Mgr Felix Gmür lors de l'assemblée synodale suisse à Einsiedeln | © Christian Merz
Suisse

La synthèse suisse du Synode envoyée au Vatican

Collégialité des processus de décision, égalité baptismale et sacerdoce des femmes, inculturation et liturgie adaptée à la communauté… La synthèse suisse à la première session de l’Assemblée synodale de l’Église universelle en 2023 a été remise au Vatican, informent les évêques du pays, le 15 mai 2024.

Intitulé Écho suisse à la 1e Session de l’Assemblée synodale de l’Église universelle, le document a été envoyé au Secrétariat général du Synode sur la synodalité. Il sera ensuite utilisé par le Vatican pour rédiger l’Instrumentum Laboris (document de travail) pour la deuxième session du Synode sur la synodalité, en octobre 2024.

Le rapport de synthèse de la Conférence des évêques suisses (CES) résume les réactions de diocèses et de diverses organisations laïques au rapport de synthèse du Synode. Les évêques remercient dans leur communiqué «toutes les personnes qui ont participé avec enthousiasme et ont ainsi contribué de manière significative » à sa rédaction.

Une Église en pèlerinage

Malgré la diversité des cadres de droit public ecclésiastique dans les cantons, il existe un consensus parmi les responsables, souligne le rapport. Ils souhaitent tous une Église plus synodale. Et c’est dans ce contexte qu’il a été décidé de réaliser une phase d’expérimentation synodale de cinq ans, «un chemin d’apprentissage exigeant mais important». Chemin que la commission synodale, dont la création a été décidée début 2024, sert à expérimenter au niveau national.

L’égale dignité baptismale

Le rapport revient sur la méthode synodale de «discussion dans l’Esprit» motivée par une «préoccupation d’inclusion radicale». «La conscience de l’égale dignité baptismale de tous les baptisés s’est accrue», souligne-t-il, en particulier en ce qui concerne les femmes. Et «cela doit être mis en œuvre dans la structure et la vie d’une Église synodale.

Cet appel est compris comme une invitation à aller aux devants de tous ceux qui, pour différentes raisons, ont été blessés par l’Église ou qui y sont marginalisés, «en particulier les femmes, les personnes queer et les personnes socialement défavorisées». Le risque néanmoins existe, souligne le rapport, que les exclus ou les marginalisés, momentanément devenus audibles et visibles durant le processus synodal, se retrouvent par la suite à nouveau mis de côté.

Un risque intrinsèque à la nature même du système décisionnaire dans l’Église, où ce sont «souvent uniquement des hommes célibataires, ordonnés prêtres ou évêques, dotés d’un haut niveau d’éducation et d’un statut élevé qui décident de questions qui concernent les jeunes, les femmes, les personnes queer, les personnes en couple, mariées ou en famille, les personnes pauvres et marginalisées et bien d’autres». Des offres de formation pour contrecarrer ce risque sont demandées.

Les processus de décision

Il est donc demandé à l’Église de toujours garder à l’esprit sa propre conversion et de rester au service de la mission. Pour cela «Église synodale» et «Église hiérarchique» doivent travailler de concert, se compléter. L’œcuménisme fait aussi partie des préoccupations avancées, dans une Suisse aux identités culturelles différenciées.

L’Église catholique en Suisse connaît déjà de nombreuses possibilités de participation aux processus de prise de décision, souligne le rapport. La coresponsabilité partagée des décisions au niveau de la paroisse, du diocèse et de l’ensemble de la Suisse est souvent déjà bien pratiquée, même si certains proposent de «créer des marges de manœuvre dans le cadre du droit canonique».

«Le «système dual» prédominant repose sur deux piliers d’autorité ecclésiale – un pilier de droit canonique et un pilier de droit public ecclésiastique», y remarque-t-on. Si le respect des compétences et des domaines de compétence propres à chacun doit être cultivé, les nombreux défis que vit l’Église aujourd’hui (comme la gestion des abus) demandent de nouvelles formes de collaboration.

Parmi les autres propositions que l’on trouve dans ce rapport concernant les questions d’autorité, une obligation qui serait faite aux évêques de rendre des comptes à propos de leur mise en œuvre des processus de décision synodaux.

