«Le Christ, ce rebelle dressé contre toutes les injustices»

Bienne: Le «curé des loubards», Guy Gilbert, a fait son show

Bienne, 25 mars 2012 (Apic) Le Père Guy Gilbert, le «curé des loubards», a fait salle comble le 24 mars 2012, à la Maison Calvin à Bienne. Lors d’une conférence publique, le prêtre français a évoqué avec sensibilité et humour son parcours de vie et le sens de sa mission en faveur des gosses de la rue.

«Soyez les combattants de l’amour et de la justice!», a lancé le Père Guy Gilbert à l’assemblée. C’est un Père Gilbert en grande forme – il se rit de ses 77 ans – qui a littéralement hypnotisé plusieurs centaines de personnes, le 24 mars au soir à la Maison Calvin de Bienne, lors d’une conférence publique organisée par l’association évangélique «Rue à Cœur». Celle-ci œuvre en faveur des marginaux de la capitale seelandaise.

Vêtu de son inséparable blouson noir piqueté de badges de motards, longs cheveux gris à la Léo Ferré, installé sur une chaise au milieu d’une scène au décor dépouillé, le «curé des loubards» a fait vibrer, en véritable show man, toute la gamme des sentiments dans un auditoire conquis par le charisme du personnage et son aura médiatique.

Il y a eu l’émotion, au moment de narrer son expérience de vicaire dans l’Algérie des années 60 et sa décision de se consacrer aux jeunes des rues parisiennes, délinquants, drogués ou récidivistes. «Personne n’est perdu, personne n’est irrécupérable», a-t-il souligné. Il y a eu l’effroi, lors de l’évocation du meurtrier fanatisé de Montauban et de Toulouse. «Comment peut-on tuer au nom de Dieu? Il s’agit là de la pire des folies!» Il y a eu le respect, quand il a parlé de sa famille, et notamment de sa mère. «Le souvenir le plus lumineux de ma vie, c’est la tendresse de maman.»

Happés par la société de consommation

Au sommet de ce riche parcours de vie, qu’il décrit avec son langage simple et populaire, entrecoupé de délicieuses piques humoristiques, trône une certitude que Guy Gilbert martèle avec une puissance assourdissante: «L’amour vainc tout. Absolument tout!»

Cet amour dont il a joui en abondance au sein du cocon familial, à Rochefort-sur-Mer, dans l’ouest de la France, le religieux le transmet aux jeunes en perdition. Il les héberge à la Bergerie de Faucon, un lieu d’accueil et de réinsertion ouvert en Provence il y a près de quarante ans. «Les jeunes ont un immense besoin d’être écoutés. Et ils ont également besoin d’adultes référents, d’amour parental», a expliqué le Père Gilbert.

Il a cependant brossé un tableau très noir d’une société malade de la métastase du divorce et d’une éducation en lambeaux. «En France, comme partout ailleurs, le respect des anciens et des parents a disparu. Des enfants de 3 ans s’expriment avec des termes orduriers. Qui sont les coupables? Les parents, vous l’aurez deviné…» Et de poursuivre: «Nous vivons dans un monde dénaturé où des adolescents peuvent accéder d’un simple clic à des sites pornographiques ou pédophiles. Nous ne maîtrisons plus notre civilisation et ses coups d’accélérateur technologiques.»

Le diagnostic de l’éducateur spécialisé est sans appel: «Les jeunes d’aujourd’hui sont attirés par l’argent, par la puissance. Ils sont happés par la société de consommation.»

«Le péché est dans l’Eglise»

Pour sortir de ce cercle infernal, l’»aumônier des loubards» ne voit qu’une seule issue. «Plus que jamais, la transmission des valeurs morales est d’une importance capitale. En matière de sexualité, par exemple, il s’agit de faire comprendre aux jeunes que le cœur est plus beau que le sexe, tout en affirmant que le cœur et le sexe sont magnifiquement beaux.»

Même s’il est révolté dans l’âme – «Je trouve fascinante la personne du Christ, ce rebelle dressé contre toutes les injustices» –, Guy Gilbert continue de mener son combat à l’intérieur de l’Eglise catholique romaine, en restant fidèle à l’orthodoxie comme le célibat des prêtres ou la condamnation de l’avortement. «J’aime l’Eglise, mais je n’aime pas les dérapages de l’Eglise. A mes yeux, le silence de l’institution sur les cas de pédophilie a été dramatique.» Et de citer les propos de Benoît XVI qui réagissait à l’indignation d’un cardinal qualifiant de «honteuses» les révélations de la presse: «La honte, c’est ce que les prêtres ont fait. Le péché est dans l’Eglise.»

A un prêtre orthodoxe présent dans la salle qui lui a demandé, un brin provocateur, s’il n’est que la bonne conscience d’un catholicisme romain qui traîne nombre de casseroles, le «curé des loubards» a eu ces morts très forts: «Je me fous d’être l’alibi de l’Eglise. Ce qui m’intéresse, c’est d’être l’alibi du Christ et de l’Evangile!»

Encadré

Guy Gilbert dans le canton de Neuchâtel

Après Bienne, Guy Gilbert sera de passage dans le canton de Neuchâtel. Invité par l’aumônerie des prisons, le prêtre français effectuera une visite dans les établissements pénitentiaires de La Chaux-de-Fonds et de Gorgier. Sous la houlette des paroisses catholiques des Montagnes neuchâteloises, le «curé des loubards» donnera une conférence publique le vendredi 30 mars 2012, à 20 h à la salle de Notre-Dame de la Paix à La Chaux-de-Fonds. Elle portera sur le thème: «La violence des jeunes, pourquoi?». Guy Gilbert participera également à la messe du samedi 31 mars, à 18 h en l’église du Sacré-Cœur à La Chaux-de-Fonds. Le même jour et dans la même ville, il dédicacera ses nombreux ouvrages à la librairie Payot, entre 10 h 30 et 12 h. (apic/eda/nd)

25 mars 2012 | 11:56
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
Bienne (30), Guy Gilbert (7), Neuchâtel (107)
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