Le Conseil des Etats soutient-il l'impunité des multinationales?
Les multinationales basées en Suisse pourront-elles continuer en toute impunité à violer les droits humains et à nuire à l’environnement? Le Conseil des Etats a voté le 20 février 2019 une version du contre-projet à l’initiative «Pour des multinationales responsables» jugée complaisante envers les entreprises par les initiants.
La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats s’est opposée par 7 voix contre 5, à l’initiative «Pour des multinationales responsables». Elle a par contre adopté par 6 voix contre 4 et 3 abstentions, le contre-projet élaboré par le Conseil national, mais après l’avoir remanié.
L’initiative «Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement», lancée en 2016, est portée par une coalition de 110 organisations de la société civile, dont les organes compétents des Eglises protestantes et catholique romaine de Suisse. Elle demande que les multinationales ayant leur siège en Suisse soient tenues de respecter les droits humains et les normes environnementales, également à l’étranger. Les entreprises, ainsi que leurs filiales manquant à ce devoir, devraient répondre des dommages causés.
Une petite clause pour de grands effets
Or le remaniement proposé par le Conseil des Etats équivaut, selon les initiants, à ôter au texte toute efficacité. La Commission propose en effet une «clause de subsidiarité» qui contraindrait toute victime des agissements des multinationales à faire valoir devant un tribunal suisse qu’une procédure conforme à l’État de droit n’est pas possible dans son pays d’origine. Cette clause est problématique, «car elle entraînerait des procédures interminables et imprévisibles à propos de la compétence d’un autre tribunal», explique le comité d’initiative dans un communiqué. Elle créerait ainsi un risque important de voir le dommage se retrouver prescrit. «Le but véritable visant à renforcer la protection des droits humains et de l’environnement manque ainsi sa cible à cause de cet affaiblissement», notent les initiants.
Initiative soumise au peuple?
«Les règles contre les violations des droits humains commises par les multinationales ne fonctionnent que si leur non-respect a aussi des conséquences», affirme dans le communiqué le politicien Dick Marty (PLR, TI) co-président du comité d’initiative. Il avertit que si le Conseil des États ne corrige pas le projet, une votation populaire sur l’initiative sera nécessaire.
Suite au lancement de l’initiative, la première réaction des autorités fédérales avait été de ne pas soumettre de contre-projet au peuple. Mais le Conseil national en avait finalement adopté un le 14 juin 2018, dans le cadre de la révision de la loi sur les sociétés anonymes. Au regard de son contenu initial, le comité n’avait pas exclu le retrait du texte. Un son de cloche qui a donc changé. D’après le quotidien romand Le Temps, la conseillère nationale vert’libérale vaudoise Isabelle Chevalley prône néanmoins la poursuite du dialogue entre les promoteurs de l’initiative, Economiesuisse et les responsables politiques. Elle plaide pour un contre-projet acceptable et qui offrirait une sécurité juridique aux multinationales. (cath.ch/com/lt/rz)