Jérusalem: la Via Dolorosa se refait une beauté
Profitant de l’absence de touristes et de pèlerins, la municipalité de Jérusalem a entamé, début octobre, la réfection du pavement d’une partie de la célèbre Via Dolorosa. Il y en avait bien besoin.
Cécile Lemoine/terresainte.net
Pavés déchaussés, marches affaissées et irrégulières… La Via Dolorosa (le «chemin de douleur», celui qu’aurait parcouru Jésus entre le lieu du jugement par Pilate et celui de la crucifixion), ne l’est pas qu’au sens figuré. Usée par le passage des tracteurs et les pas de millions de pèlerins qui l’empruntent le temps d’un chemin de croix, l’état de la ruelle qui monte de la Ve à la VIIIe station, devenait critique.
Alors que la rue grouille habituellement de touristes et de passants, c’est le calme plat depuis que le pays a fermé ses frontières aux voyageurs, il y a un an et demi. Seuls les franciscains continuent à faire vivre la Via Dolorosa au cours de leur chemin de croix hebdomadaire. La municipalité de Jérusalem a sauté sur l’occasion.
Début octobre, une vingtaine d’ouvriers en gilets orange ont envahi l’intersection de la Ve station. Armés de pioches, de marteaux-piqueurs et de tracteurs, ils travaillent à la faveur de la nuit, à partir de 19h et jusqu’au petit matin, avec une efficacité redoutable: désossage des pavés abîmés un premier soir, et pose des nouvelles dalles en pierre le lendemain. Sur une dizaine de mètres à chaque fois. La réfection de la route permet aussi de renouveler le raccordement électrique souterrain. À cette vitesse, les travaux devraient durer plus ou moins un mois.
Efficacité
Au mois de juillet, les ouvriers s’étaient attaqués à la portion de rue qui passe devant la VIIIe station avec la même célérité, remplaçant les pavés polis par des pierres toutes neuves en l’espace de quelques semaines. «Heureusement qu’ils font ça vite, ce ne sont pas des travaux très silencieux», euphémise Sœur Maria, des Petites sœurs de Jésus, une communauté francophone qui vit juste à côté de la VIe station. «Mais vous savez, on n’est pas plus dérangées que les autres», évacue-t-elle dans un sourire.
De mémoire de commerçant, cela faisait près de 40 ans que la Via Dolorosa n’avait pas été restaurée. «La dernière fois, c’était dans les années 1980 et les pavés qu’on avait retirés dataient de l’époque ottomane», se souvient Mumtaz Husseini, propriétaire d’une échoppe de souvenirs dans le haut de la rue.
Jusqu’alors, la mairie avait opté pour des renforts et des rustines en goudron grossier qui ont mal résisté aux affres du temps et de la météo: l’eau ravine facilement dans la pente, fragilisant encore plus son revêtement. Le regard du commerçant se fait enthousiaste: «Une Via Dolorosa toute neuve attendra les pèlerins à leur retour!»
Un chemin évolutif
C’est en effet un lieu de dévotion majeur pour les chrétiens du monde entier, qui peuvent y marcher avec le Christ et revivre dans la foi les dernières heures de sa Passion. Pourtant, peu savent que le chemin tel qu’il est pratiqué aujourd’hui est très éloigné de celui emprunté par Jésus. La dévotion, les mémoires, le trajet, et même le nombre de stations ont évolué tout au long des siècles, s’adaptant aux demandes des pèlerins européens, mais aussi à la topographie de la ville dont les rues sont plus ou moins praticables selon les époques.
Le parcours actuel, en 14 étapes, ne repose en réalité que très partiellement sur la mémoire historique de Jérusalem. Ainsi, ce qui est aujourd’hui la VIIe station, marquant la deuxième chute de Jésus, a longtemps été la «Porte du jugement», et la fin du chemin.
La localisation de la première station, le prétoire de Pilate, où Jésus est condamné à mort, fait toujours débat. Ce qui est de nos jours le point de départ de la Via Dolorosa est situé depuis le XVe siècle par les franciscains à la forteresse Antonia, aujourd’hui école de l’Omariyya, au nord-ouest de l’esplanade des mosquées dans la vieille ville.
En 2015, des archéologues israéliens ont annoncé avoir découvert le lieu du procès de Jésus vers l’actuelle porte de Jaffa. Soit de l’autre côté de la ville. Si elle n’est pas historique, la Via Dolorosa reste spirituelle. Et Jérusalem se languit de cette quête. (cath.ch/tsm/cl/bh)