Le diocèse de Lyon indemnise quatorze victimes de Bernard Preynat
C’est une première pour l’Eglise catholique de France, quatorze victimes de l’ancien prêtre Bernard Preynat – condamné en mars 2020 à cinq ans de prison ferme pour agressions sexuelles sur mineurs, et insolvable – ont été indemnisées par un fonds exceptionnel du diocèse de Lyon.
Selon une information dévoilée le 19 février 2021 par l’Agence France Presse, les quatorze personnes, «dont les faits étaient prescrits et qui ne pouvaient donc pas saisir le tribunal judiciaire, ont obtenu une indemnisation de l’Eglise qui leur a été versée en décembre», selon un porte-parole du diocèse de Lyon. Sept autres, pour qui les faits ne sont pas prescrits, attendent de l’être aussi.
Les sommes allouées proviennent d’une enveloppe globale de 169’500 euros (183’864 francs suisses) récoltée en quelques mois auprès de «donateurs ciblés» via une association dédiée, selon la même source. L’initiative lyonnaise est intervenue alors que l’épiscopat avait voté, à l’automne 2019, le principe d’un fonds spécifique pour les victimes d’agressions sexuelles.
Ce fonds a été abondé «uniquement à hauteur des montants demandés par le Tribunal ecclésiastique», précise-t-elle encore. Contacté par La Croix, le diocèse n’a pas souhaité, à ce stade, apporter de précisions supplémentaires sur l’alimentation de ce fonds, qui avait suscité la controverse dans les rangs des victimes et des fidèles au moment de l’annonce de sa création, au printemps dernier.
«Demande de réparation»
Cette décision avait été prise après la reconnaissance, par le tribunal interdiocésain lyonnais, du statut de «victime» de 21 anciens scouts agressés par Bernard Preynat entre 1971 et 1991, ayant adressé «une demande de réparation» à l’archevêché. Sept d’entre eux, pour lesquels les agressions n’étaient pas prescrites, n’ont pas encore été indemnisées, car il fallait attendre pour cela la fin du processus judiciaire engagé contre l’ancien prêtre.
«Le tribunal ecclésiastique attendait que la sentence pénale concernant Bernard Preynat soit rendue exécutoire, c’est-à-dire que tous les appels soient tombés, ce qui est le cas désormais, pour pouvoir examiner la question des victimes qui n’étaient pas prescrites et qui sont dans les deux jugements, le jugement civil et le jugement ecclésiastique», a précisé le diocèse.
Une réunion est prévue à cet effet «dans les prochaines semaines», mais il est «improbable qu’il soit permis d’accorder aux sept victimes non prescrites une indemnité supplémentaire à celle obtenue auprès de la justice civile», poursuit cette source. «Il ne peut en effet pas y avoir de double juridiction, sur un même délit ou un même crime. Et la justice civile prime sur celle de l’Eglise», rappelle auprès du quotidien La Croix un porte-parole du diocèse.
«Geste cohérent»
«Que l’Eglise tienne ses engagements de reconnaissance et de réparation jusqu’au bout. Pour toutes les victimes. On est dans l’attente d’un geste cohérent et digne pour tourner la page définitivement», a espéré Pierre-Emmanuel Germain-Thill, partie civile au procès Preynat. Interrogé par La Croix, le diocèse n’a pas souhaité réagir à ces propos.
En juin dernier, François Devaux, le président de l’association de victimes La Parole libérée, avait estimé que l’Eglise «[jouait] sur des bonnes valeurs qu’elle ne s’applique pas» et faisait preuve de «désinvolture» en s’appuyant à la fois sur Bernard Preynat et sur le public pour satisfaire, via ce mécanisme d’indemnisation, la «demande de réparation» des victimes.
L’initiative lyonnaise est intervenue alors que l’épiscopat avait voté, à l’automne 2019, le principe d’un fonds spécifique pour les victimes d’agressions sexuelles. Mais sa mise en œuvre n’a pas encore été actée.(cath.ch/lcx/mt/cp)