La paroisse d'Adligenswil (LU) boycotte le diocèse de Bâle
A la suite de l’enquête sur les abus sexuels dans l’Eglise en Suisse, le conseil de paroisse d’Adligenswil (LU) a décidé de couper les vivres au diocèse de Bâle. Il versera immédiatement sur un compte bloqué les recettes des impôts ecclésiastiques attribuées ordinairement à l’évêché.
Jacqueline Straub, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
Par cette mesure de répression financière, la paroisse St-Martin entend faire pression sur le diocèse pour que «le système soit fondamentalement remanié». Elle invite toutes les paroisses de Suisse à faire de même.
Le conseil de paroisse estime que les mesures promises par les évêques contre les abus sexuels et pour une clarification sans faille ne resteront que des «vœux pieux» si la base n’agit pas. C’est pourquoi elle suspend sa contribution ordinaire à l’évêché de Bâle, pour la verser sur un compte bloqué. La paroisse ne donne cependant pas d’indication sur les montants concernés.
Une intervention conséquente
«Ce que nous avons entendu ces derniers jours au sujet de notre Eglise est honteux et accablant. Nous sommes touchés et solidaires de toutes les personnes concernées», déclare la présidente du conseil de paroisse Monika Koller Schinca dans un communiqué de presse du 21 septembre 2023. «Il s’agit maintenant de faire toute la lumière sur cette affaire et d’agir avec fermeté.».
Même si l’étude pilote sur les abus sexuels a montré l’aspect structurel à l’origine de l’ampleur du phénomène, la paroisse craint que les structures ne changent pas et qu’aucun changement de mentalité ne soit amorcé si la base n’exerce pas de pression sur les directions des évêchés.
Le conseil de paroisse entend donner le «coup d’envoi» d’un mouvement plus large. Il exige en premier lieu une enquête indépendante sur les évêques suisse accusés de dissimulation d’abus. «Les enquêtes doivent être confiées à un organisme indépendant non ecclésiastique», indique le communiqué. Pour lui, l’enquête ordonnée par Rome et confiée par le Dicastère des évêques à Mgr Bonnemain, selon les prescriptions du motu proprio Vos estis, n’offre pas les garanties d’impartialité nécessaires.
Exigences envers les évêques suisses
Selon la promesse de la Conférence des évêques suisses (CES), la paroisse demande la création d’un service de médiation indépendant et professionnel en dehors des structures ecclésiastiques, auprès duquel les victimes pourraient se manifester sans conséquences pour elles et où les signalements seraient enregistrés et vérifiés. Toujours à partir des promesses des évêques concernant les archives, la paroisse demande que tous les dossiers soient à l’avenir conservés auprès d’un service indépendant, par exemple un service d’archives public.
Face au Vatican, le conseil paroissial demande que les archives de la nonciature apostolique à Berne soient ouvertes. «Nous attendons que cela soit exigé par les évêques suisses de manière conséquente». «Tant que ces exigences ne seront pas satisfaites, le conseil d’Adligenswil ne veut plus cofinancer un diocèse qui se contente d’observer sans agir».
Abolition du célibat des prêtres et égalité hommes femmes
Au delà de la gestion des abus, le conseil de l’Eglise d’Adligenswil attend de la Conférence des évêques suisses qu’elle s’engage «sans équivoque et de manière déterminée» pour un changement de culture et que «le système soit fondamentalement transformé». Il souhaite ainsi que le célibat obligatoire des prêtres soit aboli et que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. Il est important qu’il y ait un «départ significatif», une «révolte de la base».
La paroisse d’Adligenswil appartient au secteur pastoral de Meggerwald dans le canton de Lucerne. Elle compte 2’700 catholiques.
L’arme du boycott financier a déjà été utilisée à diverses reprises par les paroisses ou les Eglises cantonales alémaniques, notamment pour protester contre la gestion de Mgr Wolfgang Haas évêque de Coire de 1990 à 1997. (cath.ch/kath.ch/mp)
Le rapport du projet pilote sur l’histoire des abus sexuels dans l’Eglise suisse a permis de dénombrer, entre 1950 et 2022, 1’002 cas d’abus sexuels sur 921 victimes pour 510 auteurs. Selon les historiens, il ne pourrait s’agir là que de la partie émergée de l’iceberg. La faillite de l’institution et les négligences des évêques dans la gestion des abus sont pointées du doigt.