Le Christ sauve-t-il les extraterrestres?
Y a-t-il de la vie ailleurs que sur la terre, et si oui, qu’est-ce que cela implique pour la théologie chrétienne? Telle a été l’une des questions posées lors de la conférence qui a réuni l’astrophysicien suisse Michel Mayor et le théologien français Thierry Magnin, le 24 février 2020, à l’Université de Lausanne.
Un grain de poussière dans l’univers. Tel est le statut de l’humanité, que Michel Mayor a rappelé au début de la conférence, aux quelques centaines de personnes rassemblées à l’Université de Lausanne, qui a invité le public à l’événement. L’audience a écouté le récent Prix Nobel de physique faire le point, avec simplicité et humour, sur les connaissances actuelles concernant la possibilité d’une vie extraterrestre.
Découvreur des planètes extrasolaires
Le scientifique vaudois sait de quoi il parle. Il a été le premier, avec le Genevois Didier Queloz, a découvrir une exoplanète, une planète située en dehors de notre système solaire. Une avancée qui a bien sûr augmenté la probabilité de l’existence d’une vie ailleurs que sur la terre. Depuis la découverte de la première planète extrasolaire, en 1995, près de 4’200 autres ont été détectées. Sur ce total, 156 sont probablement telluriques avec peut-être une atmosphère, des conditions favorables au développement de la vie.
Lorsqu’on sait que notre galaxie, la Voie lactée, compte 100 milliards d’étoiles, les possibilités de l’apparition de la vie sont gigantesques. Ce qui ne signifie pas forcément que la vie est «un impératif» de l’univers. Seule l’observation permettrait de parvenir à cette conclusion, a souligné Michel Mayor.
Pas de voyage vers Orion
Une option qui se concrétisera peut-être durant les prochaines générations, espère l’astrophysicien. La découverte de la vie pourrait ainsi se faire dans le système solaire, par exemple par des prélèvements dans les failles de la planète mars, ou encore dans l’eau qui suinte de la banquise d’Europa, un satellite de Jupiter.
Pour les exoplanètes, la technologie n’est pas encore prête, mais il sera certainement possible, par le biais de diverses méthodes d’observation, de détecter un jour une éventuelle présence de vie sur des astres de ce type. Il faut par contre oublier l’envoi d’une sonde et encore plus d’un voyage habité vers ces destinations. Même s’il était un jour réalisable de voyager à la vitesse de la lumière, ce qui est très improbable, les distances sont beaucoup trop grandes.
Pour Michel Mayor, il n’est donc pas impossible qu’un jour pas si lointain, l’homme soit en mesure de confirmer que la vie existe ailleurs dans l’univers que sur sa planète.
Le Christ cosmique
Une découverte qui impliquerait de profondes question philosophiques et théologiques, a souligné Thierry Magnin. Principalement, si d’autres êtres conscients existent dans l’univers, bénéficient-ils du Salut offert par le Christ? Et sont-ils faits à l’image de Dieu, à l’instar de l’être humain?
L’interrogation sur la pluralité des mondes se pose depuis très longtemps dans la pensée chrétienne, a relevé l’ancien recteur de l’Université catholique de Lyon (UCLy). Le père de l’Eglise, Origène (185-253), a été le premier à la théoriser. Ensuite de nombreux penseurs ont donné à cette question, à travers les époques, des réponses opposées.
Thierry Magnin s’est arrêté en particulier sur les idées de Pierre Theilhard de Chardin. Pour le théologien français, lui-même physicien, la pensée du jésuite paléontologue permettent d’aborder au mieux ces questions complexes.
Sa vision d’un univers en constante évolution est en la matière particulièrement pertinente. Pour le théologien français, décédé en 1955, le «phénomène humain» doit être pensé comme constituant — à un moment donné — une étape de l’évolution qui conduit à l’avènement de la figure dite du «Christ cosmique». C’est dans cette dimension «cosmologique» du Christ, et non pas sa stricte dimension humaine, que pourrait se comprendre l’inclusion des extraterrestres dans le Salut de la Résurrection et dans leur statut d’êtres créés à l’image de Dieu.
Pour Teilhard de Chardin, l’homme, point insignifiant de l’univers, géographiquement parlant, est cependant un élément central du cosmos, sur le plan de sa destinée.
Thierry Magnin a relevé finalement le statut «d’incomplétude» qui caractérise non seulement la théologie, mais bien aussi les sciences dites «dures». Un état de fait que pas tous les scientifiques sont capables d’accepter. Mais une réalité qui permet à l’astrophysicien comme au théologien de se rejoindre dans la grande quête humaine pour la vérité. (cath.ch/rz)