Des dizaines de fidèles processionnent en suivant la statue de Saint-Joseph dans le quartier de Florès, d'où est originaire le pape | © Sebastian Motta
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La procession de Saint-Joseph à Buenos Aires, aux origines du pape François

Clairons, tambours et trompettes. Le départ de la procession de Saint-Joseph a été donné en fanfare, le 19 mars 2025, dans le quartier de Florès (Buenos Aires), d’où est originaire le pape François. Presque tout le monde ici l’appelle encore Bergoglio, lui, l’enfant du quartier qui fut intronisé le 19 mars 2013.

Benoit Drevet à Buenos Aires, pour cath.ch – Photos: Sebastian Motta

La statue de saint Joseph sort sous les applaudissements d’une foule dense, dans la soirée d’une chaude journée de fin d’été austral. Portée par quatre hommes, le saint si cher au pape est coiffé de sa couronne canonique héritée en 1956 du pape Pie XII, avec l’enfant Jésus dans ses bras; La statue est habillée d’un manteau doré avec des motifs fleuris surpiqués sur les épaules. Ce dernier, utilisé tel une relique, a été posé sur les épaules de chaque croyant venu se faire bénir sous le dais dressé pour l’occasion sur le parvis de la basilique qui domine la place arborée General Pueyrredón. «Saint-Joseph, prends soin de nous avec ton manteau», implore une banderole fixée sur la porte intérieure de l’église.

La statue de saint Joseph sort de la basilique San Jose sous les applaudissements des fidèles | © Sebastian Motta

Le Saint-Patron du quartier de Florès et de sa basilique – un vœu du fondateur du quartier don Juan Diego Flores – est un saint auquel le pape accorde une importance et un attachement particuliers. «Quand j’ai un problème, une difficulté, j’écris un petit mot et je le mets sous saint Joseph pour qu’il puisse en rêver! En d’autres termes, je lui dis: priez pour ce problème!», avait-il déclaré, le 16 janvier 2015, lors d’un voyage aux Philippines. L’image de saint Joseph endormi, dont l’Évangile de saint Matthieu écrit qu’il a reçu des messages de Dieu dans quatre rêves différents, trône sur le bureau de François au Vatican.

Une tradition du quartier

«Cette procession pour saint Joseph est une tradition qui caractérise notre quartier et les gens d’ici», souligne Martín, 17 ans, choisi pour porter la bannière de son collège. Et d’ajouter: «Le pape est venu d’ici, c’est un exemple pour nous et nous prions beaucoup pour lui.» La procession, lente et joyeuse, emprunte une rue commerçante, égayée par des chants et des prières qui résonnent dans la ville grâce aux hauts parleurs fixés sur une vieille camionnette bleue. Les passants s’arrêtent, filment, parfois applaudissent où rejoignent la cohorte de gens de tous âges qui s’étire sur plus de 200 mètres en rang serré.

A l’avant, derrière une voiture de police assurant la sécurité du cortège, se trouvent les prêtres de la basilique et l’archevêque de Buenos Aires, Mgr Garcia Cuerva. Ils précédent plusieurs groupes portant haut leurs étendards. Comme celui de la quinzaine d’élèves de l’Institut Saint-Joseph de Florès de La Salle, tous habillés de leur uniforme bleu ciel Issue du même collège. Valentina, une collégienne blonde aux yeux bleus de 16 ans, reconnaît qu’«il y a une communauté de jeunes importante dans le quartier, qui voudraient que le pape vienne ici».

Un pape «péroniste»

Un pape qui n’est pourtant pas toujours prophète en son pays. «C’est un homme politiquement clivant, mais il est de notre communauté», commence Juana Mendoza, cheveux courts coupés au carré, au milieu de la foule qui récite des Notre-Père, avant de considérer avec rancœur qu’«il a appuyé la corruption de la voleuse ([sic], (l’ancienne présidente Cristina Fernandez de Kirchner, ndlr) et lui a envoyé un rosaire.» Celle qui se définit comme supportrice du président argentin Javier Milei, pas connu pour être le meilleur ami du pape, s’affirme «dérangée» par ce pape «péroniste» (mouvement politique allant du centre-gauche à la droite, affilié à la justice sociale et au progressisme, ndlr). Au milieu des pèlerins qui lancent des «Vive Saint-Joseph!», cette femme de 76 ans qui vit près de la basilique dit malgré tout «prier beaucoup pour lui car je ne souhaite pas qu’il souffre en tant qu’être humain (le pape est sorti de l’hôpital trois jours après la procession, ndlr)». 

Les fidèles du quartier Florès d’où est originaire le pape François, suivent la procession de la Saint-Joseph | © Sebastian Motta

Elle ne sera, ce jour-là, pas la seule fidèle à avoir un regard critique sur le Saint-Père. Certaines personnes préférant couper court à la discussion ou tirant une grimace lorsqu’on leur demande ce qu’elles pensent de François. Avec comme point commun à ces réactions, la politique, dans un pays extrêmement polarisé entre péronistes, au pouvoir la majorité du temps depuis le retour de la démocratie fin 1983, et partisans du président populiste libertarien d’ultra-droite Javier Milei.

