe jaune mijote doucement. Cent-vingt litres de potage libanais à base de lentilles jaunes et de carottes, assaisonné de coriandre. Les bols fumants passent de mains en mains et de table en table. Quelques jeunes bénévoles aident au service. La musique reprend ses droits, les conversations s’estompent. De ‘l’étable’, une petite mezanine qui leur est réservée, quatre enfants guignent vers les musiciens.
L’argent c’est le diable
«On dit que les jeunes deviennent toujours plus égoïstes. Je ne suis pas d’accord. Il sont capables de beaucoup de solidarité», commente Eric Müllener. Cette solidarité de quelque 450 bénévoles pour trois semaines permet à la manifestation de se maintenir. «Nous n’avons jamais voulu grandir, ni entrer dans quelque chose de commercial, l’argent c’est le diable, ce serait la mort du Festival. Nous veillons seulement à ne pas faire de déficit.» Ce qui est possible grâce à l’aide de quelque sponsors et fournisseurs et à la tirelire qui recueille les dons. La contribution directe de la Tuile se limite la présence d’un responsable chaque soir pour coordonner les choses et veiller à ce que tout se passe bien.
«A part l’interdiction de l’alcool, sauf le vin chaud, il n’y a pas de règles», se réjouit Eric Müllener qui ne garde pas le souvenir d’incidents sérieux au cours des 18 éditions.
Place au papotage
Cette année pour la première fois, une grand roulotte de chantier, joliment baptisée ›papotage’ a été installée à côté du kiosque. Les personnes qui souhaitent manger au calme ou discuter tranquillement dans une ambiance cosy, peuvent y venir. A table, Nancy, une Américaine de l’Oklaoma, établie à Fribourg depuis des décennies, y a retrouvé une amie anglophone. Sur le canapé trois jeunes Erythréens discutent avec des étudiants. La lumière des bougies scintille sur les tables et dans les yeux des visiteurs. (cath.ch/mp)