La militante américaine Dorothy Day bientôt bienheureuse ?
Plus de 1’500 personnes ont rempli la cathédrale Saint-Patrick de New York au début décembre 2021 pour assister à la clôture de la phase diocésaine de la cause de béatification de Dorothy Day (1897-1980). Militante socialiste, journaliste convertie au catholicisme en 1927, cette femme laïque a fondé le mouvement des «Catholic Worker».
Dorothy Day est née à Brooklyn en 1897. Elle a travaillé comme journaliste pour plusieurs journaux socialistes et était une militante profondément touchée par le sort des agriculteurs et des ouvriers. Elle a été reçue dans l’Église catholique en 1927. Lors de la grande dépression après le krach boursier de 1929 Dorothy Day avait été consternée par l’absence de plaidoyer ou de témoignage catholique lorsqu’elle a couvert une marche de la faim à Washington en 1932.
Le 8 décembre de cette année-là, jour de la fête de l’Immaculée Conception, elle prie pour que Dieu lui révèle un plan pour servir les pauvres et les chômeurs en tant que catholique.
Fondatrice des «Catholic Worker»
À son retour à New York, elle rencontre Peter Maurin, un ouvrier vagabond et érudit français imprégné de l’enseignement social catholique. Dorothy et lui développent une vision d’une société construite sur les valeurs de l’Évangile. Ensemble ils fondent le journal «Catholic Worker,» des «maisons d’hospitalité» pour les indigents et, finalement, un mouvement laïc consacré à la pratique quotidienne des œuvres de miséricorde, à l’adoption de la non-violence, à la prière, la vie en communauté et la pauvreté volontaire.
Il existe aujourd’hui quelque 200 communautés locales actives de «Catholic Worker» aux Etats-Unis et dans une douzaine d’autres pays. Le journal «Catholic Worker» est toujours publié.
Militante arrêtée plusieurs fois par la police
Dorothy Day était une militante convaincue de la justice sociale, du pacifisme et de la charité. Ce qui lui a valu plusieurs arrestations pour avoir manifesté en faveur des travailleurs en grève ou contre les guerres. Auteure de milliers d’articles et de plusieurs livres, dont son autobiographie (La longue solitude retraduite en français en 2018), elle est morte en 1980 dans une maison de ›Catholic Worker’ à New York.
Une procédure lancée au début des années 2000
A la fin des années 1990, le cardinal John J. O’Connor, archevêque de New York, a demandé de réunir un groupe de personnes qui avaient connu Dorothy Day pour examiner si elle pouvait être proposée comme un modèle de sainteté.
Le soutien fut unanime malgré les inquiétudes de certains sur l’image de l’Eglise que pourrait véhiculer Dorothy Day. En fait, elle a appelé les gens à mettre en pratique le Sermon sur la Montagne, à pratiquer la charité et la justice et à retrouver le sens profond de l’Évangile, a expliqué le postulateur de la cause.
Le pacifisme militant de Dorothy Day ou son passé socialiste étaient mal considérés par certaines personnes. D’autres craignaient que l’avortement qu’elle avait subi dans les années 1920 et le fait qu’elle était mère célibataire ne soient pointés du doigt comme des questions déterminantes. Le cardinal O’Connor a lancé le processus de béatification en 2002 et Dorothy Day a reçu le titre de «Servante de Dieu».
Coup de pouce du pape François
La cause de Dorothy Day a reçu un gros coup de pouce lorsque le pape François a visité les États-Unis en 2015 et l’a qualifié de représentante importante du peuple américain. Lors d’un trajet en voiture, le cardinal Thimothy Dolan, assis à côté du pape François, lui a demandé de déclarer Dorothy Day «vénérable» lors de la messe publique le lendemain. Au petit-déjeuner le lendemain matin le pape François lui a dit qu’il ne pouvait pas le faire parce que la phase diocésaine de l’enquête n’était pas terminée. Le cardinal alors remis l’ouvrage sur le métier.
17 boîtes et 50’000 pages
Les 17 boîtes scellées du procès diocésain contiennent pas moins de 50’000 pages. Entre autres l’intégralité du dossier du FBI de Dorothy Day, qui détaille les multiples enquêtes sur les accusations d’être communiste dont elle a été innocentée à chaque fois. Si «certains pouvaient la considérer comme une casse-pieds, ils se portaient quand même garants d’elle et de ses bonnes intentions», a commenté le postulateur. (cath.ch/cns/mp)
Dorothy Day à Paris
Une quinzaine de personnes ont ouvert en 2017 à Paris un café-atelier associatif animé par des chrétiens, ouvert à tous et au service de son quartier. Le projet baptisé «Le Dorothy» est placé sous le patronage de Dorothy Day. «Nous aimons chez Dorothy Day sa façon originale de lier politique et vie de foi, son action pour la justice, sa créativité et son audace politiques et sa capacité à faire vivre des communautés de travail et de vie», expliquent ses initiateurs. MP