Le cardinal O’Malley veut un usage «prudent» des œuvres du Père Rupnik
Le président de la commission pontificale pour la Protection des mineurs, le cardinal Sean O’Malley, a écrit aux responsables de la Curie romaine pour leur demander d’exercer une «prudence pastorale» concernant l’utilisation des œuvres du Père Marko Rupnik. Le jésuite slovène est en effet accusé d’avoir commis des abus psychologiques et sexuels sur plusieurs femmes par le passé.
Le cardinal américain explique sa décision dans un communiqué envoyé le 28 juin 2024, alors que des dicastères de la Curie romaine utilisent encore dans leur communication des œuvres du prêtre, et que plusieurs lieux catholiques dans le monde se posent la question de retirer ces mosaïques.
«Nous devons éviter d’envoyer un message selon lequel le Saint-Siège serait indifférent à la détresse psychologique dont souffrent tant de personnes», a ainsi confié le cardinal américain dans sa lettre envoyée aux responsables de la Curie romaine le 26 juin dernier. «Ces derniers mois, poursuit le communiqué, des victimes et des survivants d’abus de pouvoir, d’abus spirituels et d’abus sexuels ont contacté la commission pour exprimer leur frustration et leur inquiétude croissantes face à l’utilisation continue des œuvres d’art du Père Marko Rupnik par plusieurs bureaux du Vatican, dont le dicastère pour la Communication».
«Prudence pastorale»
Pour le cardinal, la Curie romaine devrait faire preuve d’une «prudence pastorale», en cessant la diffusion de ces œuvres. Il rappelle en outre qu’une enquête est en cours au dicastère pour la Doctrine de la foi concernant les allégations d’abus concernant le Père Rupnik sur plusieurs femmes, et que ce dernier a été exclu de la Compagnie de Jésus en 2023.
Le cardinal O’Malley, personnalité influente dans l’Église catholique et proche du pape François, sous-entend enfin que ce n’est pas remettre en cause la présomption d’innocence que de formuler cette recommandation prudentielle.
Cette sortie singulière de l’archevêque de Boston intervient quelques jours après des déclarations du préfet du dicastère pour la Communication, Paolo Ruffini, à propos de l’utilisation des mosaïques de Marko Rupnik. Lors d’une conférence de presse aux États-Unis le 21 juin, le préfet italien a dit considérer que retirer les œuvres de l’ancien jésuite n’était pas «une manière de se faire proche des victimes» et qu’il ne s’agissait pas d’une «réponse chrétienne».
Son dicastère, comme d’autres bureaux au Vatican, utilise parfois encore des représentations des mosaïques de Rupnik pour illustrer des sujets sur les réseaux sociaux notamment. La communication du cardinal O’Malley pourrait constituer une de ses dernières prises de parole en tant que président de la commission pour la Protection des mineurs. Le prélat atteindra 80 ans samedi 29 juin et devrait prochainement quitter son mandat à la tête de la commission que le pape lui avait demandé de fonder et qu’il dirige depuis 10 ans. À 80 ans, il ne fera plus partie des cardinaux en charge d’élire le pape en cas de conclave.
La question du retrait des œuvres
La question de retirer ou non les œuvres de l’artiste de 69 ans fait débat dans plusieurs pays puisque Marko Rupnik a connu un succès spectaculaire dans l’Église catholique, de très nombreux évêques ou responsables de sanctuaire ayant fait appel à son atelier romain pour réaliser des œuvres. Jean Paul II lui avait notamment demandé de rénover en 1999 la chapelle Redemptoris Mater dans les appartements pontificaux.
D’entente avec Charles Morerod, évêque de LGF, un groupe diocésain de réflexion sur le Chemin de Joie a vu le jour afin de discerner l’impact de «l’affaire Rupnik» sur le message de ce parcours artistique, informait le Courrier pastoral de septembre 2023 de l’Eglise catholique romaine Genève (ECR). Le Chemin de Joie de Genève est un parcours inauguré en 2019 de 13 mosaïques installées sur les façades des églises et autres lieux dans tout le canton. Les œuvres ont été réalisées par les artistes du centre Encanada au Pérou, ainsi que par ceux du Centre Aletti, à Rome, dont Marko Ivan Rupnik a été pendant longtemps le directeur.
Apprécié par le pape François – il était issu de la même famille spirituelle -, le Père Marko Rupnik a notamment réalisé le logo du Jubilé de la Miséricorde en 2015. Aussi connu pour ses activités de prédicateur, le jésuite a par exemple été invité à prêcher en salle Paul VI du Vatican pour les employés de la Curie romaine et le pape, à l’occasion de cette ›Année sainte’, en février 2016.
À Lourdes, le Slovène a conçu en 2007 les grandes mosaïques sur la façade de la basilique du Rosaire. Un groupe de réflexion a été mis en place en mars 2023 pour décider de l’avenir des mosaïques et doit rendre d’ici peu ses conclusions. L’évêque de Tarbes et Lourdes, Mgr Jean-Marc Micas, a été reçu par le pape François le 20 juin. Il n’a pas souhaité confirmer si le sujet des œuvres du Slovène a été évoqué avec le pontife. (cath.ch/imedia/hl/bh)
Retrait des œuvres exigé
«Retirez les mosaïques du Père Rupnik des églises». Selon le site catt.ch, cinq femmes – une Italienne, une Française, une Slovène et deux femmes qui ont souhaité rester anonymes – qui affirment avoir été abusées psychologiquement, spirituellement et sexuellement par le Père Marco Ivan Rupnik, ont demandé aux évêques catholiques du monde entier de retirer les mosaïques du Père Rupnik des églises. Elles estiment que leur exposition dans les lieux de culte est «inappropriée» et traumatisante pour les victimes qui «doivent quotidiennement faire face aux conséquences psychologiques que l’abus leur a causées».
Par l’intermédiaire de leur avocate, Maître Laura Sgrò, les femmes ont envoyé des lettres aux évêques du monde entier où des églises et des basiliques abritent certaines des quelque 230 mosaïques du Père Rupnik. «De telles œuvres, écrit l’avocate Sgrò, ne peuvent rester là où elles ont été placées, à la fois par respect pour les victimes et pour le caractère même du lieu de prière». CATT.CH