Le Centre Teilhard de Chardin invite à penser avec les sciences
Un nouvel espace de dialogue entre sciences, technologie et spiritualité sera inauguré en France le 2 juin 2023: le Centre Teilhard de Chardin. Il vise à soutenir les scientifiques et les étudiants dans leur recherche de sens et d’éthique. Une attention particulière est portée aux questions environnementales.
Porté par la Compagnie de Jésus et quatre diocèses (Evry Corbeil-Essonnes, Paris, Nanterre, Versailles), le Centre est érigé sur le plateau de Saclay, dans l’Essonne. Il porte le nom du jésuite scientifique Teilhard de Chardin (1881-1951). Géologue et paléontologue, celui-ci concilia (sans les confondre) observations scientifiques et réflexion théologique sur l’activité créatrice de Dieu. Il développa ainsi une vision originale de l’évolution du monde, dans laquelle l’humanité converge vers une union totale avec le Christ cosmique.
«Tout est lié»
Inspiré par ses écrits, le Centre Teilhard de Chardin (CTdC) se donne pour tâche d’explorer les questions spirituelles liées au développement des sciences et des technologies, et les dynamiques qui œuvrent dans le monde dans le sens d’une unification progressive.
«Le questionnement scientifique est une des axes majeurs de notre société et en même temps un lieu de tension. Il nous semble important que l’Église et la Compagnie de Jésus, chez qui il existe une tradition scientifique, poursuive son dialogue avec ce monde», explique le Père jésuite Dominique Degoul, directeur du Centre.
«Teilhard de Chardin a porté sur les sciences une vision globale», précise de son côté le Père François Boëdec, provincial de la Compagnie de Jésus d’Europe occidentale francophone. «De la même façon le CTdC embrassera les problématiques scientifiques, sociétales et environnementales dans une vision chrétienne.» «Tout est lié», selon l’expression du pape François dans Laudato Si’.
Un conseil scientifique de pointe
La composition du conseil scientifique du CTdC témoigne de cette intention. On y trouve des théologiens et des philosophes francophones, ainsi que des personnalités reconnues du monde scientifique et de l’entreprise: Dominique Lambert, docteur en physique et en philosophie, Éric Charmetant sj, professeur de philosophie au Centre Sèvres de Paris, Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences, le Père Thierry Magnin, docteur en sciences physiques et en théologie, Inès Safi, chercheuse en physique des solides du CNRS et membre de la Fondation de l’Islam de France, et Philippe Trouchaud, expert reconnu en cybersécurité et cyber-intelligence.
Ce conseil scientifique «vient donner une clé de voûte à des groupes de réflexion existant depuis plusieurs années et qui travaillaient sur les questions de l’intelligence artificielle, du monde de l’entreprise ou de l’écologie intégrale», explique Dominique Degoul sj.
L’écologie intégrale, une préoccupation centrale
Comme le remarque le directeur du centre, on ne peut pas rattacher directement les préoccupations environnementales à Teilhard. «La question écologique nous a sauté au visage 30 ans après sa mort. Mais certains aspects de sa pensée sont tout à fait aidants, en particulier sa vision systémique. Teilhard est un penseur du tout, et comme l’écologie est elle-même une question globale, ses réflexions peuvent nous aider à réfléchir sur tous les niveaux à la fois.»
Durant cinq ans, un groupe rattaché au futur Centre a ainsi visité les questions écologiques à la lumière d’autres enjeux, tels l’énergie, l’éducation, l’alimentation, etc. Ils en ont tiré un ouvrage, Vivre en écosystème étendu (Médiaspaul 2022), qui conceptualise trois niveaux d’écosystèmes et leurs interactions: l’écosystème physique (la terre, la nature, le climat…) et l’activité humaine dans ce cadre, la circulation de l’information et enfin le monde des idéologies et des idées, par exemple l’idée que nous nous faisons de la vie bonne.
«La question de l’environnement est l’un des lieux où les sciences et les technologies sont mises en accusation aujourd’hui. Nous ne pouvons pas effacer 200 ans d’histoire, mais nous pouvons tendre à une plus grande harmonie entre les développements scientifiques et la situation écologique», poursuit le Père Degoul.
Un ancrage chrétien
Ouvert aux autres traditions religieuses, le CTdC affirme néanmoins clairement, dans la charte du conseil scientifique, son ancrage spirituel dans la tradition chrétienne. «Il porte la conviction, dans l’esprit de Gaudium et Spes, que la sagesse biblique et la foi chrétienne elle-même peuvent apporter utilement leur contribution aux questions que se pose l’humanité», peut-on y lire.
Ainsi ce Centre est-il également un lieu de vie spirituelle, de ressourcement et de prière. Ses objectifs rejoignent deux des quatre préférences apostoliques universelles adoptées par la Compagnie de Jésus en 2016: prendre soin de la Maison commune et l’apostolat des jeunes.
L’architecture de cet édifice de 1600 m2, qui abrite une chapelle ainsi que des espaces de conférence, formation ou convivialité, a été pensée pour limiter l’empreinte carbone. «La chapelle, par exemple, est construite sur des armatures en bois, entre lesquelles on trouve un mélange de fibres de chanvre et de chaux. Cela permet une bonne régulation de la température et de limiter notre consommation d’énergie», souligne le Père Degoul. Elle sera consacrée le 4 juin 2023, lors d’une messe célébrée par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, Mgr Michel Pansard, évêque d’Évry, et le Père François Boëdec sj. (cath.ch/lb)