L'archevêque de Téhéran critique les sanctions occidentales contre l'Iran
Bonn, 2 février 2015 (Apic) La crise au Moyen-Orient ne peut pas se résoudre par le moyen de la guerre et des armes, estime Mgr Ramzi Garmou, archevêque chaldéen de Téhéran. Le prélat, né il y a tout juste 70 ans à Zakho, au Kurdistan irakien, critique les sanctions imposées à l’Iran par l’Occident. «La politique occidentale ne tolère tout simplement aucun progrès au Moyen-Orient», a-t-il déclaré dans une interview à l’agence de presse catholique allemande KNA.
Visiteur apostolique pour les chaldéens résidant en Europe, Mgr Ramzi Garmou a sévèrement critiqué la politique occidentale dans cette région du Moyen-Orient, rappelant qu’avec leur offensive militaire de 2003 en Irak, «les Etats-Unis ont détruit un pays, uniquement pour poursuivre leurs intérêts». Il estime nécessaire «une politique basée sur les droits humains», qui respecte les intérêts des autres nations. A ses yeux, les sanctions occidentales sont responsables d’une hausse du chômage et d’une crise économique générale.
Les chrétiens ont «une mission à remplir» au Moyen-Orient
Soulignant le sort peu enviable des chrétiens soumis à la terreur des islamistes en Irak, Mgr Garmou estime que l’on ne peut certes pas contraindre les chrétiens de la région à rester, mais ils ont cependant «une mission à remplir», à savoir défendre la foi chrétienne.
Rappelons qu’au cours des trois dernières décennies, les deux tiers des fidèles de l’Eglise assyro-chaldéenne ont quitté la République islamique d’Iran pour s’installer avant tout aux Etats-Unis, mais aussi en Europe occidentale. Les fidèles chaldéens restés sur place sont environ 5’000. En Iran, les chrétiens sont une petite minorité au sein d’une population de 78 millions d’habitants. Près de 99% des Iraniens sont musulmans, dont 89% sont chiites et 9% sunnites. Sur quelque 70’000 chrétiens, moins de 10’000 sont catholiques, les autres appartenant notamment à l’Eglise arménienne apostolique dite «grégorienne».
Une présence chrétienne depuis les tout débuts du christianisme
Mgr Ramzi Garmou rappelle que depuis les tout débuts du christianisme, la présence chrétienne dans cette région est avérée: les Actes des Apôtres mentionnent des Parthes, des Mèdes et des Elamites – tous Perses – parmi les premiers chrétiens convertis à la Pentecôte. Cette Eglise d’Orient fut ainsi une des premières Eglises chrétiennes. «Elle fut fondée, selon la tradition, par l’apôtre Thomas».
Encadré
Les chrétiens, minorité reconnue par la République islamique
La Constitution de la République islamique d’Iran reconnaît trois minorités non musulmanes: les chrétiens, qui sont quelque 70’000, appartenant à diverses obédiences; les zoroastriens, la plus ancienne religion de la Perse, qui sont environ 30’000 et possèdent encore leurs «temples du feu»; et enfin les juifs, qui sont encore près de 20’000 et disposent de synagogues. Les chrétiens sont une infime minorité au sein d’une population de 78 millions d’habitants, essentiellement musulmans chiites. La plus grande partie d’entre eux (plus de 50’000) sont des Arméniens apostoliques (orthodoxes), dont le berceau historique est la ville d’Ispahan, où ils avaient été déportés sur ordre de Shah Abbas Ier au XVIe siècle. Les Assyro-chaldéens avaient leur centre, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, à Ourmia, dont le nom d’origine syriaque signifie «cité de l’eau», près du grand lac éponyme situé au nord-ouest de l’Iran, à proximité de la frontière turque. Ils ne sont plus aujourd’hui que 5’000. Comme les autres chrétiens, ils se concentrent essentiellement dans la capitale Téhéran, où toutes ces communautés ont leur église.
Une forte émigration depuis l’instauration de la République islamique
Les Assyriens de l’Est, autrefois nommés «Nestoriens», sont bien 7’000, tandis que les protestants, évangéliques et pentecôtistes, sont un millier, et les Arméniens catholiques 300. Quant aux catholiques latins, qui sont des étrangers ou des membres de couples mixtes, ils doivent être un demi-millier. «Ces chiffres sont approximatifs, car nous n’avons pas de statistiques fiables sur le nombre réel des chrétiens dans le pays», admet Mgr Garmou.
«Les chrétiens ont connu une forte émigration depuis l’instauration de la République islamique, relève l’évêque d’origine irakienne. Ceux qui sont restés appartiennent aux couches les moins aisées. Des chrétiens sont restés parce qu’ils étaient trop âgés pour refaire leur vie à l’extérieur du pays, dans une culture qui leur était étrangère, parce qu’ils ne voulaient pas quitter leur famille et pour certains, par conviction chrétienne… Ceux-là, même s’ils sont une toute petite minorité, croient que l’Eglise a la mission de porter témoignage…»
Encadré
Etre chrétien en Iran, pas une sinécure
Le quotidien de Mgr Garmou n’est pas une sinécure: ses permis de séjour et de travail doivent être renouvelés chaque année et il ne doit s’adresser qu’aux chrétiens pour ne pas encourir le reproche de faire du prosélytisme auprès des musulmans, ce qui est strictement interdit ! Mais pour l’archevêque de Téhéran, il est faux de penser que la force de l’Eglise réside dans le nombre de ses fidèles ou dans la force de ses institutions. «Ce regard n’est pas très évangélique et surtout Jésus lui-même nous dit: n’ayez pas peur, petit troupeau ! Ce petit troupeau peut aussi témoigner de la présence de Jésus, là où il est, en vivant sa foi au quotidien».
A Téhéran, l’Eglise assyro-chaldéenne dispose de deux lieux de culte. Il s’agit de l’église St-Joseph, qui est la cathédrale, et celle de la paroisse de Marie Mère de Dieu. Les églises sont ouvertes pour le culte, pour la catéchèse, l’enseignement, les conférences. «Mais tout doit se passer à l’intérieur des édifices reconnus par le régime. Pas question d’avoir des activités religieuses à l’extérieur, car il est interdit de proclamer l’Evangile dans l’espace public».
100’000 fidèles assyro-chaldéens vivent en Europe occidentale
Depuis plusieurs générations, les Assyro-chaldéens émigrent et s’installent aux Etats-Unis et en Europe occidentale. Sur le continent européen, ils sont quelque 100’000 fidèles, installés notamment en Suède (20’000 environ), en France (le même nombre), en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark ou en Belgique. Quelques-uns vivent également en Suisse. (apic/be)