La liberté religieuse, socle du dialogue œcuménique
La liberté religieuse, concrétisée il y a 50 ans dans l’Eglise catholique par le décret conciliaire ‘Dignitatis humanae’, est «la condition sine qua non» du dialogue œcuménique et interreligieux. C’est ce qu’a rappelé le 3 décembre 2015 le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, à l’occasion du 7e «Forum Fribourg Eglise dans le monde», à l’Université de Fribourg.
‘Dignitatis humanae’ a été l’un des événements les plus importants de Vatican II, a déclaré d’emblée le prélat suisse. Celui qui incarne les efforts de l’Eglise catholique pour le retour des chrétiens à la pleine communion a tenu à réaffirmer quelle avancée a signifié ce texte qui «respire totalement l’esprit du Concile». Sans cette concrétisation des principes de la liberté religieuse, aucun des progrès actuels de l’œcuménisme n’aurait été envisageable.
Si ‘Dignitatis humanae’ a été une pierre d’angle, il a également été l’un des documents les plus controversés du Concile, rappelle Mgr Koch lors de la conférence organisée par la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg. Il existait en effet de profondes divergences culturelles, qui ont compliqué la mise en place des principes de base de la liberté religieuse. L’épiscopat anglo-saxon était la plus grande force motrice des débats, alors que les prélats d’autres pays, notamment d’Italie et d’Espagne étaient plus réticents, craignant de perdre la relation particulière qu’ils entretenaient avec leurs autorités civiles respectives. Mais la nécessité d’une clarification du rapport entre l’Eglise et le monde a finalement pris le dessus.
Un dialogue vers l’unité
Mgr Koch rappelle que ce processus est né d’une volonté de l’Eglise d’adapter, à la lumière de l’Evangile, son message aux signes des temps et aux évolutions du monde moderne. Dans une société toujours plus diverse culturellement et religieusement, ‘Dignitatis humanae’ a signifié la reconnaissance par l’Eglise du principe de tolérance développé par l’Etat moderne. Le texte témoignait en outre de l’absence d’opposition entre vérité et liberté. Il a été finalement acquis que la liberté humaine était compatible avec la foi chrétienne.
Le décret a permis à l’Eglise d’accéder à la crédibilité nécessaire pour s’engager dans le dialogue œcuménique et interreligieux. Il avait existé, dans le passé, une forme d’asymétrie de discours qui mettait l’Institution devant une contradiction: dans les pays où les catholiques étaient majoritaires, elle ne reconnaissait pas d’autres formes de religions, et dans ceux où ils étaient minoritaires, elle exigeait d’être reconnue. Ce n’est qu’en défendant la liberté religieuse et en la pratiquant elle-même que l’Eglise a pu commencer à entamer un dialogue en vérité avec les autres chrétiens, réaffirme l’ancien évêque de Bâle. Car ce n’est qu’entre deux partenaires ayant la volonté de chercher ensemble la vérité, qui se respectent dans une relation symétrique d’égalité et de liberté, que peut se réaliser un dialogue au service de l’unité dans la paix. Mgr Koch, souligne qu’un tel dialogue ne peut se faire, comme le répète souvent le pape François, que dans l’affirmation de sa propre identité, sans nivellement des convictions.
Une évangélisation compatible avec la liberté religieuse
Soulevant la question de la liberté religieuse à la lumière de la mission d’évangélisation de l’Eglise, le président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a rappelé que la foi ne pouvait être transmise qu’en pleine liberté. La vérité ne peut œuvrer que par l’attraction et non par le prosélytisme, dans son acception négative, qui implique la coercition ou la persuasion malhonnête. Vatican II, même s’il a banni le terme de «prosélytisme», n’a pas mis fin à l’activité missionnaire. Avec ‘Dignitatis humanae’ il a au contraire rappelé que la liberté religieuse n’entrait pas en contradiction avec la proclamation de la foi, si cela était fait avec la volonté de partager le cadeau de l’Evangile. Mgr Koch a en outre réaffirmé la nécessaire dimension œcuménique de l’évangélisation, qui doit tendre vers l’unité des chrétiens et éviter toute forme de «concurrence» avec les autres confessions.
L’ombre du «laïcisme»
Le prélat suisse a souligné que la séparation de l’Eglise et de l’Etat était une solution pour la liberté religieuse. Il a néanmoins mis en garde contre le «laïcisme» existant notamment dans certains pays européens, qui tend à marginaliser le religieux en le considérant comme une «sous-culture sociale». L’Etat a en effet le devoir de respecter la fonction de la religion, notamment dans la culture. L’ancien évêque de Bâle a insisté sur le fait que les croyants devaient avoir la possibilité de participer à la construction de l’ordre social. «Les Eglises doivent se mobiliser pour revendiquer l’aspect positif de la liberté religieuse», a martelé Mgr Koch.
Le prélat a finalement relevé à quel point la question de la liberté religieuse était actuelle, notant que jamais encore dans l’histoire, autant de chrétiens n’avaient été persécutés. Reprenant l’expression du pape François d’»œcuménisme du sang», le cardinal soutient que cette génération de martyrs «nous force à l’empathie œcuménique». La défense actuelle de la liberté religieuse porte les chrétiens à surmonter leurs divisions. Citant encore une fois le pontife argentin imaginant la pensée de ces martyrs, Mgr Koch lance: «Alors que l’ennemi nous réunit dans la mort, comment osons-nous nous séparer dans la vie?» (cath.ch-apic/rz)