La Via Crucis, une dévotion «historique»
Le pape François présidera le 30 mars 2018 le traditionnel chemin de croix au Colisée à Rome, en présence de milliers de fidèles.Le pontife s’inscrit ainsi dans une tradition multiséculaire.
Si l’Eglise a conservé la «mémoire vive» des paroles et des événements des derniers jours de la vie terrestre du Christ, c’est parce qu’elle sait que chaque épisode «cache un mystère de grâce», affirme le site officiel du Vatican: «un geste d’amour pour elle».
Cette mémoire est bien entendu sacramentelle, avec l’eucharistie qui reproduit le sacrifice du Corps et du Sang du Christ versés sur le mont Golgotha. Mais elle est aussi «historique», est-il expliqué, à travers la mémoire des lieux où Il a souffert.
C’est pourquoi l’Eglise de Jérusalem a très tôt manifesté son attention pour les «Lieux saints» de la Passion. Il existe des traces archéologiques qui attestent d’un culte chrétien dès le 2e siècle, dans la zone du sépulcre du Christ.
A la fin du 4e siècle, des pèlerins ont noté la présence de trois édifices érigés sur le Golgotha: l’Anastasis, la petite église de la croix – ad crucem – et la grande église – Martyrium. Ces observateurs attestent également qu’une procession se rend, certains jours, de l’Anastasis au Martyrium.
«Grand et triste privilège» de Jérusalem
A l’époque, on ne parle pas de via crucis ni de via dolorosa. Mais avec ses chants propres, il s’agit bien d’une «forme embryonnaire» de la future Via crucis. Ainsi Jérusalem est-elle la ville du chemin de croix historique. C’est un «grand et tragique privilège», mais le Moyen-Age a été fasciné par ces Lieux saints, au point de vouloir les reproduire sur sa propre terre d’Occident. C’est ce qu’ont fait quelques pèlerins de retour de Jérusalem. Le plus célèbre en est le complexe des sept églises de Saint-Stéphane à Bologne (Italie).
Au sens actuel du mot, la Via Crucis remonte à la fin du Moyen-Age. Mais Saint Bernard au 12e siècle, puis saint François d’Assise au 13e, ainsi que saint Bonaventure, ont préparé le terrain par leur dévotion à la Passion de Jésus-Christ.
Ce climat spirituel explique aussi l’enthousiasme des Croisés, voulant récupérer le Saint-Sépulcre aux mains des musulmans depuis la prise de Jérusalem par Saladin en 1187. Mais également la renaissance des pèlerinages à partir de ce même 12e siècle, avec aussi la présence stable des franciscains dès 1233.
Saint Léonard de Port-Maurice, grand propagateur
En tant que dévotion, la Via crucis naît de la rencontre de plusieurs dévotions diffusées à partir du 15e siècle, surtout aux Pays-Bas et en Allemagne. Il s’agit notamment des dévotions aux chutes du Christ sous la Croix, ainsi qu’au chemin douloureux du Christ – qui consiste à pèleriner entre sept églises pour rappeler la Passion.
La forme traditionnelle de la Via crucis, avec ses 14 stations, est ensuite attestée en Espagne au 17e siècle, souvent dans un milieu franciscain. Puis elle est passée en Sardaigne, alors sous domination espagnole, et de là elle a gagné la péninsule italienne. Un de ses propagateurs les plus fervents a été saint Léonard de Port-Maurice (1676-1751), au 18e siècle. Franciscain, il est connu pour avoir érigé 572 chemins de croix, y compris au Colisée sur la demande du pape Benoît XIV en 1750, en souvenir de l’Année sainte.
Au 20e siècle, Paul VI a repris la tradition du chemin de croix au Colisée. C’est ensuite Jean Paul II qui demandera à des personnalités de rédiger les méditations – dont le Français André Frossard – à partir de 1985. Auparavant, ces textes étaient tirés uniquement de l’Ecriture sainte ou des écrits de saints et de docteurs de l’Eglise. (cath.ch/imedia/ap/bh)