«Les Argentins n’aiment rien! Même Messi, ils l’ont sifflé aussi!», rigole Graziella Sierra, bénévole pour la procession et chargée de cours de catéchisme. Née à Florès et âgée de 60 ans, elle assure «aimer le pape et prier pour lui car il a été choisi comme le successeur de Pierre. C’est notre guide». Selon elle, Francisco, qu’elle a déjà croisé dans le métro quand il était cardinal comme l’homme le plus normal du monde, «a beaucoup plus de gens qui le soutiennent à l’extérieur du pays», prenant l’exemple de «Jésus chassé de Nazareth». Cette banquière de profession, décrit Florès comme étant tranquille, commerçant, de classe moyenne, bien desservi et bien situé. Quelques maisons bourgeoises anciennes côtoyant de nombreux commerces et maison de plain-pied ou d’un étage, plus modestes.

«Aujourd’hui est un jour où nous offrons tout à saint Joseph, avec une dévotion très forte», raconte Alejandro Garcia, laïc de 59 ans, venu s’installer à Florès à ses 20 ans, avec enthousiasme. Il guide les porteurs de la statue du Saint-Patron du quartier. Pour lui, «François est présent dans tous les esprits aujourd’hui, nous prions pour lui» ajoute-t-il, alors que la fanfare a repris de plus belle et que la nuit est tombée. 

Une procession de village

A la fin de la procession, un petizt feu d’artifice salue le retour de saint Joseph à la cathédrale qui lui est dédiée | © Sebastian Motta

L’ambiance, toujours bon enfant au sein de la procession, est parfois proche de celle d’un village. Le speaker qui mène avec énergie et humour les chants et prières avec son micro relayé par les haut-parleurs de la camionnette, fait rire les fidèles en lançant, en bas d’un des rares immeubles d’une dizaine d’étages du quartier, un joyeux: «Comment va le Chichi? Tu n’es pas à la procession, ce n’est pas bien!» Il s’adresse à un habitant à son balcon qui lui répond en le saluant; «Il a la cheville cassée le pauvre», ajoute-t-il un brin moqueur. Les prières reprennent, cette fois pour «Sainte-Thérèse, dévouée à Saint-Joseph», lance le speaker.

Quant au pape François, «nous sommes tous dans l’espérance car nous voyons le pape guérir jour après jour, et aujourd’hui, dans le cœur de chacun il y a la figure de Francisco pour qui nous prions», témoigne Mgr Garcia Cuerva, l’archevêque de Buenos Aires, reconnaissable de loin grâce à sa grande taille et sa calotte rouge au milieu des fidèles. La procession n’est plus qu’à quelques encablures de la basilique où le prélat va présider la messe de ce jour de fête. Sur les escaliers menant à la basilique, des centaines de gens regardent arriver le cortège et sa statue de saint Joseph. A son arrivée sur le parvis, des feux d’artifice sont déclenchés depuis le toit de l’édifice, illuminant son clocher. L’orchestre des forces aériennes argentines, composé d’une quarantaine d’hommes et femmes, donne le ‘la’ final avec l’hymne argentin et quelques marches militaires sous les yeux admiratifs des enfants. Il est temps pour tout le monde d’entrer dans la basilique, imposante et richement décorée dans un style baroque. Il flotte une forte odeur d’encens pendant la messe et les ventilateurs disposés pour l’occasion tournent à plein régime.

A l’intérieur, côté couloir gauche, trône depuis deux ans une statue représentant saint Joseph endormi dans ses songes. Des fidèles se recueillent devant cette statue gracieusement offerte par le pape pour les 10 ans de son pontificat. Elle est encadrée par deux peintures accrochées au mur. L’une représente Jorge Mario Bergoglio, alors cardinal et archevêque de Buenos Aires, conduisant la procession de Saint-Joseph dans les rues de son quartier natal. L’autre le montre sur la place Saint-Pierre, le jour de l’inauguration de son pontificat. Sous chaque tableau, il y a une plaque dorée avec une date: «Florès, 19 mars 2012» et «Rome, 19 mars 2013».

Une plaque au sommet d’un confessionnal rappelle qu’en ce lieu, Jose Maria Bergoglio reçu l’appel de Dieu | © Sebastian Motta

Alors que la messe suit son cours, dans chaque confessionnal, un prêtre absout les péchés des pénitents qui font la queue pour recevoir le sacrement. Juste à côté de Saint-Joseph endormi, il y a une peinture sur trépied montrant Francisco dans ses habits de Saint-Père prier, devant la basilique de Florès. Cette œuvre est disposée à côté d’un confessionnal, où un petit garçon haut comme trois pommes se fait bénir par un prêtre assis à l’intérieur. Au sommet du confessionnal, une plaque rappelle la vocation qu’a reçue le pape: «Dans ce confessionnal, le 21 septembre 1953, Jorge Mario Bergoglio a suivi l’appel de Dieu pour devenir prêtre». (cath.ch/bd/sm/bh)

Des dizaines de fidèles processionnent en suivant la statue de Saint-Joseph dans le quartier de Florès, d'où est originaire le pape | © Sebastian Motta
24 mars 2025 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture : env. 6  min.
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