Marc de Pothuau: Le désert restaure le désir
«J’ai découvert ma vocation pendant une ‘traversée du désert’, qu’exprime bien le mot grec «peirasmos», que l’on traduit par épreuve, expérience ou tentation. J’avais 20 ans, j’étais perdu, car je me disais que je n’arriverais pas là où je voulais aller», confie l’Abbé d’Hauterive, Dom Marc de Pothuau.
De fait, fidèle à la tradition familiale, né dans un milieu où tous les hommes sont des militaires, le jeune Français voulait tout simplement entrer à l’Ecole militaire de Saint-Cyr, «la plus petite des grandes écoles» napoléoniennes. «Je n’avais pas réussi le concours d’entrée. C’était un échec, je n’atteignais pas mon but. C’est alors que j’ai commencé peu à peu à réfléchir à autre chose qu’à mon projet, à écouter ce que Dieu voulait pour moi».
Le ‘désert’, c’est le lieu de la conversion
Certes, admet Marc de Pothuau, l’échec n’était pas facile à avaler, et le fait de vouloir devenir moine n’était pas évident à faire accepter par sa famille, surtout que finalement il l’avait réussi, ce concours! Mais pour le jeune homme, cette expérience de devoir lâcher son projet pour commencer à suivre la volonté d’un Autre, cette ‘traversée du désert’, était un chemin libérateur, un chemin d’humilité, de confiance et de paix.
«L’épreuve de l’échec, les moments de doute, m’ont permis de faire l’expérience de la douce présence de Dieu. Ainsi, c’est par le désert que passe le peuple hébreu pour être libéré de toutes ses idoles. C’est l’endroit où il apprend à écouter la voix de Dieu qui lui parle dans le silence».
Le moine est séparé de tous pour être uni à tous
Marc de Pothuau vit alors un cheminement analogue, celui de tout moine, et apprend peu à peu à ne plus faire de discours sur lui-même, à vivre jour après jour, «pour commencer à recevoir la Vie, et non plus à vouloir la construire, à l’accueillir au lieu de la planifier». Ce ‘désert’, c’est le lieu de la conversion. «J’arrête à ce moment-là de courir après mes convoitises, je me retourne intérieurement vers Celui qui m’habite et me donne la Vie. Dans le désert, je découvre mon intériorité».
«Le désert, c’est le lieu de la soif, c’est là que je retrouve la vérité de mon désir, ma soif de Dieu, ma soif de vie, Dieu lui-même qui a soif de moi, soif en moi. Le désert restaure le désir. On peut le rencontrer partout, mais la solitude n’est pas l’isolement – pour moi, l’isolement, c’est l’enfer! – mais c’est le lieu où l’on arrive à être seul avec soi-même. Le moine est séparé de tous pour être uni à tous, disaient les premiers moines».
Pour Dom Marc de Pothuau, le moine est celui qui veut vivre la conversion, l’expérience du désert. «Je suis en chemin, car le but n’est pas encore atteint, mais Celui qui m’aime m’accompagne déjà de sa joie!»
Tenir la place du Christ au milieu de ses frères
Dom Marc de Pothuau a été élu par sa communauté le 14 septembre 2010 comme 60ème Abbé de l’Abbaye cistercienne d’Hauterive, située dans le village de Posieux, à 7 km de Fribourg. Il succédait à Dom Mauro Lepori, élu Abbé général de l’Ordre Cistercien à Rome. Sa bénédiction abbatiale s’est déroulée le 13 novembre suivant.
Originaire du Limousin, au centre de la France, il est né en 1970. Entré à l’Abbaye cistercienne d’Hauterive en 1995, il a émis ses premiers vœux monastiques en 1997 et fait sa profession solennelle en 2000. Après des études de théologie à l’Université de Fribourg, il a été ordonné prêtre en 2007. Au moment de son élection, il occupait la charge de maître des novices et de sous-hôtelier. Il est ainsi, depuis 7 ans et demi, investi de la mission que saint Benoît réserve à l’Abbé: «tenir la place du Christ» au milieu de ses frères (Règle, chapitre 2), en charge de ce monastère fondé par Guillaume de Glâne au XIIe siècle sur les bords de la Sarine et qui compte actuellement près d’une vingtaine de moines, d’origine suisse ou étrangère. (cath.ch/be)