L'afflux de réfugiés soudanais pèse sur les populations frontières
La guerre civile qui se déroule au Soudan provoque la fuite de la population vers les pays voisins, précarisant un peu plus les populations qui vivent à leurs frontières. Au Tchad, des organisations d’aide de l’Église au Tchad s’inquiètent de voir de nouvelles tensions apparaître entre les habitants et les réfugiés.
Quatre mois se sont écoulés depuis le début de la guerre fratricide au Soudan, le 15 avril 2023, et la situation s’est dramatiquement aggravée. Selon les statistiques les plus récentes, plus de trois millions de personnes ont fui, dont près d’un million ont atterri dans les pays voisins, à savoir le Tchad (36,5 %), l’Égypte (30,3 %), le Soudan du Sud (22,5 %), mais aussi la Libye, la République centrafricaine et l’Éthiopie. Des pays eux-mêmes accablés par des crises humanitaires et un nombre très élevé de déplacés.
Le Tchad en première ligne
Le pays qui enregistre le plus grand nombre d’entrées est le Tchad, qui est passé de 30’000 réfugiés soudanais en provenance du Darfour en mai dernier à environ 310’000 aujourd’hui (source: African Center for Strategic Studies). «Au Tchad, la population d’Adré, par exemple, à 400 mètres de la frontière, dans la province orientale de Ouaddaï, autrefois une ville tranquille de 68’000 habitants, a plus que doublé»», rapporte à l’agence Fides Sabrina Atturo, coopératrice internationale de la Fondation Magis, une ONG jésuite. Cette nouvelle vague de déplacés s’ajoute aux plus de 400’000 réfugiés soudanais qui vivent dans l’est du Tchad depuis 2003 en raison de conflits antérieurs, également au Darfour.
Confrontés à une nouvelle crise au Soudan, de nombreux Tchadiens ont chaleureusement ouvert leurs maisons…
Un appel aux médias internationaux
Le vicariat de Mongo, au Tchad, apporte son aide aux réfugiés soudanais. Mais il est effaré par l’ampleur de la tâche. Le Père Fabio Mussi, coordinateur du projet, a lancé un appel à la communauté internationale et aux médias pour qu’ils portent leur regard sur cette région du monde. Cet afflux de réfugiés se poursuit au rythme d’environ 5000 personnes par semaine et devrait se poursuivre dans les mois à venir, jusqu’à ce que les combats cessent définitivement. Or les perspectives de paix sont mauvaises. Ce qui est aussi de mauvais augure pour la coexistence pacifique des populations vivant dans ses zones frontières avec le Soudan.
La guerre au Soudan impacte l’économie du Tchad
«Les communautés locales de l’est du Tchad sont confrontées à la flambée des prix des denrées alimentaires en raison de la désorganisation des marchés causée par la guerre et la fermeture des frontières», témoigne S. Atturo. Une situation aggravée par les niveaux de revenus déjà faibles de la population. Les défis sont nombreux pour un pays qui se situe au dernier rang de l’indice de développement humain: manque d’infrastructures, insécurité politique, faiblesse structurelle en matière de santé et d’éducation, auxquels il faut ajouter la difficulté du contexte climatique avec l’avancée du désert. Des fortes chaleurs succèdent aux inondations, sans capacité de gestion de l’eau.
L’afflux soudain et massif de déplacés soudanais met ainsi à rude épreuve la coexistence et le mode de vie jusqu’ici traditionnellement pacifiques dans les zones frontalières. «Depuis des générations, les communautés vivant le long de la frontière entre le Soudan et le Tchad ont maintenu une tradition de commerce et de pastoralisme, liées par des mariages mixtes et des affinités culturelles partagées. Confrontés à une nouvelle crise au Soudan, de nombreux Tchadiens ont chaleureusement ouvert leurs maisons, partageant nourriture, terres et autres ressources avec ceux qui fuient le conflit.»
«Quand vous avez faim, il est difficile d’entendre les cris des autres»
Mais l’arrivée soudaine de milliers de personnes a exercé une forte pression sur une population locale déjà vulnérable dans l’est du Tchad, ce qui pourrait provoquer des conflits et des affrontements entre les communautés frontalières elles-mêmes, analyse-t-elle. «J’ai été frappée par l’histoire de Khadidja, 40 ans, mère de huit enfants, qui a toujours vécu à Adré et qui, montrant le maigre repas qu’elle a préparé pour sa famille, déclare: «Tout est devenu si cher et si difficile», tandis que sa fille aînée, Hila, âgée d’une vingtaine d’années, avoue ressentir la douleur de ceux qui ont fui la guerre. Sa propre famille a accueilli deux adolescents soudanais qui avaient fui El Geneina: «Mais quand vous avez faim, il est difficile d’entendre les cris des autres».» (cath.ch/fides/lb)