L’Abbatiale de Payerne retrouve sa splendeur médiévale
Cœur et âme de la cité de Payerne, l’Abbatiale a désormais retrouvé sa splendeur médiévale. Avec le réaménagement complet de la place du marché, ce joyau de l’art roman dispose aussi d’un écrin digne de sa beauté. Rouverte au public dès le 11 juillet 2020, elle offre un parcours passionnant dans un millénaire d’histoire.
Une dizaine d’années de travaux, une centaine d’entreprises, un millier d’ouvriers, pour un coût global de 20 millions de francs, le chantier de l’Abbatiale de Payerne a été assez colossal pour la commune de la Broye vaudoise.
Cette rénovation de grande ampleur a été possible grâce à l’investissement conjoint de la commune de Payerne, du canton de Vaud et de la Confédération, ainsi que de nombreux donateurs privés. Dès le 11 juillet 2020, les visiteurs pourront redécouvrir la beauté l’histoire et les secrets de cet édifice millénaire.
Le dialogue de la lumière et de la matière
Avec ses espaces sobres et élégants qui font dialoguer la matière et la lumière, l’abbatiale de Payerne est une des plus belles des églises clunisiennes d’Europe, a relevé, en conférence de presse le 8 juillet 2020, Ivan Kolecek, l’architecte responsable des travaux.
Pour cette rénovation, la tradition des bâtisseurs a été complétée par des techniques de pointes contemporaines. Les façades dangereusement écartées par les poussées des voûtes, au point que le risque d’effondrement était bien réel, ont été stabilisées par des tirants métalliques forés dans les murs et le sol sur une hauteur de 25 mètres avec une précision millimétrique. Cette technique d’ancrage était appliquée pour la première fois à cette échelle sur un monument historique. Les murs ont été débarrassés des croûtes noires de pollution de l’ère industrielle au moyen d’un rayon laser qui a balayé leur surface sans altérer la pierre.
Rétablie dans son espace vital
Ce joyau de l’art roman devait enfin être rétabli dans sa dignité par la restitution de son espace vital au centre de la ville, sur la colline originale de la fondation de Payerne à l’époque romaine, puis lieu du développement monastique, du pouvoir bernois et enfin de la commune de Payerne. La place aujourd’hui libérée du trafic et du stationnement automobile est rendue aux Payernois qui l’ont naturellement investie.
Un parcours de découverte immersif et interactif
Pour mettre en valeur cette beauté retrouvée, le muséographe Philippe Etter a conçu un nouveau parcours de découverte. Il s’est inspiré de l’esprit du lieu, de sa hauteur, de sa lumière, de sa grandeur, de sa sobriété, de la pureté de ses lignes. Le parcours immersif et interactif, conduit le visiteur à la découverte, non seulement de l’architecture, mais aussi de personnages qui ont fait l’histoire du lieu. Depuis la reine Berthe de Souabe avant l’an mil, puis sa fille l’impératrice Adélaïde, le prieur de Payerne Pierre Vincent de Poligny, le maçon-architecte Jean de Lilaz, ou encore l’architecte Louis Bosset, qui rénova l’église au début du 20e siècle. Spectacles audiovisuels, activités interactives, bandes-son et effets sonores surprenants, tout a été mis en place pour captiver le visiteur en une vingtaine de postes.
Symbole de la ville
«Ces travaux sont une petite étape dans l’histoire millénaire de l’Abbatiale, mais ils lui permettront d’affronter sans crainte le prochain millénaire», s’est réjouie l’ancienne syndique de Payerne et conseillère d’Etat vaudoise Christelle Luisier. «L’Abbatiale fait partie intégrante de la vie des Payernois, c’est le symbole identitaire de la ville. C’est aussi un site exceptionnel, la plus grande église romane de Suisse. Nous sommes fiers de faire découvrir au plus grand nombre le résultat de ce projet un peu fou», a renchéri André Bersier, conseiller municipal en charge de l’urbanisme. Un enthousiasme que le conseiller d’Etat Pascal Broulis, et la directrice de l’Office fédérale de la culture, Isabelle Chassot, n’ont pas manqué de partager.
Une histoire mouvementée
La fondation de l’abbaye Notre-Dame sur l’emplacement de la villa romaine de la famille Paterniacus se situe entre 961 et 965. Elle fut initiée par l’impératrice Adelaïde du Saint Empire romain germanique. Cette brillante femme politique, apporta son soutien au développement de l’ordre bénédictin de Cluny.
Les travaux de construction de l’église actuelle, qui remplace l’édifice carolingien, débutèrent vers le milieu du XIe siècle. Une nouvelle nef fut construite vers 1070-1080 suivie de la construction du chœur. L’édifice fut surmonté plus tard du clocher gothique avec ses quatre tourelles et sa couronne au pied de la flèche, qui caractérise son aspect extérieur. Deux incendies la ravagent en 1235 et en 1420, mais à chaque fois elle est reconstruite.
Au coeur d’un vaste territoire
Le prieuré de Payerne était un site clunisien d’importance, disposant de nombreuses dépendances et autour duquel se développa un bourg médiéval. Placé sous la suzeraineté des rois de Bourgogne puis des ducs de Savoie, l’abbaye passe sous la domination des Confédérés au XVI siècle. Lors de l’invasion du Pays de Vaud en 1536, les Bernois prirent possession du couvent ainsi que d’une partie de ses droits et des ses biens fonciers. Fribourg accueillit les moines restés fidèles à la foi catholique. En 1562, l’abbaye fut fermée.
Grenier, fonderie, prison et caserne
L’abbatiale est alors successivement transformée en grenier, fonderie de cloches, cantonnement militaire, prison puis local des pompes à incendie. On la dote de plusieurs planchers qui divisent son espace. Les Bernois détruisent le cloître ainsi qu’une partie des bâtiments abbatiaux. Les autres sont transformés pour devenir la résidence des baillis.
La renaissance de l’abbatiale date de la fin du XIXe siècle. Les historiens s’insurgent contre l’utilisation peu respectueuse de ce monument de style roman et plaident pour sa rénovation. L’abbatiale est classée monument historique en 1900. Le processus de restauration est enclenché dès 1920.Des fouilles et des travaux sont entrepris pour restituer l’abbatiale dans son état originel.
Signes inquiétants de détérioration
Après un nouvel incendie qui touche une partie des bâtiments en 1987, l’abbatiale présente, au début des années 2000 des signes inquiétants de détérioration, fissures dans les voûtes et les murs, dégâts à la toiture. Ce qui provoque la mise en route d’un nouveau chantier de rénovation qui vient de s’achever.
L’Abbatiale de Payerne est considérée, avec Romainmôtier et Grandson, comme l’un des sites d’architecture romane les plus significatifs de Suisse. Elle constitue un exemple particulièrement représentatif de l’architecture clunisienne. La beauté exceptionnelle de sa lumière, due à l’existence de fenêtres hautes dans la nef, la distingue des constructions romanes classiques. (cath.ch/mp)