Bénédiction des pains de sainte Agathe à la boulangerie Roman à Ibach (SZ) | © Vera Rütimann
Suisse

Le 5 février, sainte Agathe vend ses petits pains

Le 5 février, l’effervescence règne dans les boulangeries de Suisse centrale et orientale. Ce jour-là, on cuit les pains de sainte Agathe. Bénits par une prêtre, les ‘Agatha-Ringlis’ seront suspendus dans les maisons et les étables pour les protéger de la foudre et de l’incendie. La tradition reste vivace et promet aux artisans un joli chiffre d’affaires.

Vera Rütimann, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page

A la boulangerie Roman à Ibach (SZ), l’odeur du pain frais monte du fournil. Les hommes et les femmes qui étalent la pâte, la pétrissent et la façonnent en ‘Agatha Ringlis’ sont pressés. Un œuf rapidement étalé sur le dessus, et au four !

Le propriétaire, Roman Lüönd, attend le Père Nicu Mada, curé de la paroisse. Lorsque le prêtre entre dans la boulangerie, tout le monde fait une pause. Nicu Mada parle d’encouragement, de force et d’espoir. La pâte à pain en forme d’anneau, faite de farine bénite, est plus qu’une simple pâtisserie, relève-t-il.

Roman Lüönd est très fier de ses pains de sainte Agathe © Vera Rütimann.

Les seins d’Agathe arrachés avec des tenailles

La tradition se réfère au martyre de sainte Agathe. Née au IIIe siècle à Catane en Sicile, dans une famille noble, Agathe était d’une très grande beauté et avait consacré sa virginité à Dieu. Quintien, proconsul de Sicile, souhaitait l’épouser. Agathe ayant refusé ses avances, Quintien l’envoya dans un lupanar tenu par une certaine Aphrodisie qu’il chargea de lui faire accepter ce mariage et de renoncer à son Dieu. La tenancière ayant échoué, Quintien fit jeter Agathe en prison. Parmi les tortures qu’elle endura, on lui arracha les seins à l’aide de tenailles mais l’apôtre Pierre lui apparut en prison et la guérit de ses blessures. Agathe mourut finalement sous la torture sans renier son Dieu.

Les artistes l’ont représentée portant ses deux seins sur un plateau. Une tradition erronée a fait de ces seins, des pains et Agathe est devenue la patronne des boulangers.

Sainte Agathe portant ses seins sur un plateau, détail de Francisco de Zurbarran (1630), Musée Fabre de Montpellier

Agathe protège de la foudre et des incendies

«Pour nous, c’est un moment spécial chaque année lorsque le prêtre vient bénir notre pain et notre entreprise», note le patron. Comme beaucoup d’autres dans la région, il a grandi sous la bénédiction de saint Agathe. «D’aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu un ‘Agatha Ringli’ accrochée dans la maison de nos parents. Cette tradition se perpétue dans notre maison.»

Nicu Mada se dirige quelques pas plus loin vers la boulangerie Schwegler. Là aussi, la tradition remonte à 65 ans. Le personnel travaille dans la boulangerie depuis deux heures du matin, transpirant pour les anneaux d’Agathe. Ce n’est qu’à midi que tout est prêt, étalé sur les plateaux. «2’500 ‘Agatha-Ringlis’ attendent des clients», se réjouit Markus Schwegler. «C’est un jour important pour l’entreprise». Mais au-delà de l’aspect commercial il y a pour Markus «quelque chose qui nous accompagne sur notre chemin.»

Pour Markus Schwegler, la tradition des pains de sainte Agathe ne devrait pas se perdre | © Vera Rütimann.

Les agriculteurs viennent également à la boulangerie. «Ils donnent aussi les Ringlis à leur bétail», dit Markus Schwegler. Dans les étables, ils déposent les pains pour protéger leurs bêtes, et contre les incendies.

Pour le boulanger, il est important que les pains d’Agathe ne soient vendus que le 5 février. Il fait allusion à la galette des rois qui se trouve sur les étagères bien avant le 6 janvier. Une telle coutume ne devrait pas se perdre, juge-t-il.

Le pain est un symbole biblique important

Curé d’Ibach depuis dix ans, l’abbé Nicu Mada, d’origine roumaine, ne connaissait pas la coutume. Mais il apprécie les bénédictions annuelles chez les boulangers. Ce sont comme des visites à domicile.

Le Père Nicu Mada est curé d’Ibach | © Vera Rütimann

Le pain est l’un des éléments les plus importants de la Bible et de la vie de foi des gens, rappelle Nicu Mada. Tout le monde se souvient de la multiplication des pains. La prière du «Notre Père» demande le pain quotidien. La bénédiction des pains de sainte Agathe rappelle que nous pouvons manger du pain tous les jours. Cela ouvre à un sentiment de gratitude.

La bénédiction n’est pas magique et ne remplace pas la médecine. Mais le pain bénit reçoit une sorte d’»inoculation spirituelle» pour le corps et l’âme, conclut-il (cath.ch/kath.ch/vr/mp).

Une tradition qui perdure
La tradition des pains de sainte Agathe perdure en Italie, en Provence et dans les pays germaniques. En Suisse alémanique, elle est attesté à Bâle en 1466. Elle se vit encore en Suisse centrale et en Appenzell où les pains sont bénits pendant la messe et distribués à la sortie. La protection contre l’incendie se rattache à la vie de la sainte à Catane, ville sise au pied de l’Etna, un des seuls volcans actifs d’Europe. MP

Bénédiction des pains de sainte Agathe à la boulangerie Roman à Ibach (SZ) | © Vera Rütimann
5 février 2021 | 15:34
par Rédaction
Temps de lecture : env. 3  min.
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