Le sacerdoce des femmes

Le sacerdoce des femmes occupe aussi une place importante dans le rapport. Que les femmes soient exclues du sacerdoce n’est plus compris en de nombreux endroits, peut-on y lire. La question de l’intégration des femmes à tous les ministères est donc soulevée, et plus précisément celle de leur ouverture au diaconat. «Une forme spéciale de diaconat ‘pour les femmes’ serait considérée, dans le contexte suisse, comme l’expression d’une relégation des femmes, au même titre que la gradation du diaconat par rapport au ministère ordonné», est-il précisé.

L’inculturation

La nécessité d’une plus grande inculturation de l’Église est soulignée à plusieurs reprises dans le rapport. Et pour commencer, au sein même de la méthode du dialogue synodal, afin de faciliter la plus large participation synodale possible dans les différentes régions linguistiques de Suisse et pour différents groupes cibles. En vue de ce même objectif, il est proposé de former des équipes à la méthode synodale et à l’esprit qui l’anime, tant au niveau paroissial, diocésain ou suisse. Plusieurs diocèses le font, de différentes manières, mais «il apparaît clairement que des offres de formation et de formation continue systématiques et transversales font encore défaut».

Toujours au nom de l’inculturation, il est demandé à ce que les Églises locales et les régions ecclésiastiques puissent «se développer différemment. Ce n’est qu’ainsi qu’elles seront en mesure de rencontrer réellement les personnes et d’établir des relations d’égal à égal en reconnaissant leur dignité, comme le veut une Église synodale».

La diversité liturgique

Un intérêt particulier a été manifesté à ce propos à la liturgie, qui occupe une place centrale dans l’Église, mais qui serait appelée à s’ouvrir à la diversité, en s’adaptant aux langues et cultures à qui elle s’adresse. «Il est important que les personnes deviennent co-créatrices et co-créateurs du langage et des modes d’expression liturgiques pour leurs cultures linguistiques respectives. Ce n’est qu’à cette condition qu’une liturgie participative et axée sur l’inclusion est possible.» (cath.ch/lb)

Trois questions à Claire Jonard

Claire Jonard a été facilitatrice au sein de la délégation suisse au Synode sur la synodalité, dont la première phase s’est déroulée à Rome en automne 2023. Elle donne une première analyse de la synthèse suisse.

Le rapport est rédigé dans un style très «ecclésial», quelque peu «technique». Ne craignez-vous pas que cela puisse sembler abstrait aux fidèles?
Claire Jonard: Il faut dire que le texte est adressé principalement aux instances de Rome, qui sont habituées à ce langage. Pour cela, il adopte un style effectivement assez «académique». Mais je pense que les intentions du document sont malgré tout accessibles aux fidèles. Plus de que poser des propositions toutes faites, il met plutôt en relief les horizons vers lesquels nous voulons aller.

Le rapport reflète-t-il bien le processus synodal en Suisse?
Je pense que oui. Je voudrais en tout cas souligner la belle participation qui a eu lieu à cette occasion. Nous avons constaté un réel enthousiasme et motivation dans les groupes, un écho très favorable et un grand désir de contribuer. Nous avons eu énormément d’échanges et de retours. Helena (Jeppesen-Spühler, déléguée suisse au Synode, ndlr) et moi avons insisté pour que le document remercie toutes les personnes qui ont participé.

Quelle est la spécificité «suisse» du rapport?
Dans chaque pays, la synthèse reflète évidemment la préoccupation des fidèles. Je dirais que pour la Suisse, deux axes importants sont la place des femmes dans l’Eglise et la subsidiarité. Parce que ce sont des débats très présents dans nos communautés. Le document insiste, de façon visible, pour une plus grande reconnaissance des femmes dans l’institution.
Pour ce qui est de la subsidiarité, c’est quelque chose que nous vivons déjà dans l’Eglise en Suisse, que ce soit au niveau du système dual, du fonctionnement typiquement fédéraliste du pays, avec sa culture démocratique, qui a déjà un style synodal. Je pense que cela peut être une inspiration importante pour l’Eglise universelle. RZ

Mgr Felix Gmür lors de l'assemblée synodale suisse à Einsiedeln | © Christian Merz
15 mai 2024 | 19:11
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 5  min.
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